La climatisation aggrave la hausse des températures

Avec les étés de plus en plus chauds que connaît la région Atlantique, la climatisation est une solution prisée pour rafraîchir les intérieurs. Mais l’usage croissant de ces appareils dope la consommation d’électricité et entraîne des émissions nocives pour la planète.

 

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Marine Ernoult 

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

Il va faire chaud cet été à l’est du Canada. Jusqu’à la fin du mois d’août, Environnement Canada anticipe des températures supérieures à la normale dans les quatre provinces de la région Atlantique. L’Île-du-Prince-Édouard a déjà connu des avertissements de fortes chaleurs en juillet. 

Parmi les solutions pour faire baisser la température des habitations, des bâtiments publics et des entreprises, l’installation d’une climatisation semble devenue l’option la plus répandue à l’île comme ailleurs. 

D’après Statistique Canada, 64% des ménages canadiens ont déclaré avoir un climatiseur chez eux en 2021, contre 61% en 2019. 

À l’Î.-P.-É., la thermopompe (qui déplace la chaleur d’une zone à une autre) est particulièrement prisée avec un peu plus de 3 ménages sur 10 qui en possédaient une en 2021. 

Si la climatisation est un bon moyen de limiter les impacts sanitaires des chaleurs intenses, elle pose plusieurs problèmes environnementaux. 

«Les climatiseurs ont le désavantage de réchauffer l’air extérieur, en prélevant la chaleur de la pièce et en l’évacuant vers l’extérieur», explique Normand Voyer, professeur titulaire au département de chimie de l’Université Laval, à Québec.

10% de la consommation d’électricité mondiale 

La fabrication et l’utilisation de ces appareils participent également au réchauffement climatique. Ils consomment énormément d’énergie. À l’échelle de la planète, leur utilisation représente 10 % de la consommation d’électricité. 

À l’Î.-P.-É., les consommateurs ont déboursé en moyenne 5,7 % de plus pour l’électricité en 2022 qu’en 2021. C’est l’une des plus fortes hausses au pays. 

Et selon l’Agence internationale de l’énergie, il y aura d’ici 2050 environ 5,6 milliards de climatiseurs dans le monde, contre 1,6 milliard actuellement. Ils consommeront à eux seuls la même quantité d’électricité que la Chine aujourd’hui. 

Avec dix nouveaux climatiseurs vendus chaque seconde au cours des trente prochaines années, cette technologie sera l’un des principaux moteurs de la demande mondiale d’électricité, encore largement produite à l’aide d’énergie fossile. De fait, l’empreinte carbone des climatiseurs sera augmentée.

«Une étude américaine a révélé que les climatiseurs sont responsables chaque année de l’émission de 2 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère et ça va continuer d’augmenter», rapporte Normand Voyer. 

Autre problème : certains fluides frigorigènes utilisés dans les systèmes de climatisation, comme les CFC et HCFC, détruisent la couche d’ozone. Le protocole de Montréal, signé en 1987, a permis de les éliminer 

graduellement.

Gaz réfrigérants nocifs 

Ils ont été remplacés au fil des ans par d’autres fluorocarbures, les HFC. Moins nocifs pour la couche d’ozone, il n’en reste pas moins un puissant gaz à effet de serre. Ils ont un pouvoir réchauffant estimé entre 1 300 et 3 260 fois plus élevé que le CO2. 

«Ils peuvent s’échapper du climatiseur lors de sa fabrication, de sa maintenance, de sa fin de vie ou si celui-ci a une fuite», alerte Normand Voyer.

«Surtout que la filière de recyclage des climatiseurs n’est pas bien développée, les appareils finissent souvent à l’enfouissement», ajoute-t-il. 

Le chimiste plaide en faveur de systèmes de déshumidification de l’air plus efficaces : «Avec le réchauffement climatique, l’air est de plus en plus humide et c’est ce qui augmente fortement la température ressentie.»

En attendant, à défaut de climatiseur, quelques astuces peuvent faire l’affaire en cas de fortes chaleurs. Fermer ses volets et mettre des linges fins imbibés d’eau près des portes et fenêtres permettent le transport d’air frais et une température ressentie plus agréable.

Aérer pendant les heures fraîches, s’humidifier soi-même ou dormir avec des vêtements humides sont d’autres mesures d’appoint suffisantes pour les personnes les moins vulnérables.  

 

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PHOTOS : (incluant titre de la photo, légende et crédit du photographe ou courtoisie)

Normand Voyer est professeur titulaire au département de chimie de l’Université Laval à Québec.  (Photo : Gracieuseté)

 

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  • Date de création 30 juillet, 2023
  • Dernière mise à jour 30 juillet, 2023
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