Je repars faire ma vie… à Hawkesbury

De plus en plus d’immigrants convergent vers Hawkesbury, dans l’Est ontarien, afin de s’y établir. La petite ville francophone de l’Ontario, autrefois inconnue aux quatre coins de la planète, est désormais une destination de choix depuis quelques années. C’est voulu.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

«Il y a quatre ans, Hawkesbury était un grain de sable dans le monde», illustre la coordinatrice du Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’est de l’Ontario (RSIFEO), Brigitte Duguay Langlais.

Son organisme travaille depuis à renverser la vapeur en vue de devenir une terre d’accueil.

En juin 2019, Hawkesbury a été choisie en tant que communauté francophone accueillante dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles du gouvernement du Canada.

À cet effet, une enveloppe budgétaire de 1,8 million de dollars a été consentie pour mettre en œuvre l’initiative d’immigration, qui vient à échéance en 2024.

Ces fonds proviennent du ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et vise à augmenter l’immigration au sein de communautés francophones en situation minoritaire au pays.

Hawkesbury fait partie de ces 14 «communautés francophones accueillantes» canadiennes sélectionnées.

Et c’est revenu au RSIFEO de piloter les efforts d’accueil et de conscientisation au sein de la ville.

Selon Mme Duguay Langlais, la mentalité locale a beaucoup évolué depuis les quatre dernières années face à l’immigration.

À son avis, il y a moins d’amertume face aux immigrants, de plus en plus présents dans toutes les sphères d’activités de la ville.

De leur côté, ajoute-t-elle, les nouveaux arrivants semblent heureux de s’installer en raison de l’accueil chaleureux qu’ils reçoivent.

Victime de son succès, mais…

Ce changement de cap est le résultat d’une vingtaine d’initiatives tenues chaque année depuis le début du projet et menées par des organismes partenaires. Des formations dans les écoles et en milieu de travail ont également été données.

Le nouveau Festival multiculturel de Hawkesbury et le Centre culturel Le Chenail ont aussi contribué à ouvrir les yeux de la communauté sur le monde, soutient Mme Duguay Langlais.

Au bout du compte, l’immigration a été plus forte que prévu et le RSIFEO est maintenant victime de son succès.

La pénurie nationale de logements devient désormais un frein pour la croissance de l’immigration pour la suite des choses, croit-on au réseau.

«Le beau projet de l’immigration va flopper si on ne règle pas le problème de logement, lance Mme Duguay Langlais. Tout le monde lance l’enjeu dans l’assiette de l’autre. Les gens ne veulent pas partir (de Hawkesbury), mais ils n’ont pas le choix s’ils n’ont pas de logement.»

Prioriser le logement abordable

La lenteur des gouvernements à agir l’exaspère.

«Tout découle du logement. S’il n’y en a pas, oublions l’immigration, l’emploi, les services de santé, etc.»

Celle qui travaille au RSIFEO depuis 10 ans souhaite que les gouvernements subventionnent les promoteurs immobiliers et les propriétaires d’immeubles pour aboutir à des habitations plus modiques.

D’un autre côté, les constructeurs doivent être plus sensibles à ce fléau, enchaîne-t-elle.

La cadence d’immigrants, qui pourrait répondre à la pénurie de main-d’œuvre, devra ralentir jusqu’à ce que les logements soient plus accessibles, avance Mme Duguay Langlais.

«Amenez-en des immigrants, on est prêts! Mais il manque de logements abordables», martèle-t-elle.

Continuer à accueillir malgré tout

Pascal Bahilo Rubaghara s’est amené à Hawkesbury il y a près de deux ans et agit aujourd’hui à titre d’agent d’établissement du Conseil économique et social d’Ottawa-Carleton (CÉSOC).

À son arrivée, les visages d’origines diverses se faisaient rares dans les rues de la ville.

La communauté immigrante s’est agrandie.

Selon le dernier recensement, la population de Hawkesbury comprenait 5,7% d’immigrants en 2021, comparé à 3,2% en 2016.

«Tous les immigrants agissent comme des frères et sœurs envers l’autre, décrit le Congolais d’origine au sourire contagieux. Nous sommes tissés serré.»

Malgré l’absence d’associations pour regrouper les immigrants comme on voit à Cornwall, les nouveaux arrivants communiquent entre eux sur un groupe de l’application WhatsApp.

On y organise des activités; pose des questions; échange sur plusieurs sujets, etc.

Toutefois, le nerf de la guerre demeure le logement abordable, renchérit M. Bahilo Rubaghara.

Un logement à deux chambres pouvait coûter 700$ il y a quelques années à Hawkesbury, rappelle l’intervenant. Aujourd’hui, le même logement a grimpé à 1500$, même dans cette petite ville, rajoute-t-il.

«Les premières questions qu’on se pose quand on déménage dans un nouveau pays portent sur le logement, sur l’emploi et sur l’isolement. J’ai une famille qui est arrivée ici le 28 septembre, mais elle n’a toujours pas trouvé de logement», rapporte celui qui se charge de guider les immigrants à leur arrivée en ville.

Ce dernier estime qu’il faut continuer à accueillir des immigrants, malgré le problème de l’habitation.

«Les immigrants contribuent à maintenir une communauté vivante et active. On peut transformer des immeubles inoccupés en logements. Ça prend juste plus de volonté.»

D’ailleurs, il rappelle que les nouveaux arrivants contribuent à diminuer la pénurie de main-d’œuvre et à contrer le vieillissement de la population.

À Hawkesbury, les dernières données démontrent que l’âge moyen de la population est de 49,7 ans, soit presque huit ans de plus que la moyenne provinciale.

Choisir Hawkesbury

M. Bahilo Rubaghara est véritablement l’homme de la situation pour faciliter l’accès des immigrants à l’emploi, le transport, les besoins de la vie quotidienne ou pour remplir toute paperasse.

Il est connu de tous les nouveaux résidents étrangers, venus à Hawkesbury.

Parmi eux, on compte Medine L’Or Yemeli, arrivée du Cameroun il y a un an, et El Medhi Oumali, tout juste débarqué du Maroc il y a un mois, trois jours après le séisme qui a causé la mort de près de 3000 personnes.

Le plan initial de Mme L’Or Yemeli était d’habiter à Ottawa, une plus grande ville dont elle connaissait l’existence.

Cependant, en attendant d’y dénicher un logement, elle vivait chez une de ses amies à L’Orignal. C’est à ce moment qu’elle a découvert la vie communautaire de Hawkesbury.

Elle a décidé d’y déménager, après avoir constaté l’omniprésence du français.

Comme il en est la croyance populaire au sein de ses pairs, elle était convaincue que l’Ontario et l’anglais allaient de pair.

«J’ai été surprise d’entendre parler français en Ontario, dit-elle. C’était très difficile de trouver un logement à Ottawa. J’ai rencontré de très belles familles ici, tout le monde est gentil, donc j’y suis restée.»

La dame de 36 ans étudie actuellement en enseignement à l’Université d’Ottawa. Entre-temps, elle est suppléante dans les écoles.

De son côté, M. Oumali, 38 ans, a planifié son arrivée à Hawkesbury il y a un an.

L’emplacement de la ville, presque à mi-chemin entre Ottawa et Montréal l’a d’abord attiré. De plus, ses trois enfants peuvent aller à l’école en français, leur langue maternelle.

Si sa conjointe et lui n’ont pas encore déniché d’emploi dans leur domaine, en ingénierie, il existe des pistes, assure-t-il.

Néanmoins, la famille a trouvé un logement, après une semaine à l’hôtel et dix jours dans une chambre Airbnb.

La Camerounaise et le Marocain entendent rester à Hawkesbury à long terme.

«Pourquoi aller ailleurs?», lance Mme L’Or Yemeli.

Hawkesbury offre plusieurs services essentiels, faisant en sorte que leurs besoins sont quasi tous comblés, affirme-t-elle.

Seul le transport demeure un souci.

«On est obligés d’avoir une voiture», déclare-t-elle.

À la recherche d’un monde meilleur

Plusieurs facteurs peuvent pousser des personnes à s’établir dans un autre pays de manière permanente.

Même avec un bon emploi au Cameroun, Mme L’Or Yemeli ne croyait pas avoir l’assurance de pouvoir vivre dans un pays politiquement stable.

Le fait d’avoir de jeunes enfants a précipité sa décision d’immigrer, relate-t-elle.

«Nous avons aussi quitté notre pays pour l’éducation de mes trois enfants, soutient El Medhi Oumali. Ils sont maintenant ouverts à une autre culture.»

La présence d’une communauté immigrante déjà établie contribue énormément à la transition dans un nouveau pays, souligne L’Or Yemeli.

«On découvre ensemble un nouvel environnement et on vit les mêmes problèmes, explique-t-elle. Les enfants se font des amis plus facilement, comme nous.»

Les immigrants qui s’installent en ville en entraînent d’autres à les rejoindre, observe M. Bahilo Rubaghara. C’est ce qui s’observe à Hawkesbury dans son rôle au CÉSOC.

D’ailleurs, en sortant de son bureau de Hawkesbury, Le Droit a croisé un couple fraîchement débarqué de la Tunisie, avec encore leurs bagages aux mains.

Déjà, leur interaction avec M. Bahilo Rubaghara semblait les rassurer qu’ils avaient fait le bon choix de s’installer dans la petite ville francophone méconnue de l’Est ontarien.

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Photos

Medine L’Or Yemeli est arrivée du Cameroun il y a un an. (Charles Fontaine)

Selon Brigitte Duguay Langlais, la mentalité locale a beaucoup évolué depuis les quatre dernières années face à l’immigration. (Charles Fontaine)

Pascal Bahilo Rubaghara s’est amené à Hawkesbury il y a près de deux ans et agit aujourd’hui à titre d’agent d’établissement du Conseil économique et social d’Ottawa-Carleton (CÉSOC). (Charles Fontaine)

El Medhi Oumali, tout juste débarqué du Maroc il y a un mois, trois jours après le séisme qui a causé la mort de près de 3000 personnes. (Charles Fontaine)

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  • Date de création 23 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 23 octobre, 2023
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