Inculquer l’éducation environnementale à l’école Gisèle-Lalonde

Comment mettre l’environnement au centre des priorités? Dans le train-train quotidien, l’enjeu peut prendre le bord. Elizabeth Bengle tente à petite échelle d’influencer ses pairs vers la mobilisation.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

«Dans le tourbillon de la journée, les jeunes ne sont pas différents des autres. La préoccupation environnementale n’est pas dans notre tête constamment. C’est peut-être ça le problème. Il est facile de juger rapidement, mais quand on arrête tout et on jase d’environnement, c’est incroyable ce qui peut ressortir autant chez les jeunes que chez les adultes.»

C’est ce qu’elle fait à l’École secondaire publique Gisèle-Lalonde. Venant d’une famille écolo, où son frère est horticulteur et sa mère entretenait un jardin, Mme Bengle a grandi avec des valeurs environnementales. Elle a commencé à s’engager bénévolement à l’école de son fils où elle a pris le dossier de l’environnement à cœur, et ne l’a pas lâché. En 2017, elle obtient la médaille du souverain pour les bénévoles remise par la gouverneure générale du Canada.

Depuis six ans, elle mène le club Enviro de l’école. Pendant la pause du dîner, ils sont 26 jeunes de la 9e à la 12e année à se rencontrer dans une serre pour discuter de différents projets reliés à l’environnement. Le Droit à assister à l’une de ces rencontres, où l’on discutait des grands dossiers de l’année.

Faire le plein d’idées

Naïma Bouvier, Alexe Camirand et Melodie Plante n’aiment pas leur cour d’école. À cet effet, elles planifient d’aménager une forêt sur une étendue de gazon, entre l’école et le stationnement.

«Il faut penser aux arbres à planter selon l’environnement, pensent les amies tout haut. Nous devons établir un plan de plantation et d’entretien de la forêt. Il y a beaucoup d’arbres morts dans la forêt en arrière (de l’école) et les gens y laissent souvent leurs déchets. Nous voulons une forêt propre. Ça va faire du bien.»

À la table adjacente, l’équipe «mode» s’inquiète du fast fashion (mode rapide), concept où les grandes chaînes multiplient leur nombre de collections en une année, ce qui accélère le renouvellement des modes.

«On pourrait montrer aux élèves des manières de recycler de vieux habits en tricotant, propose Kadiatou Sall. On peut facilement garder des vêtements longtemps et tout de même avoir du style.»

Dans son groupe, la ministre de l’Environnement de l’école, Zihan Abukar, s’inquiète pour son avenir lorsqu’elle consulte l’actualité.

«Toutes les nouvelles concernant les changements climatiques me stressent. Si on agit maintenant, je crois qu’on peut amener un changement. En même temps, ça fait longtemps qu’on a des signes que la situation va s’empirer.»

Elle reste toutefois mitigée envers sa génération.

«J’ai confiance envers mes pairs, par contre, je vois souvent des déchets dans le bac de recyclage…»

Cette frustration des élèves du club Enviro est abordée dès le début de la rencontre.

«On pourrait faire une pile des déchets qu’on a retrouvés dans les bacs bleus et la montrer aux élèves», propose Carl Cruz-Nantel de la Brigade d’intervention environnementale.

Ce groupe a pour mission d’aller directement à la rencontre des élèves pour les inciter à changer certaines habitudes.

Urgence d’agir

Le Conseil des écoles publiques de l’est de l’Ontario (CEPEO) vante les initiatives environnementales de ses écoles, comme plusieurs projets de développement durable et l’installation de panneaux solaires. Depuis la dernière rentrée, le conseil a éliminé le plastique à usage unique dans ses 44 écoles. Il reste que leurs efforts se concentrent à l’École secondaire publique Gisèle-Lalonde.

L’environnement se faufile d’ailleurs un peu partout dans l’enseignement, peu importe le cours. Visible depuis le stationnement, la grande serre de l’école alimentée aux panneaux solaires l’affiche clairement. Mi-octobre, les plantations d’ail et d’épinards des élèves du cours d’alimentation amènent de la vie au jardin. Durant l’été, un groupe d’élèves et d’enseignants bénévoles assurent son bon fonctionnement. Le groupe du cours de science de l’environnement travaille actuellement en collaboration avec la Ville d’Ottawa pour agrandir la forêt de l’école.

L’intérêt envers l’environnement est grandissant, remarque Elizabeth Bengle.

«Je crois que la pandémie a apporté une prise de conscience. Je dois maintenant refuser des élèves et des profs dans les clubs. Est-ce que tout le monde sent l’urgence? Je ne sais pas.»

La dame de 60 ans donne de son temps pour tenter d’inculquer la flamme environnementale chez les élèves. Certains poursuivent une carrière dans le domaine, grâce à elle, ce qui la rend très fière. Il n’en demeure pas moins que les changements sont trop lents à son goût.

«Je suis impatiente. Je pourrais sortir ma carte de militante, mais je ne veux pas avoir l’air d’une obsédée. C’est difficile de bouger un aussi gros morceau en même temps. Les jeunes voient des annonces de voitures et ils ont hâte de conduire. Je crois que l’importance qu’on accorde à l’écologie vient du milieu où l’on a été élevé.»

La «petite madame verte», comme elle croit être perçue par le personnel de l’école, définit cette année comme un point décisif par rapport aux changements climatiques. En raison de l’urgence, certains élèves souffrent d’écoanxiété.

«Je leur dis qu’il faut être dans l’action. Si tu restes tout seul dans ton coin, tu vas perdre espoir. Les élèves ont des connaissances très poussées en environnement. Ils ont plein d’idées, alors je les questionne sur l’utilité de leurs projets. Il faut pousser la réflexion. On forme des citoyens qui vont changer le monde après tout.»

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Photos

Elizabeth Bengle tente à sa manière d'influencer les enseignants et les élèves de son école à se préoccuper davantage de l'environnement. (Patrick Woodbury/Le Droit)

La ministre de l'Environnement de l'école, Zihan Abukar, est préoccupée pour son avenir. (Patrick Woodbury/Le Droit)

Andrea Vachon, Carl Cruz-Nantel, Mayla Alain et Sohane Ahmed Daher forment la Brigade d'intervention environnementale de l'école. (Patrick Woodbury/Le Droit)

Les plantations d'ail et d'épinard du jardin seront couvertes durant l'hiver pour une récolte au printemps prochain. (Patrick Woodbury/Le Droit)

  • Nombre de fichiers 5
  • Date de création 25 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 25 octobre, 2023
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