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Il faut sauver le Campus Saint-Jean : l’AFCA suggère un modèle fédéré

Dans une ultime tentative pour sauver le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, l’Association canadienne-française de l’Alberta (AFCA) a publié un mémo, le mardi 4 août dernier, dans lequel elle propose un modèle de gestion fédéré de cette faculté mise à mal par une succession de coupures.

Inès Lombardo

Initiative de journalisme local – APF - Ouest

L’AFCA a tenté le tout pour le tout. Selon sa présidente, Sheila Risbud, « ce modèle permettrait de maintenir un lien avec l’Université de l’Alberta tout en offrant plus d’autonomie au Campus Saint-Jean sur les plans administratifs et académiques. Suite aux plus récents développements, nous sollicitons maintenant des contributions supplémentaires de la communauté et recueillons les idées et commentaires. »

Dans une démarche inclusive, l’Association tente d’élever la voix de la communauté francophone albertaine en proposant une gestion fédérée avec l'Université de l'Alberta et le gouvernement provincial. Plusieurs universités à travers le Canada ont démontré que ce type d’administration était envisageable, comme l’Université Saint-Paul fédérée à l’Université d’Ottawa, la Fédération de l’Université Laurentienne de Sudbury (ON) qui comprend trois autres institutions universitaires (Sudbury, Huntington et Thornloe) ou encore l'Université des Premières Nations du Canada, un collège fédéré de l'Université de Regina.

Malgré cette solution, la question de l’abysse financier du campus demeure. Comment les fonds manquants vont-ils se renflouer, après les compressions du gouvernement Kenney ? Selon l’AFCA, une fédération pousserait le Campus à générer ses propres revenus par des programmes bien spécifiques, notamment de formation continue. Cette méthode permettrait dans un second temps à la faculté Saint-Jean d'acquérir une autonomie plus solide pour traiter directement avec ses partenaires financiers.

Cette réponse large soulève toutefois une autre interrogation, plus profonde : si la proposition de l’AFCA est refusée, que va-t-il advenir de la communauté qui y réside depuis 1908 ?

Selon le président du syndicat Association of Aacademic Staff University of Alberta (AASUA), Ricardo Acuña, auquel presque tous les enseignants de Saint-Jean sont affiliés, la réponse est menaçante : « Dans le scénario le plus catastrophique, le campus fermerait et/ou serait intégré à l’université principale, dit-il. Dans ce contexte, même si les enseignants ne perdent pas leur emploi, ils perdraient davantage : un lieu historique, pas seulement pour les francophones, mais pour la province tout entière ».

À l’entendre, les enseignants du Campus vivent dans une incertitude et une peur plus pesantes de jour en jour. Le président du syndicat certifie toutefois que l’AFCA soumet une solution possible, même s’il doute que la province admette l’autonomie demandée.

« Nous allons vivre quelques années très difficiles »

Même son de cloche du côté des étudiants, confirmé par la présidente de l’Association des universitaires de la Faculté Saint-Jean (AUFSJ), Nathalie Herkendaal.. « Nous tentons de garder espoir, c’est ma job de pousser dans ce sens, assure-t-elle d’une voix posée. La solution proposée par l’AFCA redonne ce sentiment. Le campus Saint-Jean recherche une indépendance. Pour la rentrée prochaine au moins, on sait que si l’on est inscrit à un cours, il démarrera, mais c’est certain que les étudiants ont des doutes par rapport au futur proche. Je pense que nous allons vivre des années très difficiles. »

En écho aux propos de Ricardo Acuña, l’étudiante en 4e année de sciences assure que ses craintes concernent essentiellement une combinaison de la faculté Saint-Jean à une autre. Heureusement pour l’instant, rien n’est assuré dans ce sens.

Côté direction, le doyen du campus, Pierre-Yves Mocquais, veut croire à cette fédération qui ne peut passer que par une négociation entre les trois parties, soit la province, l’Université de l’Alberta et l’AFCA. D’une discrétion quasi-religieuse sur ses convictions, le chef de la direction du campus a pour tâche de faciliter les relations entre les trois. Il pèse ses mots, mais souligne néanmoins que d’autres universités sont viables en utilisant ce modèle. Une manière de dire que le gouvernement albertain et l'Université doivent aussi faire un pas vers une proposition qui paraît stable, si d’autres y arrivent. « Il faudrait négocier chaque aspect », lance-t-il en conclusion. On lit entre les lignes que c’est un parcours semé d’embûches, mais pas irréalisable.

Une semaine après l’invitation de l’AFCA à participer, les réactions des divers acteurs ayant pris connaissance du mémo traduisent une grande prudence et une incertitude, voire d’une instabilité des membres académiques comme des étudiants. Des sentiments qui ont envahi le Campus depuis l’automne 2019. En attendant, les francophones qui donneront leur avis à l’AFCA sur sa proposition peuvent le faire jusqu’au 31 août.

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Bas de vignette                              

Ricardo Acuña juge la proposition de l'AFCA « très positive », même si pour l'instant, la solution véritable serait une position plus souple de la province.

La présidente de l'association étudiante du campus, Natalie Herkendaal, veut garder espoir pour la communauté à la suite du mémo publié par l'AFCA. Elle conserve ses doutes tant que le projet n'est pas passé.

Le doyen de la faculté Saint-Jean, Pierre-Yves Mocquais, s'en remet à la négociation entre les trois parties, la clé pour que la tentative de l'Association soit acceptée. Celle-ci ne se fera pas sans négociations acharnées.

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  • Date de création 11 août, 2020
  • Dernière mise à jour 11 août, 2020
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