«Il faut continuer d’être sociable pour être en forme dans la tête»

La pauvreté frappe deux fois plus fort chez les aînés de Prescott et Russell qu’ailleurs en province, une différence attribuable notamment à leur situation en milieu rural, ce qui limite les services et accentue l’isolement. Notre journaliste Charles Fontaine est allé à la rencontre des aînés en milieu rural.

______________________

Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

En vieillissant, arrive un moment où les contacts sociaux sont plus difficiles.

La perte d’un conjoint, la maladie et l’éloignement des enfants peuvent contribuer à sombrer dans la solitude. Le contact de l’autre, ne serait-ce que le temps d’une partie de bingo, aide à traverser ces moments d’isolement.

La travailleuse sociale des Services communautaires de Prescott et Russell, Isabelle Lalonde, anime des dîners communautaires un peu partout dans Prescott et Russell. On jacasse, on joue au bingo, on rigole. Des conférences sont aussi présentées à l’occasion pour informer les personnes âgées sur certains sujets, comme la fraude informatique.

Ils sont une vingtaine à se rencontrer, ce jeudi d’une chaleur accablante, à L’Orignal. Les rires et les sourires colorent le local aux murs gris. Faciles d’approche, les aînés sont tout heureux de jaser avec un jeune journaliste.

«C’est formidable, on rencontre plein d’amis! Il faut continuer d’être sociable pour être en forme dans la tête», dit Francine Coulombe, dont c’est le premier dîner.

Son amie Diane Lavigne l’a invitée. Durant la pandémie, elle appelait chaque personne de son entourage qui vit seule pour jaser. Elle s’investit également dans plusieurs comités pour se garder occupée.

Son amie Réjeanne Lalonde est une habituée des dîners communautaires. Comme son mari est décédé il y a quelques années, elle vit un jour à la fois.

«J’essaie de ne pas m’ennuyer, alors je cuisine, je fais le ménage, je regarde la télévision. Je peux voir mes petits-enfants, je suis gâtée au bout! Dans la vie, tout change, veux, veux pas», dit-elle souriante.

L’importance des enfants

La proximité des enfants joue un rôle essentiel dans le moral des personnes âgées. «Quand les enfants sont autour, ça fait toute la différence», lance Mme Coulombe, qui habite près de sa fille à L’Orignal.

Tout comme Bernard et Denise Branche, qui sont voisins de leur fille. «On la voit chaque jour. On prend ça facile. Denise a commencé à s’intéresser aux plantes et aux fleurs, elle tricote», raconte M. Branche, 85 ans.

Colocataire à 76 ans

Jeanne Doucet a perdu son mari il y a un peu plus d’un an. Son fils a insisté pour qu’elle ne vive pas seule. Sur un grand terrain, dans le bois, dans une région où le réseau téléphonique n’est pas fiable, habiter seul en fin de vie représente un certain risque. Elle vit donc à Treadwell avec deux autres dames, dont Thérèse Cousineau, qui l’accompagne au repas.

La femme de 76 ans a vécu un an seule avant de joindre Mme Doucet et elle a trouvé le temps long. Elle a été obligée de placer son mari, victime de la maladie d’Alzheimer, dans un foyer de soins de longue durée à Maxville. «Il a voulu se suicider trois fois en une semaine, je n’étais pas en sécurité», raconte-t-elle, en pleurs. L’hôpital ne voulait pas le garder parce qu’il n’avait pas de lit disponible, explique la dame. «Je savais que j’avais le droit de refuser de le reprendre. Il est finalement resté trois mois à l’hôpital et il a été transféré à Maxville. Il veut toujours revenir à la maison, mais je ne peux pas, c’est trop dangereux.»

Elle se tient occupée en faisant partie de plusieurs comités dans sa communauté. «Ça nous valorise, dit-elle. Ça donne un sens à la vie.»

De son côté, Jeanne Doucet prépare une série de peintures sous le thème franco-ontarien.

Les antennes du milieu

La Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO) permet également aux personnes âgées francophones de se rassembler. Les clubs éparpillés un peu partout dans Prescott et Russell organisent autant des soupers que des bingos, des parties de pétanques, des jeux de société, etc. Ces clubs permettent en quelque sorte de prendre le pouls des aînés de la région. Les visages qui se cachent derrière une carte à jouer vivent parfois une détresse bien plus importante que leurs camarades se l’imaginent.

«On a découvert que les besoins sont beaucoup plus importants que le simple contact social, remarque le président de la région de l’Est, Marc Ryan. C’est sûr qu’il y a de la pauvreté, mais ça ne paraît pas, personne ne s’en vante.»

François Desormaux se penche présentement à la planification et au bon roulement des clubs de la FARFO pour les trois prochaines années. Il prévoit entre autres la location d’un studio où les aînés pourraient réaliser des balados. Puisque la majorité des clubs sont en santé, le défi demeure d’inclure les aînés enfermés entre quatre murs.

«Un aîné actif socialement est en meilleure santé, parce qu’il a un club social qui l’appuie. Sans les clubs, des milliers d’aînés resteraient chez eux à longueur de journée. C’est difficile d’informer et d’attirer ces personnes seules.»

-30-

Photos

Dianne Lavigne et Réjeanne Lalonde fréquentent régulièrement les diners communautaires. (Charles Fontaine/Le Droit)

Pierrette Sauvé et Odette Legault adorent participer à ces diners communautaires. (Charles Fontaine/Le Droit)

  • Nombre de fichiers 3
  • Date de création 27 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 27 septembre, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article