Hockey Canada : la police de London s’excuse à la victime alléguée

LONDON, ONTARIO - Le chef de la police de London, Thai Truong, s’est excusé «à la victime et à sa famille pour le temps qu’il a fallu pour en arriver là», lundi, en conférence de presse en lien avec l’affaire Hockey Canada.

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Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

La police de London aura mis six ans à déposer des accusations contre cinq joueurs de hockey professionnels, anciennement membres d’Équipe Canada junior, suite à une plainte pour une agression sexuelle qui serait survenue en marge d’un gala de Hockey Canada, en juin 2018.

«Je veux reconnaître la victime pour son courage et sa force incroyable à travers ce processus», a soutenu le chef Truong.

Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour en venir au dépôt d’accusations? Pourquoi la police de London a-t-elle clos puis réouvert, quatre ans plus tard, son enquête sur une agression sexuelle qui serait survenue en marge du gala de Hockey Canada en 2018 ? Est-ce à cause de la crise nationale déclenchée à la suite des révélations selon lesquelles Hockey Canada avait conclu une entente hors cour avec la plaignante afin de taire l’affaire?

Et pourquoi le service policier de London n’a jamais soumis ce dossier à son propre comité sur les dossiers d’agressions sexuelles abandonnés, lors de la clôture de son enquête initiale?

Voilà quelques unes de très nombreuses questions qui ont été posées aux dirigeants de la police de London, déjà très avare de commentaire depuis le début de l’affaire Hockey Canada, faisant face à la presse pour la première fois, lundi, depuis l’emballement du scandale.

«Je ne peux pas commenter», ont répété les dirigeants du service policier au cours du point de presse.

Le chef Truong a dit vouloir s’engager à assurer la transparence, mais qu’il ne veut pas non plus «compromettre le processus judiciaire en cours».

«Il y a un endroit et il y a un moment pour fournir ces réponses et ce moment n’est pas maintenant. Par conséquent, je ne peux pas discuter des détails qui font maintenant partie du dossier devant les tribunaux», a-t-il insisté.

Thai Truong a aussi évité de critiquer le travail de son prédécesseur, le chef de la police de London retraité, Steve Williams, et celui des policiers durant la première enquête, entamée en 2018, et close peu après.

Ce serait à la suite d’une «révision» du dossier, à l’été 2022, que le service policier aurait recueilli la preuve nécessaire pour déposer des accusations, à la fin du mois dernier.

Comité omis?

Jennifer Dunn, la directrice générale du London Abused Women’s Center, attendait aussi de pied ferme les commentaires du service policier de cette ville ontarienne.

«Certaines de nos questions sont demeurées sans réponse», a expliqué au Droit la dirigeante de ce centre d’aide pour les victimes de violence conjugale de London, qui est aussi une référence nationale en la matière.

Parmi ces questions, celle sur un comité chargé d’étudier les cas d’agressions sexuelles n’ayant pas mené à des accusations, créé par la police de London en 2018, était au haut de la liste de Mme Dunn.

Jennifer Dunn. (Émilie Pel/Le Droit)

Depuis 2018, ce comité, où siège une représentante du London Abused Women’s Center, a scruté des centaines de dossiers, mais jamais celui de Hockey Canada.

Pourquoi ne faisait-il pas partie du lot?

«Je ne peux pas répondre à cette question actuellement, [puisque] je ne faisais pas encore partie du groupe à ce moment», a indiqué la sergente-détective Katherine Dann, de la section des agressions sexuelles et de la maltraitance des enfants.

Cette dernière a précisé qu’elle avait l’intention d’avoir cette conversation avec les organismes membres de ce comité.

«Ce ne sont pas les membres du comité qui choisissent les dossiers qui tombent sur notre bureau. Techniquement, la police est censée nous transmettre tout ce qui n’entraîne pas d’accusations», indique pourtant Mme Dunn.

Indignation

«La police ne fera certainement pas de commentaires pour promouvoir une affaire en cours d’examen devant les tribunaux, en particulier en ce qui concerne les preuves, mais je ne pense pas que cela ait fait quoi que ce soit pour atténuer le malaise du public qu’elle pourrait avoir à l’égard de la police à ce stade», estime l’avocat de la défense de London, Nick Cake.

L’avocat de la défense de London, Nick Cake. (Émilie Pelletier/Le Droit)

Ce vétéran de la défense croit que, «en théorie», les policiers de London ont eu le bon réflexe en organisant une conférence de presse, mais qu’en réalité, il se demande si «nous en sommes sortis en se posant les mêmes questions qu’auparavant».

Depuis l’incident allégué, en 2018, un important mouvement d’indignation a été constaté au Canada, y compris au Parlement, à Ottawa.

Lorsqu’il a été révélé que Hockey Canada avait à sa disposition un fonds, financé par les frais d’inscription des joueurs, destiné à régler des dossiers d’inconduite sexuelle, le gouvernement a temporairement suspendu ses subventions et des commanditaires ont délaissé l’organisme.

Une première comparution

Cette conférence de presse a eu lieu lundi, alors que plus tôt en matinée, la cause se rendait officiellement pour la première fois devant le tribunal.

De nombreux regards sont tournés vers le palais de justice de London lundi, alors que cinq joueurs de hockey doivent y comparaître pour des accusations liées au scandale Hockey Canada. (Émilie Gougeon-Pelletier/Le Droit)

Les avocats des cinq joueurs visés, Dillon Dube, Cal Foote, Alex Formenton, Carter Hart et Michael McLeod -- qui sont tous devenus joueurs dans différentes équipes de la Ligue nationale de hockey après 2018 mais sont aujourd’hui en pause -- ont comparu en mode virtuel devant la cour à London. Les joueurs, qui plaident tous non coupable, ont été accusés d’agression sexuelle. Michael McLeod fait aussi face à une accusation de «participation à l’infraction».

Hockey Canada réagit

Hockey Canada a émis un communiqué lundi après-midi rappelant que la conduite des joueurs de l’équipe de hockey junior en 2018 avait fait l’objet d’un processus interne qui s’était rendu devant un tribunal d’arbitrage indépendant. La décision est actuellement en appel. « D’ici la conclusion du processus d’appel, tous les joueurs de l’équipe nationale junior 2018 demeurent suspendus de Hockey Canada et sont actuellement inadmissibles à titre de joueurs, d’entraîneurs, d’officiels ou de bénévoles au sein des programmes sanctionnés par l’organisation », a rappelé l’organisme.

«Hockey Canada a collaboré pleinement avec le service de police de London tout au long de l’enquête de ce dernier, et l’organisation continuera de soutenir le processus judiciaire», disait aussi le communiqué.

La présidente et chef de la direction de Hockey Canada, Katherine Henderson, a admis que l’organisation s’est montrée, par le passé, «trop lente à agir».

«Pour opérer les changements profonds auxquels s’attend la population canadienne à notre égard, nous devons travailler avec diligence et urgence à mettre en place les mesures nécessaires au rétablissement de ce lien de confiance, et ainsi offrir à l’ensemble des participants et participantes un milieu sécuritaire, accueillant et inclusif sur les patinoires et ailleurs.»

L’organisation de hockey canadienne indique avoir mis en place des mesures visant à améliorer la culture du hockey, au cours de la dernière année, y compris des formations en matière de violence sexuelle et de consentement, une modification de son Code de conduite, et la mise en place d’un mécanisme pour le traitement des plaintes.

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  • Date de création 6 février, 2024
  • Dernière mise à jour 6 février, 2024
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