Hawkesbury: «On a l’impression que la ville est figée dans les années 80»

Locaux commerciaux vides, parc abandonné, piétons qui passent au compte-gouttes — même en plein jour. La rue Main de Hawkesbury semble manquer de vie. Du moins, on est loin du niveau d'activité désiré pour un centre-ville, selon Jean Sirois, mandaté par la ville pour revitaliser le secteur.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Attablé à la populaire boulangerie Le Petit Pain, rue Main, nous entendons un groupe de dames discuter du manque d’activités, de commerces et d’évènements dans la ville. «Ici, c’est fantôme. Il manque de café et d’espace pour se rencontrer. La boulangerie, c’est une petite mine d’or!», dit l’une d’entre elles.

«On se pose des questions. On aimerait savoir s’il y aura des changements bientôt», lance une autre.

Ce constat est récurrent chez les commerçants du centre-ville.

«Il manque de commerçants dans la rue Main, remarque Mélanie Brazeau de la boutique C Pour Elle. Ça serait bien d’avoir un panneau avec le nom des commerçants, comme il y avait au centre commercial. Il n’y a pas beaucoup de vie, mais avec l’espace Green Beaver, ça reprend un petit peu. Il manque juste de gens pour participer.»

«Il n’y a rien sur la Main. C’était mieux il y a plusieurs années», dit pour sa part Monique Brazeau du restaurant Carole, installé sur cette artère depuis 25 ans.

«C’est mort! Il faudrait qu’il y ait plus de commerces, ils sont tous rendus sur la route 17. Ce n’est pas pratique pour ceux qui n’ont pas de voiture», ajoute sa collègue Sonia Duval.

Située sur le bord de la rivière des Outaouais et sur le chemin vers l’autoroute 417, Hawkesbury possède tout ce qu'il faut pour attirer les touristes et devenir un lieu de rassemblement pour la communauté. Sauf que la municipalité tarde à réaliser des changements, dénonce Jean Sirois, agent de projet pour différents partenaires, dont la Ville de Hawkesbury et la Commission de la Zone d’amélioration commerciale de Hawkesbury (COMZAC). «On a l’impression que la ville est figée dans les années 80, dit-il. On a tellement dit dans les vingt dernières années que le centre-ville a du potentiel, mais rien n’avance. Il y a un manque d’engagement de la part de la municipalité.»

Des études sur la revitalisation du centre-ville ont été présentées au conseil en 2005, 2016 et 2019. Il n’y a eu aucun suivi sur ces recommandations.

Même s’il y a quelques petites boutiques qui tiennent debout sur la Main, plusieurs locaux commerciaux demeurent vides. La plupart des entreprises présentes au centre-ville offrent des services: bureau d’avocat, clinique d’optométrie, clinique médicale, banque.

Ce sont toutefois pas des entreprises qui créent de la vie au centre-ville le soir et les fins de semaine.

«La rue Main est le Wall Street de Hawkesbury, compare M. Sirois. Il n’y a pas de vie à l’extérieur des heures de bureau.»

L’agent de projet a effectué de nombreuses présentations au conseil municipal, mais aucun grand changement n’en a découlé.

Il imagine le centre-ville de Hawkesbury comme un écoquartier où les gens y habitent et vivent. Pour cela, des logements sont nécessaires, rappelle-t-il. «Ça prend une densité de gens et une connexion entre commerçants et résidents. Il faut moderniser les infrastructures et rafraîchir l’allure.»

Plus de 10 000 voitures empruntent le pont du Long-Sault chaque jour, qui est la porte d’entrée de la rue Main. Il manque seulement des commerces pour retenir ces clients à Hawkesbury. «Je vois Hawkesbury avoir une vocation beaucoup plus touristique. Les touristes recherchent de l’exclusivité, comme des produits artisanaux et moins de chaînes.»

La Place des Pionniers est censée être un point central de Hawkesbury, mais elle semble abandonnée. L’été, on y croise quelques personnes sans-logis. L’hiver, l’espace n’est pas déneigé. La scène est également sous-utilisée, dénonce Jean Sirois.

Améliorations réalisées

La Ville a tout de même concrétisé quelques idées menées par M. Sirois dans les dernières années. L’espace éphémère Green Beaver en face du Pizza Pizza est une immense terrasse qui permet aux gens de socialiser au centre-ville.

La municipalité prépare également trois projets en partenariat avec Tourisme Ottawa, soit le parcours Découverte dans le centre-ville, l’illumination du pavillon du parc de la Confédération et l’aménagement de la Place des Pionniers, qui devrait voir le jour cet été.

«On essaie de générer de l’achalandage pour que les commerces y voient un attrait», dit Jean Sirois.

«Il manque de volonté»

Même s’il sent un manque d’intérêt de la municipalité envers la revitalisation du centre-ville, Jean Sirois ressentait un appui de la part de l’ancienne mairesse de Hawkesbury, Paula Assaly. «J’étais la seule personne qui croyait vraiment à ce qu’il y ait un agent de projet. [...] Je voyais les commentaires des gens qui disaient qu’il n’y a rien à faire à Hawkesbury. Je pense que les autres membres du conseil ne sont pas intéressés par les changements», dit celle qui a été défaite aux élections de 2022.

Elle assure que la municipalité possède les moyens financiers pour entamer des changements dans le centre-ville.

«Il manque la volonté! C’est ce que beaucoup de citoyens demandent, ça fait partie du développement économique, c’est important de donner une nouvelle vision au centre-ville. Il faut y croire», s'exclame l’ex-mairesse.

Si elle était demeurée à la tête de la mairie, Mme Assaly mentionne qu’elle aurait organisé une rencontre avec plusieurs intervenants de la ville et des bénévoles citoyens pour donner un plan d’action à cette vision.

«La Main n’est pas morte»

Pour le maire de Hawkesbury, Robert Lefebvre, le centre-ville entretient toujours une flamme. «Oui, il y a des choses à améliorer et il y en a qui manquent, mais on ne peut pas dire qu’il n’y a absolument rien, relève-t-il. Que les gens marchent et ils vont voir des restaurants et des services personnalisés! Il faut avoir une nouvelle vision des choses.»

Un édifice de 150 logements non loin du centre-ville pourrait voir le jour dans quelques années. La compagnie Devcore mène ce projet qui se situera entre les rues Nelson Est et Higginson. Il n’y a pas encore d’échéancier pour la construction, mais le maire rapporte que Devcore «veut avancer le plus rapidement possible».

Il souligne aussi que le festival multiculturel qui a vu le jour à l’été 2022 a amené une grande affluence au centre-ville. Selon lui, pour garder de la vitalité dans la rue Main, il doit continuer à s’y tenir des activités qui attirent la population. Un circuit de vélo et de marche qui aboutit à cet endroit amènerait aussi son lot de visiteurs, prévoit-il. «Tout ça s’enchaîne. Tout ça va créer un intérêt pour la rue Main.»

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Photos

La rue Main à Hawkesbury doit être revitalisée, selon les commerçants et les résidents. (Patrick Woodbury, Le Droit)

La rue Main de Hawkesbury n'attire pas beaucoup de piétons. (Patrick Woodbury, Le Droit)

De nombreux commerces ferment leurs portes sur la rue Main. (Patrick Woodbury, Le Droit)

La Place des Pionniers, à Hawkesbury. (Patrick Woodbury, Le Droit)

Paula Assaly, ancienne mairesse de Hawkesbury. (Patrick Woodbury, Le Droit)

Robert Lefebvre, maire de Hawkesbury. (Patrick Woodbury, Le Droit)

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  • Date de création 6 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 6 mars, 2023
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