Gaz de schiste comme substitut au charbon: incrédulité face à l’idée de Blaine Higgs 

L’idée du premier ministre Blaine Higgs de développer l’industrie du gaz de schiste comme substitut au charbon, et de mettre fin à la tarification du carbone, fait sourciller des experts de différents milieux, ainsi que les partis d’opposition.

_______________________

Alexandre Boudreau

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

La semaine dernière, le premier ministre Blaine Higgs a été convoqué par les conservateurs fédéraux à un comité parlementaire pour témoigner contre la tarification du carbone. Il a avancé que le développement du gaz de schiste au N.-B., et son exportation en Europe, serait plus efficace que la tarification du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Il s’agit d’une énergie fossile, mais le gaz naturel est moins polluant que le charbon, par exemple. Il propose de l’exporter en Europe comme carburant de transition pour remplacer des centrales au charbon. Il fait valoir que le N.-B. a déjà beaucoup réduit ses propres émissions de GES.

En même temps, il milite pour l’abolition de la tarification du carbone. Selon lui, réduire les émissions de GES au Canada a peu d’impact si d’autres pays, comme la Chine, augmentent leur utilisation d’énergies fossiles, comme le charbon.

«Si on remplace ces formes d’énergie fossile par de l’énergie fossile qui est moins intense en carbone, on est gagnant. Mais ça ne peut pas être la fin de l’histoire», commente Jean-Thomas Bernard, professeur d’économie à l’Université Laval.

Pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050 comme le prévoit l’Accord de Paris, il faudra aussi éliminer l’utilisation de gaz naturel.

«Et 2050, ce n’est pas loin, c’est dans 25 ans.»

Entretemps, abolir la tarification du carbone au Canada reviendrait à «nier l’existence du problème au Canada», selon lui.

Il affirme que la tarification du carbone sert à faire passer le «message du prix» au consommateur, en décourageant l’achat de pétrole.

Selon Moe Qureshi, directeur de la recherche climatique et des politiques du Conseil de conservation du N.-B., l’idée du premier ministre ne tient pas la route.

«Dépenser des sommes importantes pour remplacer une source de carbone par une autre n’est pas une solution viable d’un point de vue économique et environnemental.»

Entamer l’exportation de gaz naturel liquéfié n’est pas simple, puisque le gouvernement a signalé vouloir avoir l’assentiment des peuples autochtones avant de développer davantage l’industrie du gaz de schiste. Ensuite, l’entreprise espagnole Repsol devrait convertir le terminal de gaz de Saint-Jean pour permettre la liquéfaction de gaz. Selon le premier ministre, cela devrait pouvoir se faire s’il existe une source de gaz naturel au Nouveau-Brunswick.

 Le temps 

Selon Larry Hughes, professeur d’ingénierie électrique et informatique à l’Université Dalhousie, l’idée d’exporter du gaz naturel liquéfié n’est «pas triviale», mais elle fait face à beaucoup d’obstacles, et le temps est un facteur important.

D’après le professeur, avant de savoir si le jeu en vaut la chandelle, il faut savoir si le N.-B. pourrait exporter suffisamment de gaz naturel pour remplacer assez de sources d’énergie polluantes en Europe.

Il faut aussi savoir si l’exportation peut commencer rapidement. L’Europe diminue progressivement son utilisation de gaz naturel, et les États-Unis fournissent déjà une bonne partie de sa demande.

«À mesure que l’Europe tente de réduire sa dépendance au gaz, est-ce que [M. Higgs] sera en train de faire cela, et est-ce qu’il sera trop tard à ce moment-là? […] Ça va prendre des années.»

  1. Hughes rappelle aussi que l’extraction de gaz de schiste dégage du méthane, et que la liquéfaction de gaz prend beaucoup d’énergie. Si cette énergie est tirée de sources polluantes, cela risque d’augmenter la production de gaz à effet de serre au N.-B.

Il affirme que le premier ministre «se raccroche à n’importe quoi» pour trouver une alternative à la tarification du carbone, mais que tous les pays ont l’obligation de réduire leurs émissions de GES.

«Ce n’est pas vraiment comme ça que ça fonctionne. Si on admet qu’il y a un problème climatique, tout le monde doit faire tout ce qu’il faut pour réduire nos émissions.»

Le professeur constate aussi que le discours des politiciens contre la tarification du carbone, qui présentent souvent cette taxe comme un facteur inflationniste, oublie souvent de mentionner les remises en argent qui sont distribuées aux Canadiens à l’aide des revenus de cette taxe.

 Une idée folle, selon les partis d’opposition

Le plan de Blaine Higgs n’est pas vraiment un plan, selon le chef des verts, David Coon.

«Ce n’est pas un plan d’action contre les changements climatiques. [Ça] va augmenter les émissions de GES, la pollution de l’air et de l’eau au N.-B. C’est juste fou.»

Susan Holt, chef du Parti libéral, affirme que l’idée de Blaine Higgs démontre qu’il est «déconnecté de la réalité» du N.-B. Sans le savoir, elle utilise le même qualificatif que M. Coon.

«L’entendre dire qu’il veut développer le gaz de schiste pour l’Europe comme solution pour le changement climatique, c’est fou.»

Elle affirme que même si le N.-B. se met à exporter du gaz naturel, l’Accord de Paris oblige le Canada à réduire sa production de GES, et que cela ne peut donc pas remplacer la tarification du carbone.

 

Photo : Photo - Archives

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 10 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 10 avril, 2024
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article