Feux de forêt : Déplacements massifs et conséquences dévastatrices pour les communautés albertaines

Les ordres d'évacuation ne cessent d’évoluer depuis le début de la saison des feux de forêt en Alberta. Alors que certains des 38 000 évacués ont pu commencer à regagner leur domicile, d’autres résidents demeurent en alerte. Des citoyens moins chanceux doivent, quant à eux, faire face aux ravages laissés par les flammes.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

«Il faisait noir comme si c’était la nuit, tellement la fumée était épaisse. Mais on était en plein jour», se remémore Anick Déchène, une résidente de Saint-Isidore. Confrontée à la situation critique, elle a pris la décision de quitter sa résidence de son propre chef le 6 mai dernier, alors qu'un ordre d'évacuation devenait de plus en plus imminent.

À une trentaine de kilomètres de là, les brasiers de la région de Harmon Valley et de Reno continuaient de faire rage sans être maîtrisés. «Les feux progressaient tellement rapidement que c’était de plus en plus stressant [...] et épeurant», témoigne la bibliothécaire. Heureusement, le pire a pu être évité puisque les autorités ont finalement réussi à reprendre le contrôle sur les flammes.

Néanmoins, les résidents du petit hameau situé dans le nord-ouest de la province ont reçu des quantités impressionnantes de fumée dans les dernières semaines. «La fumée était tellement dense samedi qu’elle rentrait partout à l’intérieur des bâtiments. J’avais les yeux en feu, les enfants avaient la gorge qui piquait», relate la mère de famille.

Afin d’éviter de rester sous cet épais nuage avec ses enfants âgés de 9 et 11 ans, Anick a plié bagage pour une nuit en direction de Falher où des amis résident. «C’était rendu qu’on recevait des alertes d’urgence aux demi-heures. Je me voyais mal partir à la dernière seconde», dit-elle. Son conjoint, quant à lui, est resté derrière, lui rappelant que l’ordre d’évacuation officiel n’était pas encore tombé. «J’ai dit : “reste dans la boucane, moi je m’en vais”», lance-t-elle cette fois d’un ton blagueur.

Quelques jours plus tard, alors que des vents ont poussé une quantité considérable de fumée vers le sud de la province, le ciel s’est dégagé pour une première fois au-dessus de Saint-Isidore. Au loin, Anick a pu observer d’imposants nuages planant au-dessus des zones incendiées. «C’est spécial, ça ressemble à des morceaux de ouate [coton]», ajoute la bibliothécaire.

Les autorités préviennent d’ailleurs que la fumée des incendies peut nuire à la santé et risque d'aggraver les symptômes des personnes souffrant déjà de problèmes cardiaques ou pulmonaires. Les enfants et les personnes âgées sont les plus à risque.

Des communautés ébranlées 

Si le Nord-Ouest de la province a été le plus directement touché par les feux de forêt, la directrice générale de l’Alberta Native Friendship Centres Association (ANFCA), Joanne Mason, rappelle que les résidents de l’ensemble de la province ont subi les conséquences des brasiers puisqu’une épaisse couche de fumée s’est répandue jusqu’à Calgary.

«La situation qui se présente à nous est sans précédent», affirme-t-elle. Lorsqu’elle analyse la situation dans laquelle sont plongés les 21 centres d’amitié qui desservent les populations autochtones vivant en zone urbaine, la directrice générale admet, cependant, que les régions à proximité de High Level, Slake Lake, Grand Prairie, Rivière-la-Paix et Edson sont particulièrement «à risque». En effet, plusieurs de ces communautés se situent en plein cœur ou à proximité des feux de forêt.

«C’est dévastant, il y a des gens qui doivent partir de leur maison et qui n'ont parfois pas le choix de laisser leur animal de compagnie derrière eux. Pour d’autres qui reviennent dans leur communauté, c’est d’accepter que tout ait été réduit en cendres. Et je pense que certains résidents ont encore du mal à intégrer le fait qu’ils ont perdu leur maison», analyse Joanne Mason.

Bien qu’elle accueille positivement l’aide gouvernementale annoncée pour offrir un répit financier aux évacués, Joanne fait remarquer que plusieurs membres des communautés autochtones ont dû quitter leur domicile pour moins longtemps que les sept jours exigés par la province afin de bénéficier de cette assistance financière.

«Il n’y a pas de ressources pour aider les gens qui doivent partir pour moins de temps que cela. La réalité, c’est que certaines personnes se trouvent déjà en situation financière précaire et n’auront pas assez d’argent pour payer leur loyer le mois prochain en raison de leurs factures d'hôtel», déplore-t-elle.

À Edson et dans le comté de Yellowhead, par exemple, où au moins 25 maisons ont été réduites en cendres, l’ordre d’évacuation n’a duré que trois nuits pour certains évacués. Pourtant, l’impact financier de ces journées de déplacement ne doit pas être pris à la légère, surtout que les sites opérationnels où travaillent plusieurs Autochtones sont encore hors service, les empêchant ainsi de reprendre le travail.

«C’est assez simple : il y a des gens qui ont dû évacuer une première fois, qui se trouvent encore en alerte pour une autre évacuation et qui n’ont pas assez d’argent pour repartir à nouveau», s’inquiète la directrice générale de l’ANFCA. Elle souligne également que le gouvernement provincial ne semble pas encore saisir pleinement l’ampleur de la crise sociale que les feux de forêt engendreront à long terme.

Pour soutenir la population autochtone durant cette période difficile, Joanne encourage le public à faire des dons en argent à l'ANFCA. Il est important de souligner que, pendant les incendies, les centres d'amitié jouent un rôle essentiel en fournissant de la nourriture et des produits essentiels aux évacués autochtones. Les dons cumulés permettront à l'ANFCA de continuer à fournir une aide immédiate aux communautés touchées.

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  • Date de création 25 mai, 2023
  • Dernière mise à jour 19 juin, 2023
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