Éviter les incidents diplomatiques grâce à l’histoire

La troisième fois sera peut-être la bonne pour la députée d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, Carol Hughes, qui fait partie des candidat·e·s au poste de président·e de la Chambre des communes après la démission du député de Nipissing-Témiskaming, Anthony Rota. La poussière n’est pas encore entièrement retombée à la suite des évènements qui ont forcé la démission de M. Rota à ce poste et plusieurs questions restent en suspens.

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Julien Cayouette

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

La troisième fois sera peut-être la bonne pour la députée d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, Carol Hughes, qui fait partie des candidat·e·s au poste de président·e de la Chambre des communes après la démission du député de Nipissing-Témiskaming, Anthony Rota. La poussière n’est pas encore entièrement retombée à la suite des évènements qui ont forcé la démission de M. Rota à ce poste et plusieurs questions restent en suspens.

Entre autres celle sur son poste de député. Le professeur associé en philosophie, science politique et économie de l’université Nipissing, David Borman, est d’avis que, politiquement, Anthony Rota n’avait pas le choix de démissionner comme président de la Chambre. «Je crois que la question s’il devrait [démissionner] en tant que député est plus intéressante.»

«Quand nous élisons [un·e député·e], nous portons un jugement sur sa personnalité, que ce sera une personne qui aura un bon jugement pour faire la bonne chose dans les situations inattendues. Dans ce cas-ci, c’est à tout le moins une erreur de jugement. Je crois que ses électeurs vont le percevoir différemment à partir de maintenant», précise le professeur.

Du côté du parlement, la démission était non seulement la bonne chose à faire, souligne Mme Hughes, mais M. Rota n’avait plus le choix. «Ce n’était pas acceptable et ça a vraiment affecté M. Rota, mais aussi tous les parlementaires et notre réputation internationale

Étant vice-présidente adjointe de la Chambre, Mme Hughes connait les processus d’accueil des invités. Après qu’ils soient acceptés, la liste est envoyée au protocole et à la sécurité. Pour la sécurité, «ils regardent plutôt s’ils ont un casier judiciaire, pas vraiment quel ouvrage que quelqu’un à fait dans le passé», dit Mme Hughes. 

«Lorsque quelqu’un est reconnu à la chambre, on espère que le président et son équipe ont fait les démarches nécessaires pour s’assurer que la personne le mérite et tous les députés prennent la parole du président», poursuit-elle.

Connaitre l’histoire

David Borman compare un peu l’incident à ce que l’on voit fréquemment dans un monde où la vie des politiciens est de plus en plus médiatisée. Ce n’est la pas le premier ou le dernier politicien qui doit se défendre d’avoir serré la main d’une personne plus ou moins recommandable en disant : «Je ne savais pas qui il était.»

«Mais la réaction cette fois est différente. Je crois que la leçon que nous croyons avoir apprise de l’Holocauste en tant que société n’est pas seulement : “Plus jamais nous ne laisserons quelque chose du genre arriver”, mais aussi de s’en souvenir. Ce qui est embarrassant ici — un mot utilisé par d’autres et que je trouve très juste —, c’est que ça démontre que nous sommes en train d’échouer à en garder le souvenir.»

Ce n’est pas un échec seulement attribuable à M. Rota, mais aussi à tous ceux qui ont pu voir le texte de présentation de M. Hunka, tous ceux qui l’ont applaudi, tous ceux qui n’ont pas réagi rapidement. «Nous oublions», renchérit M. Borman.

Connaitre un détail spécifique comme l’existence d’une division ukrainienne sous le commandement des nazis ne fait pas partie des connaissances générales. Mais une connaissance de base de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale permet de savoir que la Russie combattait avec l’Angleterre, les États-Unis, le Canada et les autres contre l'Allemagne nazi.

«Parce que c’était quelqu’un qui combattait en Ukraine contre la Russie, ça fait écho à la situation actuelle et ça a peut-être été trop facile à accepter sans réfléchir», avance M. Borman. 

Le professeur rappelle que le Simon Wiesenthal Center insiste justement sur le fait que chaque décès des derniers survivants de l’holocauste nous rapproche de l’oubli. Nous ne faisons pas un assez bon travail pour nous souvenir des détails de ce génocide.

Tenter sa chance

Mme Hughes est celle qui a présentement le plus d'ancienneté dans le groupe qui supervise les travaux de la Chambre des communes. Elle croit que d’élire une députée qui n’est ni membre du parti au pouvoir ni membre de l’opposition officielle, «ça démontrerait une impartialité». Elle a déjà eu des appuis de députés des autres partis. 

Sept député·e·s ont déposé leur candidature.

Le vote pour choisir une nouvelle présidence a eu lieu le mardi 3 octobre. Le Voyageur a parlé avec Mme Hughes quelques jours avant ce vote, mais l’horaire de production fait que le journal est publié après l’élection. Pour savoir si elle a gagné, visitez lavoixdunord.ca ou abonnez-vous à notre infolettre pour ne rien manquer.

 

+++[encadré]+++

Retour sur la controverse

Le 22 septembre, Ottawa recevait la visite du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky. Grâce à cette visite, le gouvernement de Justin Trudeau espérait démontrer que le Canada était un allié indéfectible de l’Ukraine dans son combat contre l’invasion de la Russie, lancée en février 2022.

Pour l’occasion, le président de la Chambre des communes, Anthony Rota, avait invité Yaroslav Hunka, un ancien combattant de 98 ans de la Deuxième Guerre mondiale, résidant de sa circonscription. Malgré un détail étrange dans la présentation — soit que M. Hunka avait combattu la Russie pendant la Deuxième Guerre mondiale —, le vétéran a eu droit à une ovation à la chambre.

Ce qui a été révélé dans les jours suivants, c’est que M. Hunka avait rejoint les rangs de la Première Division de l'Armée nationale ukrainienne, une unité qui suivait les ordres des nazis allemands. 

Suivant ce faux pas, Anthony Rota n’a pas eu le choix de démissionner de son poste de président de la Chambre des communes, parce qu’il avait perdu la confiance des autres députés. 

«C’est certain que ce n’est pas quelque chose qui était intentionnel, croit la députée nord-ontarienne Carol Hughes. Je ne sais pas si c’était une erreur du président ou une erreur des employés. Mais à la fin de la journée, c’est le président qui est responsable de ce qu’il dit dans la chambre et de s’assurer que les informations qu’il a sont les bonnes.»

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Le député de Nipissing-Témiskaming, Anthony Rota — Photo : Archives

 

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La députée d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, Carol Hughes

 

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Le professeur de l’université Nipissing, David Borman — Photo : Courtoisie

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  • Date de création 3 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 2 octobre, 2023
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