Être député francophone dans les Maritimes, une mission complexe

Ils sont députés et siègent à Fredericton, Halifax ou Charlottetown. Certains commencent leur carrière à l’Assemblée législative, d’autres sont de vieux briscards de la politique. Tous ont la défense du français chevillée au corps. Tous se sentent investis d’une mission commune trans-partisane: protéger les intérêts des communautés francophones et acadiennes. Une mission qui s’exerce parfois sur un chemin de crête.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

 Il est nécessaire de «se mettre debout» pour Benoît Bourque, député libéral de la circonscription de Kent-Sud au Nouveau-Brunswick. Il faut «rester vigilante en permanence», selon Isabelle Thériault, députée libérale de Caraquet.

C’est un «devoir» que les débats législatifs aient aussi lieu en français, affirme Ronnie Leblanc, député libéral de la circonscription néo-écossaise de Clare.

Du Nouveau-Brunswick à la Nouvelle-Écosse, en passant par l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), les poids démographique et politique des francophones diffèrent, leur culture et leur histoire aussi. Mais les mêmes mots reviennent souvent dans la bouche des députés francophones.

Kevin Arseneau, député vert de la circonscription néo-brunswickoise de Kent-Nord, parle de «faire vivre les préoccupations et les ambitions de la société civile acadienne».

À l’Î.-P.-É., Gilles Arsenault, ministre du gouvernement progressiste-conservateur de Dennis King, veut de son côté «amplifier la voix» des francophones et des Acadiens de sa circonscription, mais aussi de la province.

Ronnie Leblanc, estime, quant à lui, que sa «première responsabilité est de garantir des services en français aux communautés».

Une responsabilité que partage Lisa Lachance, députée de Halifax Citadel–Sable Island pour le NPD. «J’ai grandi dans un milieu anglophone, mais j’ai la chance de parler français. Ça me permet de mieux comprendre les enjeux et de créer des ponts entre les deux communautés linguistiques.»

Au quotidien, les élus provinciaux l’assurent, tous leurs revendications, votes et décisions se font et se prennent au prisme de la lentille francophone.

Aux yeux d’Isabelle Thériault, c’est «instinctif». Pour Gilles Arsenault, ça fait «intrinsèquement partie de son rôle» de ministre provincial responsable des Affaires acadiennes et francophones. Il est le seul francophone du gouvernement insulaire.

«Tous les sujets peuvent se rattacher à la francophonie, abonde Kevin Arseneau. Au-delà de l’éducation, de l’immigration ou de la santé, il y a aussi les enjeux liés à l’agriculture ou à l’érosion, car une majorité d’Acadiens se concentrent en milieu rural et le long des côtes.»

Cet ADN francophone passe-t-il avant l’allégeance politique des parlementaires?

«L’identité culturelle acadienne transcende les questions de parti, ce n’est pas une question de ligne idéologique», juge Benoît Bourque.

«Acadienne, c’est qui je suis, c’est ce qui motive toutes mes démarches. Le parti libéral est un véhicule pour faire progresser les droits de mon peuple et atteindre l’égalité réelle», complète Isabelle Thériault.

«Chien de garde»

Cette idée de «véhicule» se retrouve aussi dans les propos du vert Kevin Arseneau. «Avant de m’identifier à un parti, je m’identifie à des idées et à des valeurs, car je suis d’abord et avant tout un Acadien.»

En Nouvelle-Écosse et à l’Î.-P.-É., Ronnie Leblanc et Gilles Arsenault attachent, eux, autant d’importance à leur étiquette politique qu’à leur acadianité.

«Être Acadien, c’est habiter une langue et une histoire, être libéral, c’est habiter l’arène politique pour défendre les droits de mon peuple. Les deux ne vont pas l’un sans l’autre», explique Ronnie Leblanc.

Au Nouveau-Brunswick, le contexte politique actuel fait cependant particulièrement vibrer la fibre francophone des élus d’opposition. Ils évoquent les multiples dérapages sur les langues officielles, le manque de respect et de solidarité envers les francophones.

«On se sent plus interpellé, notre rôle de chien de garde est accentué», témoigne Benoît Bourque. «C’est encore plus important de sortir les griffes, de défendre avec ferveur nos acquis», renchérit Isabelle Thériault.

«Le positionnement des députés francophones est de plus en plus difficile, reconnaît Camille H. Thériault, ancien premier ministre libéral entre mai 1998 et juin 1999. À mon époque, il y avait des défis, mais, quel que soit le parti, les gens croyaient à un Nouveau-Brunswick bilingue, dans lequel les deux communautés avaient avantage à travailler ensemble.»

 

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Photos :

Légende : Isabelle Thériault est députée libérale de Caraquet au Nouveau-Brunswick.

Crédit  Photo : -  Gracieuseté

 

Légende : Gilles Arsenault, Lisa Lachance et Benoit Bourque.

Crédit  Photo : -  Gracieuseté

 

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  • Date de création 19 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 19 novembre, 2023
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