Est ontarien: le stress du manque de bornes électriques

Manon Drouin a vécu un an avec une Ford Mustang Mach-E. Une voiture électrique.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Après avoir chargé complètement son véhicule à la maison, en été, la résidente de Casselman pouvait se rendre à Ottawa et revenir. L’hiver, le scénario était différent. L’autonomie se perdait beaucoup plus rapidement. Si elle décidait de voyager plus loin avec sa voiture dans la journée, de la planification s’imposait. «Où sont les bornes? Est-ce que j’ai assez d’électricité pour m’y rendre? Combien de temps vais-je attendre?»

C’était trop de tracas.

Mme Drouin a décidé de vendre sa voiture.

Malgré tous les efforts faits pour électrifier nos transports, les bornes de recharge électrique se font rares dans l’Est ontarien.

Le long de l’autoroute 417, entre Ottawa et Montréal, il n’y a qu’à Casselman où on trouve des recharges. Pour les automobilistes électriques, ce serait pourtant l’endroit idéal pour faire le plein d’électricité.

«Si je fais beaucoup de déplacements imprévus dans une journée, je peux arriver à la maison avec 20% de batteries et c’est à ce moment-là que le stress embarque, explique Mme Drouin. Ce n’est pas si simple de trouver les bornes et parfois elles ne fonctionnent pas. Ensuite, j’attends 30 minutes.»

«Un jour, je suis partie de Casselman en direction de Montréal en hiver avec une charge pleine, raconte-t-elle. Avant d’arriver à Montréal, j’aurais dû trouver une borne, mais ça m’aurait fait perdre du temps. Donc j’étais à 82% quand je suis repartie. J’étais stressé vers la fin, parce que je suis arrivée chez moi avec 10% d’autonomie.

La voiture électrique n’est pas faite pour tous les styles de vie selon elle.

«Je devais toujours m’assurer d’avoir un chargeur où je vais. C’est une bonne option pour les gens qui ne font pas beaucoup d’activités et qui ne se déplacent pas énormément. Si tu vas du point A au point B, c’est bien.»

Fausto Chirico a mieux apprivoisé son F-150 Lightning. En tant qu’électricien, il utilise sa voiture pour se déplacer dans les environs de Russell.

«En général, je suis heureux de mon achat, concède le résident d’Embrun. C’est très bien pour le travail, mais pour voyager à Ottawa pour le hockey des enfants, c’est trop une perte de temps. Je peux le faire, mais ça implique plus de planification. Il n’a pas assez de bornes, même à Ottawa, et elles ne sont pas bien situées. J’aimerais voir plus de bornes dans les centres commerciaux et les centres sportifs. Des endroits où les gens ont une activité à faire pendant que la voiture recharge.»

Il a calculé qu’il économise 150$ par mois comparé à son ancienne voiture à essence. «Dans un an j’aurai payé la différence (de prix entre les deux voitures)», dit-il fièrement.

Il se fait cependant moins souriant dans certaines situations. Lors d’un voyage à Brockville, où il devait recharger son véhicule, les trois stations où il s’est arrêté étaient sans courant, ce qui l’a beaucoup stressé.

«J’irais plus vers un hybride rechargeable. Ce serait mieux pour les longs voyages», pense-t-il avec le recul.

Endroit idéal pour posséder une voiture électrique

À l’extérieur d’Ottawa, quelques municipalités seulement possèdent des bornes de recharges électriques dans l’Est ontarien. On en retrouve quelques-unes à Casselman, Rockland, Embrun et Hawkesbury. L’accessibilité à ces bornes étant rares, il est impératif de pouvoir recharger son véhicule chez soi, selon le président du Conseil des véhicules électriques d’Ottawa (EVCO), Raymond Leury.

Vu la grande étendue du territoire et les longues distances souvent nécessaires, la voiture électrique serait même plus opportune sur ce territoire qu’en ville à son avis.

«Les gens à la campagne font plus de kilométrage alors l’économie par rapport à une voiture à essence est plus grande, explique-t-il. Il faut cependant posséder une voiture avec une bonne autonomie et pouvoir recharger la nuit. Si on habite en appartement ou dans un condo, il n’y a quasiment pas d’option.»

Il souligne que les bornes de recharges publiques sont particulièrement cruciales pour les visiteurs. «Il n’y a pas la quantité de bornes que j’aimerais voir, affirme-t-il. On a besoin de stations où les gens passent lorsqu’ils voyagent. Le Herb’s à Vankleek Hill serait l’endroit idéal. Il en manque aussi en ville, surtout des bornes à recharge rapide. Les endroits idéaux seraient dans les commerces et les épiceries, où les gens ont quelque chose à faire pendant que la voiture recharge.»

Planifier ses déplacements

La route en voiture entre Gatineau et Montréal peut parfois durer trois heures pour Jean-François Roman. Après s’est buté quelques fois à des bornes de recharge en panne à Casselman, il a changé de stratégie. Il passe par Hawkesbury pour recharger et continue sur l’autoroute 50, qui possède des stations à Lachute, Grenville, Montebello et Thurso. Il se rend souvent dans la région de Montréal avec sa Nissan Leaf pour rendre visite à son père.

«Je suis capable de faire un aller-retour si je recharge près du restaurant à Montréal, mais pas en hiver. La borne la mieux placée est à Rigaud. Si les bornes sont utilisées ou sont en panne, et que la borne à Casselman l’est aussi, je ne peux pas me rendre chez moi. Il est arrivé que j’attende 30 minutes pour qu’on vienne démarrer la borne à Casselman. Je préfère être moins stressé et passer par Hawkesbury, mais c’est une autre demi-heure d’attente pour recharger.»

Au quotidien, il a confiance en sa voiture pour se déplacer sans recharger. Avec trois adolescents, M. Roman possède également une fourgonnette pour les plus longues distances. À son avis, il manque d’options fiables lorsqu’on se déplace en voiture électrique.

Beaucoup de voitures, peu de bornes

Jamais une journée ne passe sans que Pierre Leroux n’aperçoive quelques voitures électriques sur les routes de sa municipalité. Le maire de Russell remarque leur présence accrue depuis quelques années. Sa municipalité ne compte pourtant que quelques bornes sur son territoire.

«Je crois que les gens possèdent une borne à la maison, mais il faut qu’il y en ait plus dans les lieux publics, reconnait-il. Nous faisons souvent des demandes de subventions au niveau provincial et fédéral quand nous voulons en installer. Je ne serais pas surpris que la municipalité impose l’installation de bornes chez les entreprises dans le futur.»

Des stations de recharge sont prévues dans la nouvelle aire commerciale près du chemin St-Guillaume et possiblement dans le futur complexe sportif.

Du côté du gouvernement ontarien, l’installation de nouvelles bornes est prévue pour 2025, sans préciser les endroits.

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Photos

Le long de l’autoroute 417, entre Ottawa et Montréal, il n’y a qu’à Casselman où on trouve des recharges pour les automobiles électriques. (Patrick Woodbury/Le Droit)

Fausto Chirico, électricien possédant un F-150 Lightning. (Patrick Woodbury/Le Droit)

Raymond Leury, président du Conseil des véhicules électriques d’Ottawa. (Patrick Woodbury/Le Droit)

Il arrive à l'occasion que des automobilistes se butent à des bornes de recharge en panne. (Patrick Woodbury/Le Droit)

Pierre Leroux, maire de Russell. (Le Droit, Patrick Woodbury)

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  • Date de création 21 août, 2023
  • Dernière mise à jour 21 août, 2023
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