Envol 91 FM : la réintégration de Fatimaty Gueye est-elle possible?

Fatimaty Gueye intentait une action le 2 août 2023 contre la radio communautaire Envol 91 FM. Elle demandait entre autres, sa réintégration au poste de directrice générale et la révocation de Blandine Tona comme présidente. Les avocats de la radio communautaire ont présenté à la Cour du Banc du Roi, le 10 octobre, une motion de radiation pour cette requête.

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Ophélie Doireau

IJL – Réseau.Presse – La Liberté

Le 20 juillet 2023, Fatimaty Gueye était licenciée de son poste de directrice par la radio communautaire, Envol 91 FM. Des relations tendues entre la directrice générale et la présidente, Blandine Tona semblent être à l’origine de ce départ. Une situation qui atteint son paroxysme avec une intervention policière pour acter le licenciement de la directrice.

Le 2 août 2023, Fatimaty Gueye intentait une action contre la radio communautaire et la présidente du CA, Blandine Tona pour demander sa réintégration en tant que directrice générale, de suspendre Blandine Tona comme présidente du conseil et d’ordonner à l’organisation de combler les postes vacants sur le CA.

L’avocat de la radio communautaire, Me Alexandre Mireault a déposé une motion de radiation à la Cour du Banc du Roi qui a été entendue intégralement en français le 10 octobre par le juge Alain Huberdeau.

Quel remède au conflit?

La motion de radiation des avocats d’Envol 91 FM est de faire suspendre la requête de Fatimaty Gueye, présente le 10 octobre. Durant l’audience, qui a eu lieu à Saint-Boniface, Me Alexandre Mireault, du cabinet MLT Aikins, qualifiait la plainte de scandaleuse, frivole, vexatoire et abusive. Un des principaux arguments soulevés par Me Mireault est le fondement même de la requête et l’impossibilité d’une cour d’exiger à un employeur le retour au travail de son employée.

Selon Me Stephen McIntosh, la Cour a tout pouvoir discrétionnaire pour intervenir et exiger à Envol 91 FM de se remettre en conformité avec la Loi sur les corporations et ses propres règlements. Dans cette optique, il demande à la Cour de refuser la motion de radiation.

Pour Me Alexandre Mireault, il y a une impossibilité totale de trouver un succès à la requête de Fatimaty Gueye étant donné que cette procédure n’a pas de cause d’action raisonnable.

Selon Me Mireault, le seul remède possible à une telle situation de licenciement serait la demande de dommages et intérêts de la plaignante par voie de déclaration.

Or la requête de Fatimaty Gueye vise la remise en question de l’autorité de Blandine Tona afin que le tribunal mette fin à son mandat et d’ordonner sa réintégration au poste de direction.

Pour Me Alexandre Mireault la demande en redressement de Fatimaty Gueye n’est pas possible car elle est une employée et non une actionnaire, une dirigeante ou une administratrice. Sur ce point Me Stephen McIntosh fait valoir que Fatimaty Gueye a, selon lui, le titre de dirigeante étant donné qu’elle est directrice générale. Me Guy Jourdain, spécialisé en traduction juridique, fait valoir que « director est l’équivalent d’administrateur et qu’officer qui est souvent traduit par dirigeant englobe les postes de présidence, vice-présidence, secrétaire et trésorier ». Il mentionne qu’« un conseil d’administration peut choisir d’inclure la direction générale dans la liste de ses dirigeants ».

Dans le cas d’Envol 91 FM, il semble que le choix d’inclure Fatimaty Gueye dans la liste des dirigeants n’a pas été retenu. En effet, le résumé de dossier que La Liberté s’est procurée à l’Office des compagnies Fatimaty Gueye n’apparaissait nulle part sur le document. Contrairement à l’ancien directeur général Yaya Doumbia qui figurait dans la liste des dirigeants (officers) dans un résumé de l’Office des Compagnies en date du 31 juillet 2023.

Me Alexandre Mireault a vu une stratégie déguisée de Fatimaty Gueye de reprendre son poste. Et Me Stephen McIntosh quant à lui a laissé entendre que cette reprise de poste serait sur une durée limitée en raison de la grossesse avancée de sa cliente. Me Stephen McIntosh a fait valoir les arguments de sa cliente comme quoi « la radio communautaire est en plein chaos » et qu’elle est la seule à être capable de redresser la situation.

Un licenciement contesté

Fatimaty Gueye conteste la validité même de son licenciement invoquant un procès-verbal en date du 16 juillet 2023, soit quatre jours avant son licenciement et dont La Liberté a obtenu copie. Dans ce PV, la secrétaire du CA Yolande Legré fait état d’un vote pour reconduire le contrat de la directrice. Un premier vote de trois personnes contre deux (y compris la présidente) était en faveur du renouvellement.

Mais selon le PV, la présidente Blandine Tona aurait insisté pour la tenue d’un second vote qui a résulté à obtenir un licenciement de la directrice à quatre votes contre un. Après cet incident et l’argumentation, Yolande Legré, qui avait maintenu son vote en faveur du renouvellement de la direction, a alors démissionné du CA, ce qui porte à quatre le nombre d’administrateurs qui sont normalement au nombre de neuf comme lors de l’AGA de 2022.

Une radio en plein chaos

Selon les statuts constitutifs en date du 25 juin 1986, il faut un minimum de trois administrateurs sur le CA de la radio communautaire. Cela dit, les règlements administratifs en vigueur stipulent que le CA est composé de neuf administrateurs.

Le CA n’a pas comblé les cinq postes vacants des administrateurs démissionnaires. Des démissions qui se sont passées en cascade entre le 19 mai et le 16 juillet 2023.

Le CA d’Envol 91 FM se retrouve donc désormais en non-conformité avec la Loi sur les corporations car il n’y a pas quorum pour prendre des décisions. Il n’y a pas non plus quorum pour combler les postes vacants tel que l’exige la Loi. S’il n’y a pas quorum, le CA ne peut exercer aucun pouvoir et ne peut rien faire sans que les postes vacants soient comblés par les membres lors d’une AGE ou la prochaine AGA. Il incomberait donc aux administrateurs toujours en fonction de convoquer une AGE pour pouvoir fonctionner, et s’ils ne le font pas, n’importe quel membre (même un seul) pourrait convoquer une AGE d’Envol selon le paragraphe 109(2) de la Loi sur les corporations du Manitoba pour combler les postes vacants.

L’avocat de Fatimaty Gueye soulève un point de non-conformité du CA à ses propres règlements : deux des quatre administrateurs restants résideraient, selon un affidavit qu’il a souhaité déposer le matin-même de l’audience du 10 octobre, en dehors du Manitoba. Il a invoqué l’article sur les conditions d’admissibilité au CA où il est stipulé que pour être admissible au CA il faut « résider sur le territoire de la corporation pendant toute la durée du mandat ». Une des deux personnes visées par cette non-conformité est Blandine Tona qui résiderait dans la région de Toronto. Si cette non-conformité est avérée, alors les deux administrateurs restants ne seraient pas suffisants pour être en conformité avec les statuts constitutifs de la corporation.

La Liberté a contacté Blandine Tona pour vérifier si elle était bien devenue résidente d’une autre province. Elle a déclaré être toujours résidente du Manitoba mais a confié qu’elle se rendait trois jours par semaine dans la région de Toronto pour le travail.

Les deux parties se sont renvoyées la balle pour assumer les frais juridiques de cette motion de radiation.

Le juge a réservé sa décision à plus tard.

 

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Photos : 

Fatimaty Gueye intentait une action le 2 août 2023 contre la radio communautaire Envol 91 FM. Elle demandait entre autres, sa réintégration au poste de directrice générale et la révocation de Blandine Tona comme présidente. Les avocats de la radio communautaire ont présenté à la Cour du Banc du Roi, le 10 octobre, une motion de radiation pour cette requête. (photo : Ophélie Doireau)

Blandine Tona est la présidente du CA d’Envol 91 FM. (photo : Jonathan Semah)

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  • Date de création 14 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 14 novembre, 2023
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