Environnement : à la découverte des suintements froids dans les océans

À ce jour, moins de 20 % des espaces océaniques ont été explorés. Des groupes de scientifiques veulent augmenter ce pourcentage. La Commission géologique du Canada est à l'œuvre depuis neuf ans afin de mieux comprendre les organismes habitant les écosystèmes autour des « suintements froids », notamment les fameuses bactéries dévoreuses de méthane. 

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Les suintements froids sont des sources de gaz, dont le méthane, ou d’hydrocarbures sous forme de fluides qui émanent des sédiments et forment des cratères sous-marins. Ces derniers se trouvent dans les « déserts » du fond océanique.

Depuis les années 70, les chercheurs sont au courant de la présence potentielle de ces cratères en Nouvelle-Écosse. Ils tentent d’en identifier pour approfondir leur compréhension de ce phénomène naturel. « Sous l’impulsion de la province, il y a eu une volonté d’aller les étudier », dit Pierre-Arnaud Desiage, chercheur en géoscience marine à la Commission géologique du Canada. 

Les recherches sur les suintements froids ont été initiées par la Commission en 2015 avant la venue de M. Desiage qui travaille précisément sur l’identification et la caractérisation des suintements froids au large de la Nouvelle-Écosse.

Pour l’environnement 

Avec des robots sous-marins autonomes, les scientifiques ont réussi à cartographier et identifier une quinzaine de sites à plus de 2 500 mètres de profondeur qui « ont potentiellement été actifs ».

Il s’agit d’endroits au fond des océans où il y a très peu de vie, vu le manque de lumières pour faire pousser des plantes et nourrir les animaux.

Mais alors, pourquoi porter un intérêt aux suintements froids ? « On a des organismes, des bactéries, qui vont “se nourrir” sur le méthane, explique Pierre-Arnaud Desiage. En le consommant, ils vont produire des sous-groupes d’énergie qui vont ensuite permettre à d’autres organismes de s’alimenter et ainsi créer un écosystème. »

Ce sont des sites avec des écosystèmes uniques et fragiles, fait remarquer le chercheur. « Il y a un intérêt à protéger ces zones, puisque c’est de la vie qui n’existe qu’à ces endroits. »

Le gouvernement du Canada a promis de conserver 25 % de ses espaces océaniques d’ici 2025 et affirme en avoir protégé 14,66 %.

En 2023, ce pourcentage devrait atteindre 30 %, selon l’objectif de Pêches et Océans Canada.

Le méthane est un puissant gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement de la planète. Une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine de la consommation par les bactéries pourrait être fort utile afin de comprendre comment dégrader et gérer le méthane.

En 2020, le Canada a émis 92 000 kilotonnes de méthane, ce qui équivaut à 13,7 % de ses émissions totales de GES.

De Bordeaux à Dartmouth

Pierre-Arnaud Desiage a démarré ses études des fonds marins à l’Université de Bordeaux, en France. Il s’est ensuite rendu à l'Université du Québec à Rimouski pour étudier au centre de recherche océanographique afin d'obtenir sa maîtrise et son doctorat.

Il a entamé des recherches géoscientifiques sur les « processus sédimentaires de surface » et la reconstruction des environnements passés. Maintenant, il est au bureau atlantique de la Commission géologique du Canada, à Dartmouth.

Bien que son quotidien soit beaucoup en anglais, le chercheur a souvent la chance de converser en français au travail avec ses collègues. « C’est agréable de faire de la science en français, dit-il, de ne pas se limiter à l’anglais, même dans une province [où le français est] minoritaire. »

Pour M. Desiage, il est très important de produire du contenu scientifique dans les deux langues officielles. « Même si c’est difficile, il y a toujours des revues canadiennes géologiques qui publient des articles scientifiques en français. C’est sûr qu’on va atteindre moins de monde, mais tu gardes un vocabulaire, une volonté de transmettre [les informations] à des gens qui ne parlent pas anglais. »

Il compare le contexte canadien-français à d’autres parties du monde. En Amérique du Sud et en Europe, les scientifiques rédigent des synthèses de recherche en anglais, tout en publiant plusieurs revues dans la langue officielle du pays.

M. Desiage insiste sur le fait que les chercheurs ne font pas des travaux que pour les scientifiques. « On fait de la science pour tout le monde. »

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  • Date de création 31 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 31 mars, 2023
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