En Clare, coexistence fragile entre pêche au homard et COVID-19
L’ombre de la COVID-19 est partout. Même à la Baie Sainte-Marie. En pleine saison de pêche au homard. Que faire ? Rester au quai ? Continuer malgré les risques ? Ne pas abandonner, disent les premiers intéressés.
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André Magny
Initiative de journalisme local - APF - Atlantique
«Heureusement, j’avions point de monde contaminé », dit d’entrée de jeu Ronnie LeBlanc, le préfet de Clare, seule municipalité dans la province à diriger ses affaires et offrir des services en français et en anglais. Comme partout ailleurs, dans ce petit coin de paradis, toute l’attention se porte sur la lutte à la COVID-19.
«Les gens ne socialisent pas, ils restent chez eux. Le monde respecte les consignes», assure celui qui en est à son deuxième mandat comme préfet. M. LeBlanc dit craindre pour des petites entreprises comme les restaurants ou les salons de coiffure si le confinement dure trop longtemps. «Heureusement, personne n’a encore rien perdu», dit-il, soulagé. Afin d’aider ses habitants, Clare a reporté le paiement des taxes foncières. Mais ça ne veut pas dire que les dépenses diminuent pour autant. «Faut que la municipalité opère», ajoute-t-il. COVID-19 ou pas, les services, comme la cueillette des ordures, continuent. Et il faut les payer.
Pêche au homard : on continue?
En fait, il y a peut-être pire. Ce qui inquiète passablement Ronnie LeBlanc, c’est la question de la pêche au homard. Commencée en novembre, la pêche a pu se poursuivre pendant la pandémie, ayant été déclarée service essentiel. Il reste encore six semaines avant que la saison ne prenne fin, soit à la fin mai.
Beaucoup d’entreprises dans la région en dépendent. Mais comment faire respecter sur un bateau la fameuse distance de deux mètres entre les pêcheurs? «C’est presque ’impossible», raconte Yvon Thibault, pêcheur et ancien préfet de Clare.
La distanciation sociale entre celui qui met l’appât, celui qui prend le homard et celui qui conduit le bateau n’est pas évidente, concède M. Thibault. Mais il faut bien partir en mer. Lui aussi constate avec soulagement qu’il n’y «a point de pêcheurs qui sont malades».
Jusqu’ici, ce qui a fait mal, ce sont les exportations vers la Chine. Dans le plus fort de son combat contre la COVID-19, en février, le pays où l’infection s’est premièrement déclarée avait cessé d’acheter du homard. C’est un marché très important pour les régions côtières de la Nouvelle-Écosse. «Dans Clare, on dépend de ça, c’est tout ce qui reste», lance le homardier acadien. «Dans le milieu de l’hiver, le homard n’était pas en abondance. Le prix a descendu jusqu’à 3 $ la livre. À la fin de la journée, y avait point d’argent à faire.» Depuis, le prix s’est quelque peu raffermi, passant à 6 $ la livre, selon M. Thibault. Et puis la Chine a recommencé à acheter du homard au début du mois d’avril.
D’après les chiffres du gouvernement canadien, en 2017, la pêche au homard a rapporté à la Nouvelle-Écosse 802 millions de dollars. La pêche au crabe des neiges : 178 millions de dollars. Le pétoncle : 158 millions de dollars. C’est dire l’importance de cette industrie..
Âgé de plus de 70 ans, Yvon Thibault s’inquiète davantage pour les autres que pour lui. «J’avions peut-être point d’éducation, mais je sais une chose. Si le coronavirus s’arrête pas, ce sera un désastre. Je pense à mon garçon.»
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Bas de vignette :
Ronnie LeBlanc, préfet de Clare, il en est à son deuxième mandat.
Crédit : gracieuseté Municipalité de Clare
Bas de vignette :
Yvon Thibault, homardier et ancien préfet de Clare.
Crédit : gracieuseté Yvon Thibault
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- Date de création 20 avril, 2020
- Dernière mise à jour 20 avril, 2020