Élisabeth II, une reine francophone et francophile

Élisabeth II avait reçu une éducation à l’ancienne, digne du temps où la langue de Molière régnait dans les ambassades et les réunions des familles royales européennes. Si, contrairement à son aïeule Victoria, elle n’a jamais fréquenté Biarritz ou la côte d’azur, la reine était très francophile. Elle était aussi parfaitement bilingue, comme toute Canadienne moderne exerçant de hautes responsabilités devrait l’être.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

 

Avec sa délicieuse pointe d’accent cockney, mâtiné de grâce aristocratique, Élisabeth II n’avait aucun problème à s’exprimer dans la langue de Molière. Apprendre le français faisait encore partie du parcours estudiantin de l’élite de son époque. On peut même parler d’une histoire d’amour avec la France. Orphelins de leur propre monarchie, les Français adoraient la reine d’Angleterre et trouvait en elle, comme avec les princes de Monaco, le substitut à ce qui leur manque.

De Vincent Auriol, qu’elle rencontra en 1951 alors qu’elle n’était que l’héritière présomptive de la Couronne, jusqu’à Emmanuel Macron, Élisabeth II a rencontré tous les présidents de la République française. Sans doute avait-elle une petite préférence pour Charles de Gaulle. Conséquence de la Deuxième Guerre mondiale, les soubresauts de l’histoire ont rapproché le général français et les Windsor.

Officielle ou privée, comme lorsqu’elle se rendait au Haras du Pin, en Normandie, pour admirer ou acheter des chevaux pur-sang, chacune de ses visites en France avait un éclat qui la rendait particulière. Avec François Mitterrand, le plus « royal » des présidents, elle a inauguré le Tunnel sous la Manche. En 1992, une réception protocolaire en marge des négociations tendues sur le traité de Maastricht lui donna l’occasion de faire, sans se départir d’un air sérieux, un trait d’humour « so British » pour évoquer la complexité des relations franco-anglaises.

« La tradition anglo-saxonne est un peu à la tradition latine en Europe ce que l’huile est au vinaigre. Il faut les deux pour faire la sauce, sinon la salade est mal assaisonnée », avait-elle dit, en français dans le texte, devant le sphinx du palais de l’Élysée, lui-même fin gourmet.

« Elle parlait un français impeccable »

Nonobstant la relation singulière qu’elle entretenait avec la République voisine, la reine Élisabeth II a voyagé au Canada plus que dans n’importe quel autre pays du Commonwealth. Entre 1951 et 2010, elle y effectua 23 séjours, dont 22 en tant que souveraine. La plus longue tournée royale a duré 45 jours, du 18 juin au 1er août 1959. C’est la seule qui a couvert l’ensemble des provinces et des territoires.

La reine a visité six fois le Nouveau-Brunswick. En 1984, dans le cadre des cérémonies du bicentenaire du Nouveau-Brunswick, Élisabeth II s’est rendue à Dieppe, Shediac et Moncton. Elle est revenue dans la région en 2002 à l’occasion de son jubilé d’or. Sa rencontre avec Claudette Bradshaw fit couler beaucoup d’encre. Depuis, elle s’est transformée en légende au point de figurer dans l’Encyclopédie canadienne.

Yvon Lapierre était déjà maire de Dieppe il y a 20 ans. Il se souvient de cette visite qui soulignait également le 50eanniversaire de l’incorporation de la ville, et durant laquelle la souveraine inaugura l’aéroport international du Grand Moncton.

« Elle parlait un français impeccable. Nous avons eu une bonne conversation. Elle voulait en savoir plus sur la région, on a évidemment abordé la question de la francophonie. C’est un moment dont je me rappellerai toujours. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de rencontrer une personne de cette stature. Elle projetait une image de stabilité, d’assurance. Elle démontrait de l’intérêt pour les gens ».

« Qu’on soit monarchiste ou pas, elle faisait intrinsèquement partie de ce qu’était le Canada moderne », a déclaré pour sa part l’historien Maurice Basque.

 

 

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Photos

 

Titre : Mitterrand

Légende : Élisabeth II et François Mitterrand en 1992 : l’alliance de l’huile et du vinaigre.

Crédit : Gracieuseté

 

Titre : Lapierre
Légende : Élisabeth II et le maire de Dieppe Yvon Lapierre, en 2002.

Crédit : Gracieuseté

 

Funérailles royales : l’imposante délégation canadienne

Les funérailles d’État de la reine Élisabeth II se sont déroulées lundi matin à Londres, en l’abbaye de Westminster. Elles furent suivies d’une longue procession jusqu’au château de Windsor où un deuxième service religieux, plus intimiste que le premier, a été célébré dans l’après-midi en la chapelle Saint-Georges. À maintes reprises, l’émotion du roi Charles III était visible.

Le Canada, le pays du Commonwealth que la défunte reine aimait le plus, était fortement représenté à cet événement solennel. La délégation conduite par le Premier ministre Justin Trudeau comprenait plusieurs de ses prédécesseurs : Kim Campbell, Jean Chrétien, Paul Martin et Stephen Harper. La gouverneure générale Mary Simon était présente ainsi que deux anciens gouverneurs généraux : Michaëlle Jean et David Johnston. En tout, le Canada a envoyé 15 dignitaires aux funérailles royales.

Au Nouveau-Brunswick, un service commémoratif provincial a eu lieu lundi après-midi à 14h à la cathédrale Christ Church de Fredericton. Au même moment, à Ottawa, une cérémonie commémorative précédée d’un défilé des Forces armées canadiennes s’est déroulée en présence de l’ancienne gouverneure générale Adrienne Clarkson, et de l’ancien Premier ministre Brian Mulroney. – DD

 

Photo : Trudeau-condoléances

Légende : Le Premier ministre Justin Trudeau signant le livre de condoléances dimanche dernier au 10, Downing Street.

Crédit : Twitter de Justin Trudeau

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 21 septembre, 2022
  • Dernière mise à jour 21 septembre, 2022
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