Élections partielles : surprise ou pas?

En raison de la démission de Candice Bergen de son poste de députée de la circonscription de Portage-Lisgar, et du décès de Jim Carr, député de Winnipeg-Centre-Sud en décembre 2022, des élections partielles se tiendront ce lundi 19 juin 2023. Il s’agira, pour les circonscriptions concernées, d’élire leurs nouveaux représentants.

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Hugo Beaucamp

IJL - Réseau.Presse - La Liberté

Ces élections promettent d’être quelque peu intéressantes. Notamment pour la circonscription de Winnipeg-Centre-Sud qui compte un total de 48 candidat(e)s confirmé(e)s (1). Un nombre de candidats impressionnant qui pourrait avoir un certain « impact » selon Christopher Adams, professeur associé en études politiques à l’Université du Manitoba. « Certaines personnes dans l’isoloir seront probablement un peu confuses. »

Le professeur associé précise cependant que ce n’est pas la première fois qu’un tel cas de figure se présente. « C’est arrivé à Saint-Boniface lors des dernières élections fédérales. C’est en revanche la première fois que cela se produit à Winnipeg-Centre-Sud, mais je ne pense pas que cela affectera grandement les résultats. »

Pour Christopher Adams, cet important bassin de candidats est un signe de protestation contre l’échec du Parti libéral à mettre en place la réforme électorale promise en 2015, qui devait mettre fin au système de scrutin majoritaire uninominal à un tour.

Relève

Malgré l’abondance de candidats dans la circonscription, l’élection devrait se jouer, a priori, entre Ben Carr du Parti libéral du Canada et Damir Stipanovic du Parti conservateur du Canada (PCC).

Ben Carr fait donc campagne pour prendre la relève de feu son père, Jim Carr, qui était une figure éminente de la scène politique winnipégoise. « Ben Carr a travaillé avec Jim Carr par le passé et je ne vois pas, politiquement, de grande différence entre les deux.

« Avant même de faire campagne pour le Parti libéral, Jim Carr était déjà une figure importante dans la société winnipégoise. Ce n’est pas le cas de son fils, mais ce dernier pourra parfaitement se construire sa réputation s’il est élu. »

Au-delà des similarités dans l’orientation politique, Christopher Adams pense aussi que le nom Carr peut être un avantage lors de ces élections. « Je pense que beaucoup des gens qui supportaient Jim Carr seront à l’aise avec l’idée de voter pour son fils. Mais cela ne signifie pas que la victoire est assurée. »

Côté conservateur, Damir Stipanovic est un nouveau visage sur la scène politique, mais une figure connue de la communauté : c’est un ancien contrôleur aérien et un membre des Chevaliers de Colomb.

« L’une de ses stratégies en tant que représentant du Parti conservateur sera d’espérer que le soutien envers le Parti libéral ait assez décliné pour obtenir la victoire. Il se peut qu’il existe une tendance à s’éloigner du Parti libéral, même si Winnipeg- Centre-Sud est une circonscription libérale depuis des décennies », explique le professeur associé.

En effet, mis à part la période de 2011 à 2015, Winnipeg- Centre-Sud est restée libérale depuis 1988.

À la ville et au rural

Winnipeg-Centre-Sud étant une circonscription urbaine, forcément les enjeux qui la concernent sont différents de ceux de Portage-Lisgar au rural. Interrogé à ce sujet, Ben Carr pointe du doigt trois choses en particulier : « Les sujets qui reviennent souvent ici sont la santé, le changement climatique et l’éducation. Ce sont des sujets qui sont importants pour moi aussi.

« Il y a aussi beaucoup d’inquiétudes à propos du coût de la vie. Je veux utiliser mon expérience en tant qu’enseignant pour construire des ponts et être à l’écoute de la communauté, comme je me suis toujours efforcé de le faire tout au long de ma carrière. » La Liberté a aussi tenté de s’entretenir avec le candidat Damir Stipanovic, sans succès.

Quant à Portage-Lisgar, circonscription rurale, Christopher Adams en souligne les enjeux : « Les taxes, les droits des personnes transgenres. Aux dernières élections, on parlait aussi beaucoup des vaccins. Là-bas, les enjeux sont plus proches de ceux que l’on peut voir en Alberta que de ceux qui reviennent à Winnipeg-Centre-Sud. Les deux élections partielles sont vraiment très différentes. »

Historiquement, la circonscription de Portage-Lisgar tend plutôt du côté des conservateurs. Pourtant, en 2021, le Parti populaire du Canada (PPC), représenté par le candidat Maxime Bernier, avait obtenu un score de 22 % face à la conservatrice Candice Bergen.

L’expert en politique explique cela principalement par le contexte de l’époque et des mouvements anti-restriction et anti-vaccination. « En 2023, si la colère est la même que pendant la crise de la COVID, cela peut avoir un effet positif pour Maxime Bernier. »

Nouveaux leaders, nouvelles élections

Mais Christopher Adams nuance rapidement car le nouveau leader du Parti conservateur, Pierre Poilievre, jouera un rôle important lors de ces élections : « Pierre Poilievre est plus à droite qu’Erin O’Toole (chef du parti jusqu’en 2021). Poilievre est plus proche de Maxime Bernier politiquement, alors je crois qu’il va prendre des votes au Parti populaire. Je pense qu’une partie des administrés ayant voté pour le Parti populaire lors des dernières élections vont se tourner vers le candidat conservateur : Branden Leslie. »

Branden Leslie avait créé la surprise en s’imposant devant Cameron Friesen, ancien ministre des Finances du Manitoba, pour représenter le Parti conservateur à Portage-Lisgar.

« Cette défaite démontre que les électeurs de cette circonscription ont associé Cameron Friesen avec le gouvernement provincial à l’origine des restrictions et de la vaccination.

« Portage-Lisgar avait aussi soutenu Shelly Glover contre Heather Stefanson dans la course à la chefferie du Parti conservateur, pour accéder au poste de Première ministre après la démission de Brian Pallister, ce qui explique que les conservateurs de Portage-Lisgar se soient détournés d’un candidat qui venait du gouvernement de Heather Stefanson.

« De plus, Branden Leslie a travaillé en tant que directeur de campagne pour Candice Bergen, donc il connaît bien la circonscription. Mais c’était tout de même une surprise », conclut Christopher Adams.

Pour l’expert, c’est donc entre ces deux partis que se jouera la bataille le 19 juin. La Liberté a donné la parole aux candidats pour Portage-Lisgar. Maxime Bernier en a profité pour parler de ses objectifs :

« Je propose une série de mesures pour diminuer de façon importante les dépenses du gouvernement fédéral, éliminer rapidement les déficits gigantesques du gouvernement Trudeau et donner à la Banque du Canada le mandat de cibler un taux d’inflation de 0 %.

Débats

« Je veux apporter une voix forte pour susciter des débats sur des questions taboues et controversées que le Parti conservateur ne veut pas aborder, notamment l’immigration de masse, l’hystérie climatique, une réforme de la péréquation, une décentralisation du fédéralisme de façon à mettre fin aux intrusions d’Ottawa dans les champs de compétences des provinces, et bien sûr l’avortement et l’idéologie du genre. »

La candidate libérale Kerry Smith a elle aussi fait part de ses objectifs. « Notre plan libéral consiste à rendre la vie plus abordable en offrant des services de garde d’enfants à 10 $ par jour au Manitoba, en continuant à mettre davantage d’argent dans les poches des familles avec l’Allocation canadienne pour enfants, en créant un nouveau régime d’assurance dentaire, en améliorant la Prestation canadienne pour travailleurs pour ajouter jusqu’à 2 400 $ de plus dans les poches des familles à faible revenu, en introduisant un rembourse- ment ciblé pour les courses alimentaires pour soutenir 11 millions de Canadiens, en construisant davantage de logements et doublant le taux de construction de nouvelles habitations, et en augmentant le supplément de revenu garanti (SRG) pour 900 000 personnes âgées. »

Les élections de Portage-Lisgar opposeront donc Maxime Bernier du PPC, Branden Leslie du Parti conservateur, Kerry Smith du Parti libéral et Lisa Tessier-Burch du Nouveau Parti démocratique, qui n’a pas pu être jointe par la rédaction.

 

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Photos : 

Christopher Adams est professeur associé en études politiques à l’Université du Manitoba. + Photo : Marta Guerrero

(1) Pour découvrir les profils de tous et toutes les candidat(e)s pour Winnipeg-Centre-Sud, rendez-vous sur le site d’Élections Canada.

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  • Date de création 18 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 18 juin, 2023
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