Edith Dumont et le bonheur «qui va vivre ailleurs»

Il fut une époque où Edith Dumont recevait des prix et des médailles pour ses contributions à sa communauté. Depuis qu’elle est devenue lieutenante-gouverneure de l’Ontario, c’est elle qui les décerne. Et parmi toutes ses nouvelles tâches essentielles au bon fonctionnement de la démocratie, c’est celle-là qui, à sa grande surprise, provoque en elle les plus vives émotions.

_______________________ 

Émilie Gougeon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse – Le Droit

Lorsque Le Droit a rencontré Edith Dumont dans ses appartements à l’Assemblée législative de l’Ontario, elle s’apprêtait quelques heures plus tard à donner la sanction royale à un projet de loi du gouvernement.

Lorsqu'elle était vice-rectrice de l’Université de l’Ontario français, Edith Dumont est devenue la grande lauréate du Prix Paulette-Gagnon. (Patrick Woodbury/Archives, Le Droit)

Ce serait la plume à la main, assise devant un pupitre en bois vernis sur lequel ont auparavant été déposés des milliers de documents législatifs, qu’elle allait exécuter ce geste protocolaire pour la troisième fois depuis son installation comme première lieutenante-gouverneure franco-ontarienne, le 14 novembre dernier.

Sa description de tâches comprend également l’assermentation des nouveaux ministres, et à l’approche des prochaines élections provinciales, elle sera tenue de dissoudre la chambre.

Cet aspect constitutionnel de son poste symbolique, non partisan et non politique, elle le prend très au sérieux.

Nous lui avons demandé comment elle s’était sentie, la première fois qu’elle avait apposé sa signature sur un projet de loi pour en faire une loi officielle. «C’était un sentiment de responsabilité», a-t-elle répondu d’un ton solennel, à partir de son bureau.

L’art et la diversité

Dans cette pièce, les lieutenants-gouverneurs se succèdent depuis 1937 – lorsque la dernière résidence officielle du lieutenant-gouverneur de l’Ontario a fermé ses portes – et les œuvres d’art qu’ils ont apportées aussi.

Pour décorer son bureau, Edith Dumont a choisi des toiles «lumineuses» qui rappellent les saisons ottaviennes, y compris une peinture qui met en scène la glace du canal Rideau fourmillant de patineurs et une autre plus abstraite composée de conifères.

Même si quelque 450 kilomètres séparent la capitale fédérale de Toronto, la rareté de la neige et l’absence d’un manteau blanc faisant briller le contact des rayons du soleil dans la ville-reine peuvent provoquer un certain ennui chez une personne originaire d’Ottawa, comme Edith Dumont.

Les hivers torontois des récentes années ont été «plutôt gris», a-t-elle remarqué.

C’est particulièrement le cas depuis 2020, concordant avec l’année où Mme Dumont a obtenu un mandat de trois ans à titre de vice-rectrice de l’Université de l’Ontario français, le plus récent emploi qu’elle a obtenu dans le domaine de l’éducation, où elle a œuvré pendant plus de 30 ans.

À travers sa suite, dont l’architecture est à l’image du style roman richardsonien du reste de l’Assemblée législative, la lieutenante-gouverneure nous montre aussi les multiples œuvres d’art autochtones qui décorent ses quatre coins.

Edith Dumont dit vouloir «garder vivante» la relation entre la province et les Premières Nations. C’est d’ailleurs l’un des legs qu’elle souhaite laisser à l’Ontario.

«Mes prédécesseurs ont ouvert la porte, je veux garder ce dialogue ouvert. Quand on est présent auprès des communautés des Premières Nations un peu partout en Ontario, c’est mettre de la lumière sur une partie de nos histoires, c’est mettre de la lumière sur les histoires des Premières Nations.»

—  Edith Dumont

L’éducatrice souligne aussi sa joie d’être devenue la première Franco-Ontarienne à accéder au titre de lieutenant-gouverneur.

«Je pense que le fait d’être francophone vient marquer un moment important, en ce sens que ça dit qu’on a une province qui apprécie sa diversité, qui donne accès aux plus hautes fonctions à l’intérieur de ses institutions, avec la diversité avec laquelle on est en Ontario.»

Elle dit vouloir «apporter une continuité» à sa carrière en éducation en poursuivant son ambition de vivre «la proximité avec les gens», à faire la promotion de la diversité et de l’équité entre les hommes et les femmes.

«La femme a sa place dans le monde et il faut l’appuyer pour qu’elle puisse la prendre avec toute sa richesse», exprime-t-elle.

Reconnaissance

Dans l’une des pièces de la suite, située dans l’aile nord-est du bâtiment législatif à Queen’s Park, une grandiose salle protocolaire où les murs sont vêtus des portraits de tous ses prédécesseurs et où trône à l’avant-scène un somptueux piano à queue, elle reçoit des groupes communautaires, des jeunes, des aînés, des gens engagés.

Parce que l’une des fonctions de la lieutenante-gouverneure est aussi d’accueillir les Ontariens, «une occasion de mettre en lumière la beauté de notre province, les forces de notre province, tout ce qui va bien, tout ce qui est attaché à l’action citoyenne des gens qui font en sorte qu’on est mieux dans nos collectivités», souligne Edith Dumont.

À tous ceux qui se démarquent, elle remet des prix, des certificats, des distinctions.

Cette facette de son rôle peut sembler insignifiante, mais pour Edith Dumont, ce qui en découle représente jusqu’ici la plus grande surprise.

«Ce qui m’étonne le plus présentement, c’est en lien avec la remise des prix. Je suis très émue, en fait. Et ça, je ne m’y attendais pas. Parce que j’ai réalisé qu’en remettant une médaille, un certificat qui félicite ou qui rend hommage à quelqu’un, pour moi, ça dure à peine une minute. Mais c’est toute l’émotion de la personne qui le reçoit, et de voir que par exemple, il y a peut-être un parent, il y a peut-être un grand-parent, un enfant ou un voisin qui est dans la salle, et qui a les larmes aux yeux.»

Impressionnée

La lieutenante-gouverneure, surnommée «la maman de l’éducation», se dit impressionnée «de voir la puissance de gestes qui sont simples, qui racontent l’histoire singulière d’une personne qui a fait quelque chose d’extraordinaire».

Elle raconte avoir récemment remis l’Ordre du Canada à une femme de 101 ans et d’avoir été très inspirée par le récit de cette dame qui a brisé des plafonds de verre.

«Je ne m’attendais pas à un rayonnement aussi grand avec un geste qui semblait plutôt bref, quand même. Alors je dois dire que présentement, après quelques mois, je suis plutôt prise par les émotions, à chaque fois. C’est agréable, parce qu’on a l’impression à la fin de la journée qu’il y a beaucoup de bonheur qui nous quitte et qui va vivre ailleurs.»

—  Edith Dumont

Le 20 mars, Edith Dumont va remettre la médaille de l’Ordre de la Pléiade, dont elle est elle-même détentrice depuis 2021, à six récipiendaires qui se sont démarqués par leurs «contributions exceptionnelles» envers la francophonie ontarienne.

La lieutenante-gouverneure est convaincue qu’elle ne se lassera pas de son nouvel emploi du temps, aussi chargé qu’il soit.

C’est comme si on lui demandait s’il y avait eu des longueurs dans sa carrière en éducation, note-t-elle.

«Ça, j’ai de l’assurance là-dessus… Il n’y aura pas de longueurs», conclut-elle, souriante.

-30- 

 

Photos 

 

  • Lorsqu'elle était vice-rectrice de l’Université de l’Ontario français, Edith Dumont est devenue la grande lauréate du Prix Paulette-Gagnon. (Patrick Woodbury/Archives, Le Droit)
  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 12 mars, 2024
  • Dernière mise à jour 12 mars, 2024
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article