Doug Ford convoqué devant la Commission Rouleau

ANTOINE TRÉPANIER

Le Droit

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Le premier ministre de l’Ontario Doug Ford et sa vice-première ministre Sylvia Jones sont convoqués devant la Commission sur l’état d’urgence qui enquête sur l’occupation du centre-ville d’Ottawa, l’hiver dernier. Or, M. Ford n’a pas l’intention de témoigner et veut même que les tribunaux annulent la décision de la commission.

Les co-procureurs en chef de la Commission obligent le premier ministre et celle qui était Solliciteure générale de l’Ontario au moment de l’occupation à comparaître, eux qui ont décliné plusieurs invitations dans les dernières semaines. 

«Étant donné que les invitations répétées ont toutes été refusées, la Commission a délivré aujourd'hui une assignation à comparaître» aux deux politiciens, peut-on lire dans une lettre des co-procureurs en chef envoyée à trois partis représentés dans cette commission. 

Rapidement, le gouvernement Ford a annoncé qu’il contesterait cette citation à comparaître devant les tribunaux puisque «l’assignation est incompatible avec le privilège parlementaire des députés».

«Dans l'ensemble, nous avons toujours été d'avis qu'il s'agissait d'une affaire policière et que les témoins de la police qui témoignent sont les mieux placés pour fournir à la commission les éléments de preuve dont elle a besoin», affirme le porte-parole du Procureur général de l’Ontario, Andrew Kennedy. 

L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC), la Canadian Constitution Foundation et  la Coalition d’Ottawa ont cosigné une lettre, la semaine dernière, disant que les actions - ou l'inaction - du gouvernement Ford pendant l’occupation au centre-ville d’Ottawa «méritent d’être examinés sous serment».

Lundi, la Canadian Constitution Foundation a rapidement salué ce nouveau rebondissement dans les affaires de la commission. 

«Le premier ministre Doug Ford et la ministre Sylvia Jones ont des preuves importantes et pertinentes sur les raisons pour lesquelles le premier ministre n'a pas utilisé ses pouvoirs d'urgence pour répondre aux manifestations d'Ottawa. Maintenant qu'une convocation a été émise, ils sont tenus par la loi de fournir ces preuves », a déclaré l’avocat du CCF Sujit Choudhry.

Ford a-t-il dit la vérité?

La semaine dernière, Doug Ford a indiqué ne pas avoir été invité à témoigner, et le bureau du Solliciteur général avait fait savoir au Droit que la province avait remis des centaines de documents liés à l'occupation. Qui plus est, on disait alors que le gouvernement avait mis à disposition des «hauts fonctionnaires de l'Ontario» pour être appelés à témoigner.

Or, la Commission dit avoir invité M. Ford à plusieurs reprises.

L’Association canadienne des libertés civiles a d’ailleurs qualifié d’«extrêmement décevante» la contestation du gouvernement ontarien. 

«Le fait que les dirigeants de l'Ontario vont non seulement refuser d'aider, mais entravent activement le travail de la commission est une abdication de sa responsabilité envers la population de l'Ontario», a déclaré la directrice des libertés fondamentales de l’association, Cara Zwibel.

L’Opposition officielle à Queen’s Park exige des explications quant au refus du gouvernement ontarien de participer aux rencontres tripartites et à la déclaration de Sylvia Jones selon laquelle 1500 agents de la PPO avaient été envoyés en renfort à Ottawa.

Les deux députés néo-démocrates d’Ottawa, Joel Harden et Chandra Pasma, soutiennent que non seulement Doug Ford et Sylvia Jones «doivent» témoigner, mais qu’il faudrait aussi sommer la ministre des Transports Caroline Mulroney à comparaître.

Le NPD aimerait aussi savoir pourquoi le ministère des Transports n’a pas révoqué les permis d’exploitation des véhicules commerciaux lorsqu’il lui a été demandé. 

La réticence du gouvernement de l’Ontario à s’engager activement pour mettre fin à l'occupation d'Ottawa en février dernier et la «frustration» du premier ministre du Canada et du maire d’Ottawa à cet égard ont fait l’objet de nombreuses discussions à la Commission, mardi dernier.

Watson attendait Ford

Lors de son témoignage, le maire Jim Watson a déclaré que la Ville d’Ottawa a eu du mal à convaincre le gouvernement Ford de l’urgence d’agir pour faire partir les manifestants du «Convoi de la liberté».

Le refus du gouvernement provincial de participer à la table de concertation tripartite sur l’occupation à Ottawa pour coordonner les efforts politiques a frustré et déçu le maire Watson.

Ce dernier a ajouté que Doug Ford lui a souvent offert son appui, mais que cela s’est rarement transformé en gestes concrets.

Le maire d’Ottawa a néanmoins affirmé que malgré des difficultés à convaincre la province de s’engager, «ultimement, le gouvernement de l’Ontario a bien géré la situation, mais ils ont mis beaucoup de temps pour y arriver».

Aux côtés de Justin Trudeau durant une conférence de presse lundi, Doug Ford s'est dit d’accord avec l’utilisation des mesures d’urgence par le gouvernement fédéral et a assuré avoir collaboré étroitement avec les autres gouvernements.

Dans un appel téléphonique avec le maire Watson le 8 février, le premier ministre Justin Trudeau aurait déclaré que «Doug Ford s'est caché de sa responsabilité pour des raisons politiques [...] et il est important que nous ne les laissions pas s'en échapper, et nous avons l'intention de vous soutenir à cet égard».

Le compte-rendu de cet appel a été présenté devant la Commission sur l’état d’urgence mardi.

À ce moment-là, le premier ministre semble admettre au maire d’Ottawa qu’il était difficile pour le gouvernement fédéral d’identifier les ressources policières qu’il devait déployer durant l’occupation de la capitale «jusqu'à ce que nous ayons une meilleure idée de ce que fait la province».

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  • Date de création 24 octobre, 2022
  • Dernière mise à jour 24 octobre, 2022
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