Diminution de la criminalité au Nouveau-Brunswick en 2022

Le Nouveau-Brunswick a été la seule province du Canada à voir son Indice de gravité de la criminalité (IGC) diminuer en 2022 selon des données de Statistique Canada.

_______________________

Bobby Therrien

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle

La province a connu une diminution de 2% de son IGC. Cet indice de criminalité suit essentiellement l’évolution de la gravité des crimes déclarés par la police.

Les deux seuls autres endroits au pays à avoir connu une amélioration à ce chapitre sont les territoires du Yukon et du Nunavut.

Malgré ce léger ralentissement, le Nouveau-Brunswick demeure l’endroit de l’est du Canada qui affiche l’IGC le plus élevé (86,2). Même si la moyenne de l’IGC au Canada a augmenté de 4% en 2022, l’indice de la province se situe à 8 points au-dessus de la moyenne nationale (78,1).

La province a aussi connu une augmentation de son IGC de 27% au cours des dix dernières années.

Le taux de criminalité, soit le nombre de crimes déclarés par la police par tranche de 100 000 habitants (fondé sur les infractions au Code criminel, excepté les délits de la route), a également diminué de 2% au Nouveau-Brunswick de 2021 à 2022. Il était de 6420 par rapport à 6470 en 2021. Sur une période de dix ans par contre (2012 à 2022), le taux de criminalité a connu une augmentation de 17%.

Au Canada, il a augmenté de 5% de 2021 à 2022, mais il demeure tout de même en dessous de la moyenne du Nouveau-Brunswick avec 5668 affaires par 100 000 habitants

Un peu plus de 52 000 crimes ont été déclarés par les corps policiers du Nouveau-Brunswick en 2022, ce qui n’inclut pas les délits de la route.

Même si de manière générale, le taux de criminalité a connu une diminution, l’indice de crimes avec violence a augmenté de près de 8% de 2021 à 2022 dans la province. Il a augmenté de 5% au Canada.

Celui des crimes sans violence, y compris les crimes contre les biens, les délits de la route, les infractions relatives aux drogues et toutes les infractions à des lois fédérales, a connu une diminution de 5% au Nouveau-Brunswick, alors qu’il a augmenté de 4% au Canada.

Une bonne façon de faire état de la gravité de la criminalité?

Même s’il s’agit de l’outil d’analyse de Statistique Canada depuis quelques années, la professeur en criminologie à l’Université de Moncton, Véronique Chadillon-Farinacci, doute de la pertinence de l’IGC pour faire un portrait fidèle de la gravité des crimes au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Canada.

Se basant sur d’autres chercheurs qui ont aussi remis l’IGC en question au fil des années, elle croit que cette façon de mesurer la criminalité n’est pas adéquate, surtout pour évaluer si une ville est dangereuse ou non, car elle ne capture pas seulement que la gravité des crimes, mais aussi le taux de criminalité, influencé par le nombre d’habitants.

«Ça nous renseigne partiellement sur la gravité, mais aussi sur le volume. Le calcul fait en sorte que les villes avec un grand volume de crime vont ressortir du lot. Mais ça ne veut pas dire que, parce que tu as un grand volume de crimes, que tu es dans la ville la plus dangereuse.»

«Une ville qui a 100 crimes, mais qui a 70 vols et 30 homicides, est peut-être moins dangereuse qu’une ville qui a 70 homicides et 30 vols.»

Mme Chadillon-Farinacci a fait référence à la ville de Moncton qui a mauvaise presse depuis quelques années en raison de son indice de gravité de la criminalité élevé. Même si son IGC et son taux de criminalité ont diminué respectivement de 6% et de 11% de 2021 à 2022, Moncton dépasse largement des villes comme Toronto ou Montréal.

«Moncton paraît très mal, mais c’est parce qu’elle a un volume élevé. Pour le nombre de population, on a beaucoup de vols. Ce ne serait pas juste de dire que Moncton est plus dangereuse que Toronto où il y a des fusillades mensuellement.»

«Si on regarde des villes de taille similaire qui connaissent une urbanisation rapide comme Moncton, on est quand même dans une excellente position.»

Pour contrebalancer les chiffres de Statistique Canada avec son Indice de gravité de la criminalité, Véronique Chadillon-Farinacci propose plutôt une méthode proposée par Rémi Boivin, professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal.

Dans un article scientifique paru en 2013, M. Boivin critique l’IGC en indiquant qu’il «permet de tenir compte de la gravité des infractions, sans donner une valeur à la gravité relative des infractions».

M. Boivin propose plutôt la «mesure de la gravité moyenne des infractions». L’objectif est de faire la somme pondérée des infractions enregistrées par la police (selon le système de pondération proposé par Statistique Canada), mais de la diviser par la somme des infractions au lieu de conserver le lien avec le taux de criminalité basé sur le nombre d’habitants.

Comme l’explique Véronique Chadillon-Farinacci, le système de pondération de Statistique Canada, qu’elle compare aux points Air Miles, donne une note aux infractions selon la sévérité de la peine imposée à chacune d’entre elles.

«Dans mes cours j’appelais ça des points “Air Crimes”. Tu peux donc avoir ton vol à 17 points et ton homicide à 7000 points, car c’est le crime le plus grave. Cette mesure alternative est la moyenne de “Air Crimes” par ville. Que ta ville ait 40 crimes ou 4000 crimes, une moyenne ne doit pas être affectée par le nombre d’observations.»

«On a besoin d’un chiffre qui mesure exactement ce qui nous intéresse. On veut savoir si la criminalité est grave (…) Un vol, c’est déplaisant, il faut faire quelque chose, mais on ne s’attaque pas au vol de la même façon que l’on s’attaque à un vol à main armée.»

Avec l’utilisation de cette mesure de la gravité moyenne des infractions, la criminologue juge que les choses ne sont pas si dramatiques à Moncton.

Alors que l’IGC donne une note de plus de 105 points, la mesure de gravité moyenne donne plutôt un pointage de 66,7, ce qui fait que Moncton est loin d’être dans le haut du tableau en ce qui concerne la gravité des crimes. Il en est de même pour ce qui est des crimes violents ou des crimes contre la propriété par exemple.

«Moncton n’est pas dans une position qui donne le goût de quitter la ville. Ce qui caractérise Moncton, ce sont beaucoup de crimes de faible gravité, de petites fraudes. Ç’a un impact sur le sentiment de sécurité, c’est déplaisant, mais ce n’est pas ça qui fera en sorte que je serai objectivement en danger quand je vais promener mon chien à l’extérieur.»

D’autres villes comme Kelowna, Lethbridge, Winnipeg, Saskatoon, Saskatchewan, Regina et Thunder Bay ont aussi des écarts importants entre l’IGC et la mesure moyenne de gravité des infractions.

À l’inverse, certaines régions métropolitaines de recensement – comme Toronto, Montréal, Québec, Sherbrooke ou Ottawa-Gatineau – passent plus inaperçues, car l’IGC leur donne un pointage plus bas que la plupart des villes mentionnées plus haut. La mesure moyenne de gravité donne toutefois un portrait plus grave de la criminalité dans ces grandes métropoles.

Manque de transparence des corps policiers

À l’échelle de la province, la criminologue Véronique Chadillon-Farinacci estime qu’il est difficile d’avoir un portrait clair de la criminalité au Nouveau-Brunswick, puisque la GRC et les corps de police municipaux ne sont pas nécessairement transparents dans le partage de données.

«Il est difficile pour les chercheurs et le public d’avoir l’heure juste globalement. Il va y avoir des faits divers, mais il y a d’autres villes au Canada qui sont beaucoup plus transparentes en matière de données criminelles, ce qui ne nous met pas dans une situation dans laquelle on doit attendre des données, un an en retard, par l’entremise de Statistique Canada.»

«Si les gens ne savent pas où a lieu une vague de cambriolages en temps réel, on ne peut pas s’attendre à ce que les initiatives de quartier soient efficaces pour prévenir cette vague dans le temps.»

 

-30-

 

Photos :

Légende : Un policier de la GRC.

Crédit :  Archives

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 31 juillet, 2023
  • Dernière mise à jour 31 juillet, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article