Deux jeunes réfugiés ukrainiens accueillis à Sturgeon Falls

Eric Thompson

IJL – Réseau.Presse

Tribune : la voix du Nipissing Ouest

Il y a près de quatre mois, Illia Kaminskyi et Mahmud Adilov ont été violemment réveillés en pleine nuit par des sirènes et des bombardements tout près de chez-eux. C’était à 5 h du matin le 24 février, lorsque l’armée russe a envahi leur ville, Kharkiv, en Ukraine. Cela faisait bien quelques semaines que les adolescents entendaient parler d’un conflit imminent, mais lorsque la guerre est arrivée à leur porte, ils étaient estomaqués.

«Nous avions entendu dire que la guerre était proche, mais nous espérions que ce n’était pas vrai,» dit Kaminskyi. «Nous vivions notre vie comme d’habitude, nous allions à l’école, rien d’extraordinaire. Puis un jour… nous entendons les sirènes et les bombes.» Adilov rajoute, «Nous pensions que c’était un exercice militaire, mais non, c’était la guerre.»

Près de trois mois après ce réveil brutal, Adilov, 17 ans, et Kaminskyi, 16 ans, ont atterri à l’aéroport Pearson de Toronto. Ils n’étaient jamais venus au Canada avant. Le lendemain, on venait les chercher pour les conduire à Sturgeon Falls, leur nouvelle communauté d’accueil.

Il a fallu un travail de groupe colossal pour assurer leur passage rapide et sécuritaire au Canada. L’effort était mené par leurs parents, des amis canadiens et cinq familles locales, dont trois médecins de l’Équipe santé familiale de Nipissing Ouest : le Dr Martin Desjardins, la Dre Maxime Boisvenue et la Dre Andrée Morrison.

«Il y a un groupe Facebook qui vise essentiellement à relier des foyers d’accueil avec des personnes qui en ont besoin,» explique le Dr Desjardins. «Mon épouse et moi voulions accueillir quelqu’un, mais la personne qui nous a contactés voulait placer deux adolescents. Nos circonstances nous empêchaient de prendre des ados, mais heureusement, mon cousin a pu les prendre. C’était tout un processus; je pense que ça a commencé au mois de mars et ils viennent d’obtenir leur visa et leur vol il y a environ deux semaines.»

Les premiers jours suivant l’invasion russe, les ados et leurs familles sont restés à l’intérieur, cachés. Ils n’étaient pas pour autant à l’abri de la violence. Les bombardements ont fait éclater toutes les fenêtres de la maison d’Adilov, obligeant la famille à fuir chez sa grand-mère. Lorsqu’ils se sont résignés à quitter Kharkiv, Adilov et son père ont voulu retourner à la maison chercher des vêtements, mais des soldats tiraient à proximité et ils ont dû abandonner la mission. «Nous nous sommes réfugiés dans une maison – pas la nôtre – pour attendre que les tirs cessent. Nous n’avons pas pu nous rendre à la maison, nous avons couru jusqu’à la maison de ma grand-mère,» raconte Adilov.

Kaminskyi confirme que les Russes commettent des crimes de guerre, frappant des civils autant que des cibles militaires depuis leur arrivée en Ukraine. «La Russie appelle ça une «opération spéciale» et dit qu’elle attaque des cibles stratégiques et non des civils, mais ce n’est pas vrai. Ils sont dans les maisons et ils tirent des civils,» décrit-il. Il a déjà perdu une tante et un cousin dans la guerre, mais il dit que sa mère et sa sœur sont en sécurité dans l’ouest du pays.

Les pères des deux ados sont de retour à Kharkiv, combattant auprès des forces ukrainiennes. L’âge de circonscription est de 18 ans, et les familles voulaient faire sortir les jeunes du pays au cas où le gouvernement élargisse l’admissibilité aux moins de 18 ans dans les prochains mois. Les garçons sont à la fois soulagés et contrariés de ne pas avoir à combattre. «Nous serions allés, bien sûr. C’est difficile, mais nous irions. Nous n’aurions pas de choix. Il n’y a rien d’autre à faire, c’est notre pays.»

Au lieu, ils se sont réfugiés chez de la parenté dans l’ouest du pays en attendant un visa par le biais de l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine, pendant que leurs parents cherchaient des familles d’accueil sur Facebook. «Ma mère a des amis au Canada qui pouvaient nous aider à trouver des familles d’accueil canadiennes. Ils ont choisi ce pays parce que le Canada est un pays très sécuritaire.» L’une de ces amies, c’est une traductrice de la Moldavie qui habite maintenant Toronto; elle a aidé à faire le lien entre les familles de Nipissing Ouest et les Adilov et Kaminskyi.

«C’était un processus très intéressant mais parfois déchirant aussi, parce qu’on parle à une personne via Zoom et il y a de la traduction (…), mais certaines choses n’ont pas besoin d’être traduites. On le sait lorsqu’elle parle d’être séparée de son fils, on n’a pas besoin de traduction, car l’émotion sur son visage dit tout. Je pense que ce sont ces moments que je n’oublierai jamais,» dit le Dr Desjardins.

Comme condition d’accès au visa canadien, les garçons ont dû passer des tests biométriques en Pologne. Ils ont quitté l’Ukraine en avril et sont restés en Pologne en attendant un vol. Là, ils ont vu leur mère une fois pendant une brève visite. C’est la dernière fois qu’ils ont vu un membre de leur famille en personne.

«Il fallait que les deux partis aient beaucoup de foi,» dit la Dre Morrison. «Ils devaient envoyer leur enfant à l’autre bout du monde chez de parfaits inconnus… Il y a eu beaucoup de conversations via Facebook, d’abord avec le Dr Desjardins et ensuite avec la famille d’accueil, donc une relation s’est développée et ils ont compris que nous avions de bonnes intentions.»

Les garçons ont atterri le 19 mai, puis ils sont restés une nuit chez la traductrice avant d’être recueillis le lendemain par le Dr Desjardins et la famille d’accueil. Ils sont arrivés avec quelques vêtements, rien de plus. Les cinq familles qui les parrainent contribuent financièrement pour leur offrir le nécessaire aussi longtemps qu’ils seront là. Or, Kharkiv est en ruines et l’offensive russe persiste, donc personne ne sait quand ils pourront rentrer chez-eux.

«Nous les aiderons aussi longtemps qu’il le faudra,» dit la Dre Morrison. «Nous avons décidé de commencer avec 150$ par mois de chacun des cinq partis… puis nous verrons. Ça dépendra de leurs besoins.»

L’école secondaire se termine en 11e année en Ukraine, et les deux garçons se préparaient aux études postsecondaires avant la guerre. Maintenant, ils passeront plus de temps au secondaire ; ils sont inscrits à l’école St. Joseph-Scollard Hall et s’en disent satisfaits jusqu’à présent. Puis ils considéreront la prochaine étape : Kaminskyi veut étudier en informatique et Adilov voudrait devenir maître de karate.

La famille d’accueil, qui ne voulait pas être identifiée dans le journal, peut leur fournir l’essentiel grâce aux cinq contributeurs, mais la Dre Morrison voudrait que les ados puissent poursuivre des activités stimulantes pendant qu’ils sont là. Jusqu’à présent, elle dit que la communauté est généreuse : des amis oculiste, dentiste et coiffeur ont tous offerts des services gratuits aux garçons. Merna Nesbitt, ancienne résidente des condos près de l’hôpital, a fait don d’une somme reçue comme cadeau d’anniversaire.

Il y a aussi des gestes de solidarité. Des nouveaux voisins, qui habitaient autrefois Sudbury où la population ukrainienne est considérable, ont apporté des pierogis et du bortsch. «Les Canadiens sont très attentionnés et gentils,» exprime Adilov.

Ce que les garçons veulent que les gens retiennent de leur vécu, c’est que la guerre est terrible et qu’elle brise des vies. Mais surtout, ils demandent que les gens continuent à soutenir leur pays. «Croyez en l’Ukraine,» implorent-ils.

Pour ceux qui voudraient faire un don pour aider ces jeunes réfugiés, la Dre Morrison a ouvert un compte à la Banque nationale au nom de «Ukrainian Refugee Support Fund». On peut aussi faire un don par transfert électronique à [email protected] ou au site GoFundMe à la page https://www.gofundme.com/f/tow-teenage-ukrainian-immigrants

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  • Date de création 24 juin, 2022
  • Dernière mise à jour 24 juin, 2022
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