Des solutions au manque de logements abordables dans l’Est ontarien

Les logements classiques s’éloignent de plus en plus du seuil d’abordabilité. Un nouvel OBNL dans l’Est ontarien propose des solutions peu orthodoxes au manque de logements abordables. Il reste aux municipalités de collaborer.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Habitaction Prescott-Russell est un organisme à but non lucratif créé il y a deux ans par des gens d’affaires de Hawkesbury pour tenter de favoriser l’accès au logement. Coopérative d’habitations, minimaisons, maisons modulaires faites à partir de conteneur à déchets, leurs idées ne manquent pas.

Impliqué dans une panoplie de comités de la région, le président Pascal Billard a voulu apporter son engagement citoyen à un autre cran. Le président et directeur général de SOL-AIR Consultants, entreprise qui offre du coaching d’entreprises, travaille pour bâtir ou rénover des logements au prix le plus bas possible, au moment où les coûts de construction atteignent des sommets.

«On accueille des immigrants, mais il n’y a pas de logement, lance M. Billard. Tout le monde en parle, mais personne n’agit. Je suis une personne qui agit, il faut que ça bouge.»

Les idées qu’il propose sont bien perçues par les municipalités, mais il a besoin de leur aide pour pouvoir mettre en place des coopératives d’habitations ou des minimaisons par exemple. Des changements de zonage doivent être adoptés pour y construire un quartier de minimaisons.

Penser à l’extérieur de la boite

Quoiqu’il a la même forme cubique qu’une boite, le conteneur maritime est une manière assez excentrique pour se loger. Ces conteneurs sont isolés de l’intérieur et agissent comme une minimaison et coûtent moins cher. «C’est une source exceptionnelle de réutilisation», souligne Pascal Billard.

Dans un pays froid comme le nôtre, il faut cependant isoler énormément les conteneurs pour qu’ils soient habitables, relève le professeur invité de l’Université de Montréal dans la Faculté de l’aménagement, Guillaume Lessard.

«Je pourrais voir cette solution dans des pays chauds, mais dans un pays comme le nôtre, je suis plus mitigé. En plus, nous sommes excellents à recycler le métal.»

Quant aux coopératives d’habitations, elles permettent aux locataires moins nanties d’avoir accès à la propriété, grâce à une plus grande contribution des autres membres de la coopérative au départ.

«Les gens qui ont un capital moindre peuvent avoir accès à un logement, parce que ceux avec un plus grand revenu vont payer une plus grande hypothèque au départ, explique M. Lessard. À la fin, tout se balance. Les coops assurent aussi un logement abordable à long terme, parce que seule l’inflation va affecter le prix à la revente du logement. La valeur du marché n’est pas prise en compte.»

Il ajoute que le Québec est la province qui compte le plus haut taux de coopératives d’habitations en Amérique du Nord.

Habitaction croit que les coopératives d’habitation ne sont pas attirantes pour les entrepreneurs. «Il n’y a personne à Hawkesbury ou dans l’Est ontarien qui est prêt à construire pour une coop», confirme M. Billard. Il est soulagé d’avoir pu trouver un entrepreneur du Niagara pour contribuer à ce projet.

M. Lessard, qui détient un doctorat en études urbaines, mentionne pourtant qu’un contrat pour une coopérative d’habitations n’est pas différent d’une construction habituelle. «Certains sont même plus motivés en raison de l’aspect d’abordabilité et de communauté.»

La balle dans le camp des municipalités

Pascal Billard met au clair que sa mission n’est pas de construire, mais bien de rénover. Il cherche des terrains municipaux ou des bâtiments à prix raisonnable propice au réaménagement.

Après ses discussions avec les maires des municipalités, il se dit optimiste. «Les municipalités disent toutes oui au projet. Maintenant, on va voir si ce ne sont pas juste des paroles en l’air.»

Du côté de Hawkesbury, il n’y a présentement pas de terrains disponibles pour des projets de logement de la sorte, confirme le maire Robert Lefebvre.

«J’aime le concept, ce sont des acteurs locaux qui connaissent bien notre situation, rapporte le maire. Nous allons les aider le mieux qu’on peut en développant un réseau.»

Il ajoute que trois projets de logements d’envergure sont en chantier dans la ville. On ne parle cependant pas nécessairement de logements abordables.

Manque de logements pour les immigrants

En tant que communauté francophone accueillante depuis 2019, Hawkesbury se doit d’accueillir davantage d’immigrants. De 2016 à 2021, le taux d’immigration est passé de 3,2% à 5,7%.

Quand vient le temps de choisir leur nouvelle ville, les nouveaux arrivants surveillent les disponibilités des logements avant toute chose. Ils souffrent malheureusement de préjugés quand vient le temps d’accéder à un logement.

«Il y a des logements libres, mais les entrepreneurs ne veulent pas louer aux immigrants, remarque Pascal Billard. Il y a quelque temps, une dame marocaine que je connais ne trouvait pas de logement à Hawkesbury, on lui répétait qu’il n’était plus disponible. Deux semaines plus tard, l’annonce était toujours en cours. Son employeur a finalement pu acheter le logement en son nom.»

Élise Edimo remarque aussi cette situation avec les propriétaires. L’agente de liaison du Projet pilote des communautés francophones accueillantes s’occupe d’accueillir les familles immigrantes dans leur nouvelle ville. Un agent d’établissement se charge de leur trouver un logement.

«Les propriétaires sont très réticents à louer à de nouveaux arrivants, mais notre agent d’établissement a bâti une confiance avec les propriétaires. Les familles qu’ils recommandent paient leur logement», explique Mme Edimo.

Le Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario (RCIFEO), qui chapeaute le projet pilote de ville accueillante, a réussi à loger plus d’une centaine de familles à Hawkesbury. Les familles doivent contacter le RCIFEO assez tôt pour s’assurer d’avoir un toit lors de leur arrivée.

«J’ai une famille qui va arriver le 29 septembre et qui nous a contactés il y a un mois, alors nous lui avons déjà trouvé un logement. Il faut être avertis, au moins trois mois et demi», confirme Élise Edimo.

Avec les logements qui se font de plus en plus rares, elle soutient qu’il est plus ardu de trouver un domicile pour les familles immigrantes.

Pascal Billard espère pouvoir mettre en branle un projet concret le plus rapidement possible. «Si on a quelque chose de concret, il sera beaucoup plus facile par la suite de montrer notre rôle. On veut être un modèle pour l’Est ontarien.»

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Photos

Habitaction Prescott-Russell est un organisme à but non lucratif créé il y a deux ans par des gens d’affaires de Hawkesbury pour tenter de favoriser l’accès au logement. (Archives La Tribune, Maxime Picard)

Robert Lefebvre, maire de Hawkesbury. (Linkedin - Robert Lefebvre)

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  • Date de création 12 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 12 juin, 2023
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