Des œuvres contre les changements climatiques

L’art peut-il éveiller les consciences à la crise climatique? La Coalition environnementale de l’Île-du-Prince-Édouard en est persuadée. Le mercredi 12 février, l’association écologiste a invité trois artistes à parler de leurs œuvres, intimement liées à la crise environnementale.

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Marine Ernoult

Initiative de journalisme local - APF - Atlantique

Devant la soixantaine de personnes présentes ce soir-là, la réalisatrice Millefiore Clarkes a exploré l’angoisse climatique d’une mère de famille à travers son court-métrage intitulé Solastalgie. Un terme synonyme d’écoanxiété, soit une détresse psychologique causée par les changements climatiques.

Entre la hausse du thermomètre, la disparition des animaux et la fonte des glaciers, les preuves du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité s’accumulent, dégradant tant la planète que notre santé mentale.

La graine du film a germé dans la tête de l’artiste en 2017, à la sortie du documentaire Chasing Coral sur la disparition du corail dans le monde. «Quand je l’ai vu, j’ai intériorisé la crise que nous traversons au plus profond de moi, raconte Millefiore Clarkes, originaire de l’Île-du-Prince-Édouard. Plus tard, je me suis effondrée en larmes sous la douche en songeant à la perte inutile de notre Terre.»

«Parler à l’imaginaire»

Loin du champ politique, la réalisatrice a voulu faire un film «intime et poétique» qui entre en résonance avec les préoccupations du public. «J’ai pensé le court-métrage comme une sorte de thérapie», explique l’auteure. Face à la profusion de discours, elle a fait le choix de la sobriété : une alternance de scènes de la vie quotidienne et d’images d’archives sans dialogue, avec un poème de Tanya Davis en fond sonore.

«C’est la force de l’art de pouvoir toucher le plus de gens possible par-delà les langues», souligne Millefiore Clarkes. Avant d’ajouter : «Pour penser l’avenir du réchauffement climatique, il faut parler à l’imaginaire de chacun, surtout quand notre maison brûle et que les prévisions sont si incertaines.»

Robert Van Waarden utilise aussi l’image pour alerter sur la menace que représentent les changements climatiques. Mercredi soir, le photographe a présenté son projet Along the pipeline, qui date de 2015.

Durant plusieurs mois, il a parcouru les 4400 kilomètres du projet d’oléoduc Énergie Est, de l’Alberta jusqu’au Nouveau-Brunswick, multipliant les clichés des communautés risquant d’être affectées (N.D.L.R. : L’oléoduc a finalement été abandonné en 2017 par TransCanada). Robert Van Waarden croit fermement que «les images positives et valorisantes aideront à changer les mentalités et à résoudre la crise climatique».

Le photographe contribue également à Climate Visuals, une banque d’images en ligne lancée par l’organisation non gouvernementale Climate Outreach. Toutes les photos publiées sur ce site internet parlent du changement climatique, de ses causes, mais aussi de ses impacts au niveau local. L’objectif est de créer «un nouveau langage visuel plus convaincant pour contribuer à la construction d’un monde plus juste et prospère», insiste Robert Van Waarden. Il parcourt le monde à la recherche de clichés «puissants et émotionnels».

Redécouvrir son environnement proche 

Brenda Whiteway, elle, préfère explorer son bout de terre natal : l’Île-du-Prince-Édouard. «De petites choses auxquelles je me sens liée», explique l’artiste-peintre. Les plantes qui fleurissent au printemps, les plages de sable chauffées au soleil estival, les tempêtes déchaînées l’automne, la glace qui protège l’île l’hiver. «J’ai toujours eu du mal à appréhender la crise climatique, c’est trop gros, témoigne-t-elle. En redécouvrant mon environnement proche, en voyant l’érosion et la montée des eaux, j’ai enfin compris ce que cette crise signifiait.»

De cette prise de conscience est né le projet Shifting Sands. Une série de toiles, réalisées avec des pigments locaux, qui immortalise les bouleversements environnementaux à l’œuvre dans la province. Brenda Whiteway a notamment répertorié et peint les fleurs le long de la côte. «Car dans quatre-vingts ans, je ne sais pas si elles seront toujours là», s’inquiète la Prince-Édouardienne qui garde espoir : «Plein de monde se mobilise pour changer les choses. Toutes ces voix doivent être une source inspiration pour les gens.»

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Légende :

De gauche à droite : La réalisatrice Millefiore Clarkes, le photographe Robert Van Waarden et l’artiste-peintre Brenda Whiteway. (Crédit : Marine Ernoult)

 

 

 

 

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  • Date de création 14 février, 2020
  • Dernière mise à jour 14 février, 2020
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