Des défis persistants pour la petite enfance

L'accès aux services de garde francophones demeure un enjeu multifactoriel en Alberta. D'un côté, la pénurie de places en garderie se poursuit, ce qui provoque une augmentation des listes d'attente dans certaines régions de la province. Or, des éducatrices en milieu familial disent pourtant éprouver des difficultés à attirer la clientèle francophone et plaident en faveur de la création d'un registre pour orienter les parents vers leurs centres.

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Six mois après avoir publié une étude faisant le portrait de la petite enfance francophone, la Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA) s’affaire maintenant à mettre à jour ses données en utilisant le plus récent recensement de Statistique Canada qui a identifié 67 000 enfants admissibles à l’instruction en français dans la province.

Selon la directrice générale de la FPFA, cette mise à jour permettra de mettre encore mieux en évidence les disparités entre l’accès aux services de garde pour les francophones et les anglophones. «On a identifié qu’il manque encore 550 places pour qu’on arrive à la moyenne provinciale et qu’on atteigne une forme d’équivalence avec la majorité», explique Mireille Péloquin.

En outre, les besoins continuent d’être criants à Edmonton et Calgary où seulement un enfant sur sept et un enfant sur cinq respectivement bénéficient de places en garderie francophone. «Et si on fait le calcul pour les services de garde pour les douze mois à trois ans, on voit encore plus le manque de places. À travers la province, on double le nombre de communautés qui sont en besoin de garderies», ajoute la directrice générale.

Sa collègue à la FPFA, Valérie Deschênes, qui est responsable du volet de la petite enfance, estime pour sa part que le manque de places en garderie francophone est si prédominant qu’il entraîne des listes d’attente dans certains centres, un peu partout à travers la province. «Dans nos centres à nous, il y a des parents qui sont en attente chaque année», analyse-t-elle. Notons que la FPFA chapeaute une vingtaine de garderies à travers l’Alberta.

La situation est particulièrement préoccupante du côté d’Edmonton, rappelle Valérie, où les listes d’attente s’allongent à un rythme plus rapide que dans d’autres régions. «Quand on regarde du côté du CEPP Gabrielle-Roy [Centre d’expérience préscolaire et parascolaire] d’Edmonton, il y a une liste beaucoup plus longue qu’ailleurs. On a des gens qui s’inscrivent et les places se libèrent seulement quand leur enfant est déjà dans un nouveau groupe d'âge», affirme la directrice adjointe.

Des éducatrices perplexes 

Malgré la demande manifeste pour des places en service de garde en français à Calgary, Marie-Laure Nanmeni, une éducatrice qui a ouvert sa garderie Les Petits Soleils en milieu familial en août 2023 sous l'égide de la FPFA, dit éprouver des difficultés à attirer des clients francophones. «Même avec toute la publicité que j’ai faite, je n'ai toujours pas trouvé de parents francophones. J’ai l'impression que l’information ne circule pas dans la communauté», affirme-t-elle.

Pour remédier à la situation, la diplômée en éducation à la petite enfance aimerait qu’un registre soit créé et distribué dans les écoles de Calgary afin d'accroître la visibilité des services de garde qui ne sont pas directement affiliés à un établissement scolaire. «Il faut trouver un meilleur canal que celui qu'on a en ce moment pour se faire connaître. On sait qu’il manque de places, alors c’est étrange de ne pas avoir d’inscriptions. Si on distribue de l’information aux parents qui envoient déjà leurs enfants dans les écoles francophones, je pense que ça serait mieux», dit-elle.

Pour Marie-Claude Lavoie, qui opère une garderie en milieu familial à Cochrane depuis 2013, la situation est étrangement similaire. Bien qu’elle priorise les familles francophones lorsqu’elle affiche des places vacantes année après année, elle trouve rarement preneur. «La plus grosse cohorte de familles francophones que j’ai eue, c’était l’année passée. Sinon, même si je fais de la publicité, je n’ai jamais eu de liste d’attente et pas tant de demandes que ça de ce côté», explique-t-elle.

La vaste majorité de sa clientèle est donc constituée de parents anglophones qui désirent que leurs enfants apprennent le français. «Trouver de nouveaux clients, ça fonctionne beaucoup par bouche-à-oreille. Je me dis qu’avec les familles francophones que j’ai en ce moment, mon nom va peut-être commencer à circuler ailleurs que dans les écoles d’immersion», nuance cependant l’entrepreneure.

Tout comme Marie-Laure, Marie-Claude est convaincue qu’un registre distribué dans les écoles francophones de chaque région simplifierait la tâche des familles pour trouver une garderie pour leurs plus jeunes enfants et donnerait plus de visibilité aux entreprises.

Quant à elle, la directrice générale de la FPFA encourage les garderies en milieu familial qui offrent des services en français à intégrer le permis détenu par son organisme plutôt que de s'affilier avec une autre agence. Ces garderies seraient ensuite répertoriées dans l’outil de recherche Horizon mis en place par la FPFA.

«On peut appuyer jusqu’à trente milieux familiaux. Pour l'instant, on appuie six garderies, mais n’importe quel francophone qui tient une garderie peut s’associer à nous. On croit que le meilleur moyen d’accroître le nombre de places pour les francophones, c’est de développer notre réseau de garderies familiales», affirme Mireille Péloquin.

Encourager les familles à inscrire leurs enfants en français

Un travail de sensibilisation auprès des parents francophones est également nécessaire pour les encourager à inscrire leurs enfants dans des garderies où leur langue maternelle est enseignée, fait valoir Mireille Péloquin. Selon elle, plusieurs parents sont découragés par les obstacles d’accès et préfèrent envoyer leurs enfants dans le système anglophone pour s’éviter des maux de tête. «Il y en a qui sont aussi freinés par la distance qu’ils doivent parcourir pour envoyer leur enfant dans une garderie en français», note-t-elle.

Marie-Laure Nanmeni a récemment fait l’expérience de cette situation lorsqu’une famille de francophones qu’elle a rencontrée a préféré une garderie anglophone à la sienne. «Ils sont venus visiter ma garderie, mais ils trouvaient qu’elle était située trop loin de chez eux. Finalement, ils ont trouvé une place en anglais à proximité de leur maison», illustre-t-elle.

La FPFA a envoyé une demande au gouvernement provincial pour offrir une subvention supplémentaire aux parents francophones afin de les encourager à envoyer leurs enfants dans une garderie en français plutôt qu’en anglais.

Une deuxième demande a également été envoyée pour offrir une prime aux éducateurs dans les garderies dans le but «d’attirer et d’encourager la main-d'œuvre francophone à travailler dans notre communauté», ajoute Mireille Péloquin.

  • Nombre de fichiers 5
  • Date de création 23 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 23 septembre, 2023
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