Des centaines d’enseignants non certifiés au Nouveau-Brunswick

La pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de l’éducation a obligé plusieurs districts scolaires du Nouveau-Brunswick à se tourner vers du personnel non certifié pour faire de l’enseignement dans les écoles de la province.

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Bobby Therrien

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

Du côté francophone, seul le District scolaire du Nord-Ouest nous a fourni une réponse dans un délai raisonnable.

La responsable des relations stratégiques du DSFNO, Julie Poulin, a confirmé que le district compte actuellement six détenteurs d’un permis local qui enseignent à temps plein sur environ 380 enseignants.

Un permis local est une permission décernée à une personne qui n’a pas de diplôme en éducation, mais qui a été sélectionnée selon des critères établis par l’employeur. Normalement, leur mandat est de remplacer un enseignant qui doit s’absenter, mais plusieurs auront un rôle plus important en 2023-2024.

Selon Mme Poulin, les six personnes retenues avaient les qualifications et/ou l’expérience nécessaire dans les domaines qu’ils enseignent.

«Leurs contrats sont pour une période de six mois à la fois, selon les exigences de la convention collective», a ajouté Julie Poulin.

De plus, les enseignants ayant un permis local sont suivis par une équipe d’accompagnement du DSFNO, à l’instar des enseignants novices certifiés.

Dans le système scolaire anglophone, plus de 375 personnes ont obtenu un permis local d’enseignement.

La directrice des communications du District scolaire anglophone Ouest, Jennifer Read, confirme qu’il y a actuellement 31 enseignants titulaires d’un permis local affectés à 17 écoles.

«Il existe une procédure structurée de candidature et d’embauche dans le cadre de laquelle les diplômes et la vérification du casier judiciaire doivent être fournis et examinés. Il s’agit d’un processus sanctionné par le système d’éducation du Nouveau-Brunswick.»

«Les personnes acceptées ne sont pas admissibles à un poste d’enseignant permanent et ne sont pas engagées pour plus d’un an à la fois. Les enseignants titulaires d’un permis local sont pris en considération après que des tentatives d’embauche d’un enseignant certifié ont été faites sans succès», a expliqué Mme Read.

Dans le District scolaire anglophone Sud, il y a 137 permis locaux disponibles sur la liste de suppléance.

Selon la directrice des communications du district, Jessica Hanlon, aucun n’est employé à temps plein, mais 19 d’entre eux ont été embauchés pour une bonne partie de l’année scolaire.

«Nous n’engageons des enseignants titulaires d’un permis local que si le nombre d’enseignants certifiés est insuffisant pour combler nos absences ou si aucun enseignant certifié ne postule pour un rôle.»

Pour ce qui est du District scolaire anglophone Est, il compte 129 enseignants titulaires d’un permis local.

Selon sa directrice des communications, Stephanie Patterson, ceux-ci doivent, au minimum, être détenteurs d’un diplôme universitaire de quatre ans.

Comme ils font partie de la liste d’enseignants suppléants du district scolaire, ils suivent le même processus d’embauche qu’un suppléant. Ils ne peuvent prétendre à un poste d’enseignant à temps plein, mais ils peuvent tout de même occuper des postes d’enseignant suppléant à long terme.

Au sein du District scolaire anglophone Nord, 79 personnes ont obtenu un permis local d’enseignement.

Des inquiétudes du côté de l’AEFNB

La présidente de l’Association des enseignantes et enseignants francophones du Nouveau-Brunswick, Stéphanie Babineau, n’a pas caché son inquiétude face à cette situation. Le souhait de l’AEFNB est évidemment que tous les postes d’enseignants soient certifiés.

Mme Babineau estime qu’environ 1000 personnes non brevetées ont joué un rôle dans les écoles du Nouveau-Brunswick, l’an dernier, afin d’éviter des fermetures de classes notamment.

«Ce qui est inquiétant, c’est que ces personnes non certifiées n’auraient pas eu des suppléances à long terme ou des contrats d’une durée assez importante.»

D’après Mme Babineau, bien des gens de la communauté ne semblent pas savoir que ce ne sont pas toutes les classes qui ont une personne brevetée en éducation

«Souvent, je vais entendre des parents dire qu’il n’y a pas de pénurie, parce que leur enfant a un enseignant en classe, sans vraiment réaliser que ce n’est pas nécessairement un enseignant formé (…) Ce qui est inquiétant, c’est que les gens semblent accepter que l’on puisse avoir des personnes qui ne sont pas certifiées pour des périodes de plus en plus longues en salle de classe.»

Même si elle dit apprécier l’aide qu’apporte ce type d’employés dans les écoles, il ne s’agit pas, selon elle, d’une solution pour contrer la pénurie d’enseignants.

Bien qu’une personne non brevetée puisse posséder certaines connaissances utiles en salle de classe, il existe, selon la présidente de l’AEFNB, des différences fondamentales si on la compare à un enseignant certifié. Ces différences sont accentuées lorsque le suppléant doit gérer une classe sur une plus longue période.

«Il faut comprendre que ce sont des gens qui n’ont pas de formation pédagogique, qui n’ont peut-être pas développé des habiletés d’animation, de gestion de classe, de gestion des comportements, etc. Ça peut créer un stress additionnel dans l’école, que ce soit du côté de la direction, des mentors en gestion de comportement et d’autres enseignants qui chercheront à combler ce manque.»

Mme Babineau a également mentionné que l’association allait se pencher sur la pratique d’embauche de stagiaires à des postes d’enseignants titulaires avant même qu’ils aient terminé leurs études.

«Si on est au point de sortir des étudiants universitaires, qui n’ont pas encore terminé leur formation, pour leur donner des postes, c’est certain que la problématique existe encore. On n’aurait jamais imaginé avoir recours à des choses comme ça si la situation était en santé (…) On sera très attentif pour nous assurer que ces personnes seront bien encadrées.»

Francine Landry, députée de Madawaska-les-Lacs-Edmundston et porte-parole de l’opposition en matière d’éducation, souhaite que le ministère fasse plus d’efforts dans le recrutement de futurs enseignants.

«J’espère que l’utilisation d’enseignants non brevetés sera une mesure temporaire à très court terme.»

Radio-Canada a récemment dévoilé que dans la province voisine du Québec, plus de 7300 enseignants n’avaient pas de brevet ou de permis probatoire. Cette compétition qui se dessine entre le Nouveau-Brunswick et d’autres provinces canadiennes inquiète la députée libérale.

«On a de la compétition avec les autres provinces du Canada qui veulent venir chercher nos finissants. Nos étudiants francophones sont aussi recrutés partout où il y a des programmes d’immersion française. Il faut travailler sur plusieurs fronts pour les retenir chez nous.»

Des solutions en vue?

Stéphanie Babineau dit comprendre le dilemme que vivent les districts scolaires qui doivent souvent agir par manque de choix. Elle croit toutefois qu’il existe des solutions à l’horizon afin de permettre d’atténuer cette problématique.

Il existe, entre autres, la possibilité pour des gens qui ont déjà un baccalauréat, et qui veulent étudier à temps partiel pendant trois ans à l’Université de Moncton, d’obtenir un diplôme en éducation primaire.

«On a un devoir, comme société, de chercher à  trouver des moyens d’encourager les gens à faire carrière en éducation. Lorsque l’on remet continuellement en question les professionnels de l’éducation et qu’on dévalorise la profession, on se tire dans le pied (…) Ça devient un cercle vicieux.»

La signature de la nouvelle convention collective entre les enseignants et le gouvernement du Nouveau-Brunswick – qui comprend une hausse de salaire de 15% sur cinq ans – pourrait aussi permettre d’améliorer la situation, même s’il ne s’agit pas d’une stratégie de recrutement en soi, estime Stéphanie Babineau.

Du côté francophone, une journée de réflexion avec les divers partenaires en éducation sera organisée en novembre. L’objectif sera de trouver des solutions réalistes à la pénurie.

«Ce sont des solutions qui vont se dérouler sur une période de cinq à 10 ans probablement, parce qu’un bac en éducation prend normalement cinq ans. On veut combler nos besoins aujourd’hui, mais on veut aussi s’assurer que l’on a une relève.»

 

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  • Date de création 5 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 5 octobre, 2023
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