Des aînés s’inquiètent de l’augmentation de la fraude dans la province

Soixante et onze pour cent des Canadiens craignent d’avoir plus de difficulté à repérer les signes de fraude en vieillissant. Pour répondre à cette inquiétude grandissante et prévenir de potentiels actes criminels, l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA) a organisé une série d’ateliers en collaboration avec la Fédération des aînés franco-albertains (FAFA) dans quelques villes albertaines. La rencontre la plus récente se déroulait sous forme de webinaire le 24 mars dernier. 

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Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

En 2022, pas moins de 530 millions de dollars ont été dérobés aux Canadiens par des fraudeurs, une augmentation de près de 40% par rapport aux pertes records enregistrées l’année précédente, dévoilait le Centre antifraude du Canada, en février 2023. Cette tendance à la hausse est notamment due à l’instabilité économique qui a cours au pays depuis la pandémie et qui a forcé des citoyens «à se tourner vers la fraude pour combler leurs besoins financiers», affirme Me Jennifer Smith, qui pratique à Cold Lake.

Ce n’est pas étonnant, aussi, que les aînés craignent d’en être la cible. En effet, la «technologie évolue rapidement» et les techniques d’escroquerie deviennent de plus en plus «astucieuses», confie l’animatrice de l’atelier. Entre l’hameçonnage, l’escroquerie informatique, la fraude dite des grands-parents et les autres techniques qui se multiplient, il peut s’avérer complexe d’y voir clair.

La prévention est de mise pour éviter de se faire prendre au piège, mentionne la directrice générale de l’AJEFA, Denise Lavallée. Elle espère que les ateliers offerts à Bonnyville, St-Isidore, Calgary et Edmonton, qui ont été financés par le gouvernement du Canada, auront permis de «sensibiliser les Albertains aux risques auxquels ils s’exposent avec la technologie». Même son de cloche du côté de Jennifer Smith, qui estime que la population albertaine, sans tomber dans la peur, doit être plus méfiante.

«L’hameçonnage, j’en vois de plus en plus dans la communauté. C’est quand on reçoit des messages courriel ou des textos qui imitent ceux d’entités gouvernementales ou de certaines banques», affirme l’avocate. Comme ces messages proviennent d’organismes de confiance, la population a moins tendance à se méfier. On leur demandera alors «de partager leurs informations bancaires ou de faire un paiement pour de l’impôt non payé». Or, l’Agence du revenu du Canada ne demande jamais de partager ce type de renseignements sensibles par courriel ou texto.

Des fraudes qui ciblent les aînés

L’escroquerie informatique, elle aussi, est très fréquente et risque de prendre pour cible des aînés peu accoutumés aux nouvelles technologies. Certains participants de l’atelier ont d’ailleurs partagé avoir déjà été victimes d’appels frauduleux d’informaticiens les prévenant que leur ordinateur était infecté par un virus. Les fraudeurs cherchent ensuite à vendre leur «remède miracle», un (faux) antivirus très dispendieux. «Ils font bien ça parce qu’on a vraiment l’impression qu’on parle à une personne du soutien technique, ils nous rassurent», raconte Maria Vigneault, la coordonnatrice de projets juridiques de l’AJEFA.

Pour éviter de se faire prendre, dit Jennifer Smith, il faut faire preuve de jugement et garder en tête que le soutien technique «n’appelle pas chez les gens sans qu’on lui ait demandé». Seuls les appels que «vous initiez» sont légitimes, rappelle-t-elle. Et en cas de doute, mieux vaut se rendre chez un détaillant Apple ou au Best Buy à proximité avec l’appareil défectueux.

En Alberta, comme ailleurs au pays, l’arnaque des grands-parents a aussi fait un nombre grandissant de victimes au cours des dernières années. En 2022, pas moins de 1,1 million de dollars ont été subtilisés à la population par l’entremise de cette fraude.

Lors de cette arnaque, un fraudeur se fait passer pour un membre de la famille d’une personne âgée (souvent un petit-enfant) et affirme se trouver en situation de détresse. Par exemple, le fraudeur pourrait dire qu’il se trouve en prison et qu’il a besoin d’argent pour payer sa caution. Certains escrocs iront jusqu’à se faire passer pour un représentant des forces de l’ordre.

Les aînés «en début de démence», qui n’ont pas nécessairement des liens étroits avec leur famille ou les réflexes assez aiguisés pour «d’abord faire un suivi auprès des autorités», iront jusqu’à dépenser plusieurs milliers de dollars pour aider leurs petits-enfants.

D’autant plus que ce type d’arnaque joue à la fois sur leur vulnérabilité et sur leur désir d’entrer en relation avec autrui. «C’est une corde sensible. Les personnes âgées s’ennuient et là, on les appelle et on fait semblant qu’on a besoin d’eux», s’indigne l’avocate.

Aiguiser ses réflexes 

Si personne n’est à l’abri d’une fraude financière, les 18 à 34 ans auraient d’ailleurs deux fois plus de risques de se faire frauder que les 55 ans et plus, certaines astuces peuvent réduire les risques de tomber dans un piège. Pour éviter l'hameçonnage, et ce, peu importe la génération, il importe de vérifier la légitimité des adresses des courriels à la réception d’un message qui nous demande de partager des renseignements personnels.

Et lorsqu’il semble frauduleux, mieux vaut s’abstenir de cliquer sur les liens qui y sont attachés. En général, ce genre de courriel comptera des erreurs grammaticales. «Si un message est mal écrit et tout croche, ça veut dire que c’est croche», ironise l’avocate.

Dans le cas où un citoyen recevrait l’appel d’une personne potentiellement malveillante, la marche à suivre est de poser beaucoup de questions. En règle générale, les fraudeurs ne souhaitent pas s’éterniser lors d’un appel et passeront rapidement vers une cible moins méfiante. «Si on pose des questions, le fraudeur va trouver ça compliqué. Eux, ce qu’ils cherchent, c’est quelqu’un qui tombe dans leur piège vite et facilement», analyse Jennifer Smith.

Peu de dénonciations

Selon le Centre antifraude du Canada, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, la hausse des pertes financières qui a été enregistrée en 2022 ne serait pas alignée à une hausse des signalements. En effet, des statistiques démontrent que seulement 5 à 10% des personnes signalent les fraudes dont ils sont victimes.

Une collaboration avec le Centre national de coordination contre la cybercriminalité devrait permettre l’élaboration d’un nouveau système national qui facilitera le signalement de fraudes par le public en 2023-2024.

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 31 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 31 mars, 2023
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