Dernier adieu à Viola Léger : « Merci, éternelle Viola ! »

Fusionnant simplicité et solennité, les funérailles de la comédienne Viola Léger ont été célébrées en la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption mardi 7 février. La défunte sera inhumée le printemps prochain au cimetière de Barachois.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

  

La famille de sang, la famille de cœur, la famille artistique et, plus largement, la grande famille acadienne, se sont rassemblées dans la cathédrale de Moncton pour dire « merci » à Viola Léger. Si la nef n’était pas pleine à craquer, c’est peut-être parce que certains ont préféré suivre la retransmission télévisée qu’assurait en direct Radio-Canada, non seulement en Acadie mais partout au Canada. Les voix qui réclamaient un hommage national, auquel la famille Léger a préféré une cérémonie tout à la fois intime et communautaire, y ont peut-être vu l’exaucement de leur prière.

La Sagouine n’avait pas les moyens de s’offrir un banc d’église. Sa plus célèbre interprète a reçu les derniers honneurs dans l’enceinte du Monument de la reconnaissance acadienne ; c’est un privilège qui est réservé aux grands personnages. D’une durée de presque deux heures, la célébration fut un savant mélange de décorum civil et religieux. Le sénateur René Cormier officiait à titre de maître des cérémonies, tandis que l’archevêque de Moncton présidait la messe de funérailles à laquelle participaient un grand nombre de prêtres auxiliaires. Les chants étaient interprétés par la chorale des Jeunes chanteurs d’Acadie.

« Elle possédait une présence unique et incomparable, se souvient René Cormier. Tant dans la vie que sur la scène, elle avait le talent remarquable d’être dans le moment présent, comme si rien d’autre n’existait que cet instant pendant lequel elle s’adressait à vous en vous regardant droit dans les yeux avec son regard perçant et lumineux. Un regard lucide, bienveillant et poétique. »

« Ensemble, merci et oui »

Sœur Agnès Léger, de la Congrégation des religieuses de Notre-Dame-du-Sacré-Cœur, dont Viola Léger fit elle-même partie en sa jeunesse, a évoqué sa sœur en dévoilant les trois mots qui l’illustraient. « Ensemble », car elle partageait son succès ; « merci », en signe de gratitude pour n’importe quel service ou délicatesse ; et « oui », car elle disait avoir répondu à un appel.

Viola Léger a vécu plusieurs vies en neuf décennies : une vie spirituelle, puis d’enseignante, de comédienne et, l’espace d’un quinquennat, de sénatrice. Du milieu culturel au monde politique, elle a marqué l’imaginaire collectif. Généreuse et soucieuse d’autrui, elle s’intéressait aux questions sociales et à la culture autochtone. Éveilleuse de talents, elle a couvé la relève en créant une fondation en 1999.

Au nom de Gilles Beaulieu, président de la Fondation Viola-Léger, la vice-présidente Diane Albert-Ouellette a rappelé à l’assistance de quelle façon celle qui était devenue comédienne sur le tard voulait laisser un legs aux prochaines générations. Submergée par l’émotion, elle a marqué un temps de pause avant de chanter un couplet en hommage à celle qui fut « son mentor, son coach de vie et son étoile ».

« Dans mon cœur, Madame Léger sera toujours cette personne au sourire accueillant, soit celui d’une mère envers ses enfants. Dans ce monde virtuel marqué de multiples transformations sociales, elle ne cessait de nous rappeler sa croyance en la personne humaine. »

L’âme acadienne renaît sans cesse

Dans son homélie, Mgr Valéry Vienneau a évoqué une anecdote personnelle et révélatrice de ce qu’était Viola Léger : une femme simple et proche des gens. Celle-ci avait été marquée par une interprétation de l’Ave Maria en 2004, à Caraquet. Elle avait alors dit au père Serge Comeau, présent dans l’assemblée des prêtres, que les deux moments les plus importants de la vie étaient « maintenant » et « l’heure de notre mort ».

« Comme Viola, sachons vivre le maintenant avec intensité et amour dans le service des autres, et ce maintenant nous prépare à l’heure de notre mort », a prôné l’archevêque.

Avant que ne retentisse l’hymne national de l’Acadie, le sénateur Cormier a repris la parole pour donner lecture d’un extrait de discours que prononça Viola Léger à la fin de son mandat de sénatrice.

« L’âme acadienne naît et renaît sans cesse. Elle nous intrigue, nous séduit, nous émeut, nous fait rire, nous fait parfois pleurer. Elle nous fait voyager dans le temps et dans l’espace. Les arts, c’est l’âme d’un peuple. Sans arts, il n’y a pas d’identité et sans identité, un peuple n’existe pas. La culture acadienne aura été l’un des instruments les plus efficaces pour assurer le devenir du peuple acadien. »

Reposez en paix, madame Léger, et merci, merci, merci.

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Photos

Titre : Merci

Légende : Le chandail qui exprimait la gratitude de Viola Léger envers son public.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Arrivée

Légende : L’arrivée du cercueil et des sœurs de Viola Léger à la cathédrale.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Titre : Âme acadienne

Légende : Le drapeau de l’Acadie et le visage de celle qui a donné ses traits à l’âme d’un peuple.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

L’hommage d’Antonine Maillet et du Pays de la Sagouine

(D.D.)

Lorsqu’il apprit le décès de Viola Léger, le maire de Grand-Bouctouche fit mettre les drapeaux en berne. Mardi matin, le carillon de l’église du « grand petit havre » a sonné le glas à 10h20. Le maire de Caraquet, Bernard Thériault, a roulé plus de trois heures de bon matin pour être présent à la cérémonie. Soulignant que la comédienne incarnait une Acadie plurielle, il avait aussi l’impression qu’elle s’est servie de la scène de Caraquet comme tremplin pour ses autres rôles en dehors du personnage de la Sagouine.

Cependant, c’est bien évidemment le rôle qui l’a propulsée sur les planches qui lui demeurera attachée pour toujours. Présente par vidéo et manifestement en très grande forme, Antonine Maillet a révélé que l’interprétation de Viola Léger en Sagouine était si magistrale que les grandes comédiennes françaises, Madeleine Robinson et Madeleine Renaud, lui ont avoué qu’elles auraient bien voulu jouer le rôle mais n’ont pas osé le faire après avoir vu Viola.

« Tu as incarné l’Acadie. Ce n’était pas celle de la Déportation mais la plus humble, l’Acadie des gens d’en bas qui ont marqué l’histoire de Bouctouche. Un peuple qui existe réellement et que tu as fait accéder à l’universalité. Si tu ne lui avais pas donné ce visage, cette âme, ce cœur-là, ce n’est pas sûr que le livre aurait eu le succès qu’il a eu », a-t-elle dit avec reconnaissance.

La gratitude est aussi le sentiment qu’a exprimé la co-directrice du Pays de la Sagouine. Monique Poirier a dit que l’on y sentait partout la présence de Viola Léger, qui a fait bénéficier les autres comédiens de son immense talent. Que ce soit sur l’île-aux-puces ou sur la scène du restaurant qui désormais porte son nom, son esprit veillera toujours sur « le Pays ».

« Quand on se réfère à l’âme du Pays, dit Monique, c’est à Viola qu’on pense. Elle nous a appris la magie qui existe quand on plonge corps et âme dans le moment, la magie qui existe dans les mots, les éclats de rire et le silence. (…) Viola, merci. Merci, merci. »

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  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 8 février, 2023
  • Dernière mise à jour 8 février, 2023
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