Député francophone dans les Maritimes: éviter de froisser la majorité

Les parlementaires francophones dans les Maritimes doivent souvent adoucir leurs positions. Ils évoluent sur une ligne de crête pour ne pas s’aliéner une partie de l’électorat anglophone.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle - Atl

 «En tant qu’élu provincial, on doit être prudent et pas trop militant, car on a aussi le défi de donner de l’importance aux deux communautés linguistiques et de répondre à leurs besoins», observe Benoît Bourque, dont la circonscription néo-brunswickoise de Kent-Sud compte une minorité anglophone relativement importante.

L’élu met en garde contre une certaine perception qui voudrait que le parti libéral soit le parti des Acadiens et le parti progressiste-conservateur celui des anglophones, «sinon ça n’augure rien de bon pour le pouvoir des francophones».

Camille H. Thériault abonde dans le même sens. «Ce n’est pas noir ou blanc, je ne prenais pas des décisions pour les francophones et d’autres pour les anglophones, je les prenais pour l’ensemble des Néo-Brunswickois.»

«C’est plus facile d’être militant quand on représente une circonscription intégralement francophone, mais tous les députés ont à cœur de défendre les droits linguistiques. C’est juste que certains font leur travail de manière moins publique», ajoute-t-il.

Kevin Arseneau, dont la circonscription de Kent-Nord abrite notamment la plus grande communauté autochtone du Nouveau-Brunswick, partage ce devoir de représenter tous les citoyens.

Néanmoins, l’écologiste refuse de renoncer à certains combats pour gagner des votes des anglophones. «Je ne veux pas laisser partir une partie de mon identité dans des calculs politiques.»

Un mandat particulier

À l’Île-du-Prince-Édouard, l’Acadien Gilles Arsenault a été élu député progressiste-conservateur de la circonscription d’Évangéline-Miscouche lors des élections provinciales d’avril.

Le politologue Gabriel Arsenault explique que le rôle de ce député comporte un mandat particulier, reconnu par la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la province.

«Il n’est pas seulement le député d’Évangéline-Miscouche, c’est aussi le député des Acadiens de l’île», affirme le professeur à l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton.

En Nouvelle-Écosse, il existe depuis 1992 des circonscriptions dites protégées. Cette notion unique au Canada permet de faire correspondre les contours d’une circonscription avec la localisation d’une communauté ethnolinguistique. La province en compte actuellement trois pour les communautés acadiennes d’Argyle, Clare et Richmond.

«Le rôle de députés comme Ronnie Leblanc est formellement de parler au nom des minorités acadiennes et francophones», explique Gabriel Arsenault.

Au Nouveau-Brunswick, il n’existe pas de dispositif similaire. La fibre francophone des députés dépend de la démographie électorale de leur circonscription.

Gabriel Arsenault prend l’exemple du ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la Gouvernance locale Daniel Allain. «Il refuse d’endosser le rôle de représentant de l’Acadie au sein du caucus conservateur, car sa circonscription est seulement à 50 % francophone.»

Aux yeux du politologue, il ne faut toutefois pas douter du travail mené en coulisse par ces députés pour modérer les positions les plus incendiaires du premier ministre Blaine Higgs.

Nous avons tenté, sans succès, d’obtenir des commentaires de Daniel Allain.

L’importance de la présence francophone

Alexandre Cédric Doucet, président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, estime que les francophones de sa province sont aujourd’hui moins bien représentés que par le passé. «C’est la première fois qu’un parti politique gagne un gouvernement majoritaire au Nouveau-Brunswick sans appui des Acadiens», constate-t-il.

«En tant que minorité, les Acadiens devraient se positionner stratégiquement dans tous les partis afin d’avoir des leviers d’action et d’influencer les décisions», poursuit le responsable.

Au-delà de la représentation politique, le président de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Kenneth Deveau, insiste également sur l’importance d’asseoir la présence d’Acadiens au sein des administrations qui travaillent en amont de la fabrique de la loi, loin des projecteurs de l’Assemblée législative.

«Dans notre province, on est de plus en plus fort, mais on doit continuer à lutter pour maintenir nos circonscriptions protégées», observe Kenneth Deveau.

La FANE réclame notamment la création d’une quatrième circonscription protégée pour la communauté acadienne de Chéticamp, située sur l’île du Cap-Breton.

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 Photos

Légende : Camille Thériault, ancien premier ministre néo-brunswickois.

Crédit : Archives – Acadie Nouvelle

 

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  • Date de création 20 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 19 novembre, 2023
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