Demandeurs d’asile: Cornwall perd des millions

En logeant des centaines de demandeurs d’asile dans ses hôtels, la Ville de Cornwall joue son rôle de communauté accueillante plus que jamais. Si bien qu’elle risque de perdre gros en revenus touristiques et municipaux.

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Charles Fontaine et Émilie Gouegon-Pelletier

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Depuis août 2022, la Ville de Cornwall, qui partage une frontière avec les États-Unis, a accueilli 1400 migrants.

Deux hôtels, le Ramada et le DEV Hotel, sont entièrement dédiés à l’accueil des demandeurs d’asile, ce qui engendre un manque criant de chambres à travers cette ville de l’Est ontarien.

Raymond Lavergne l’a appris à ses dépens, à l’automne dernier, lorsqu’il a voulu organiser un grand événement de course d’autos au Cornwall Motor Speedway.

Faute de places disponibles dans les hôtels de la municipalité, M. Lavergne et son groupe de passionnés d’automobiles ont dû trouver des alternatives pour cet événement qui devait durer trois jours.

«On s’est organisés, les gens ont réservé ailleurs, plus loin», dit-il.

Le maire Justin Towndale rapporte que parmi les 1000 chambres d’hôtels que la ville possède, 500 sont occupées par les demandeurs d’asile.

L’industrie du tourisme de la municipalité estime ses pertes à 2,8 millions entre août 2022 et février 2023.

Outre l’industrie du tourisme, on parle de dépenses municipales qui ont atteint les 2,3 millions, dont 1,9 million uniquement pour les services sociaux au cours de la même période.

Événements annulés

«Nous sommes conscients que ça va affecter les restaurants, parce qu’il y aura moins de gens de l’extérieur, vu qu’il y aura moins d’événements. Je sais que le Ramada a dû annuler des mariages et que des organisateurs d’événement ont dû changer de ville. Nous pouvons nous arranger, mais ça rend les choses plus difficiles», énonce M. Towndale.

En septembre 2022, la Conférence municipale de l’est de l’Ontario (OEMC), qui constitue la conférence annuelle la plus populaire regroupant les municipalités de la région, a dû être transférée de Cornwall à Kingston en raison du manque d’hébergement disponible.

Les très populaires Glengarry Highland Games, une série de compétitions qui se déroulent à Maxville, à une trentaine de minutes de Cornwall, accueille des milliers de personnes chaque année.

L’été dernier, plusieurs participants ont eu beaucoup de difficulté à se trouver un lit.

Le Shorty Jenkins Classic est une compétition de curling de calibre international qui aura lieu en ville en septembre prochain. Le maire s’inquiète à nouveau de la capacité de la ville à héberger la foule venue d’ailleurs et les curleurs.

Au Complex Civic de Cornwall, le plus gros centre de la ville, l’impact se fait aussi ressentir. «Il y a un impact sur toute l’industrie des conférences et du tourisme, mentionne la coordonnatrice de la location des installations, Janice Robinson. C’est très difficile. On a dû fermer en raison de la pandémie et maintenant c’est difficile d’attirer des gens vu qu’il est difficile de trouver une chambre d’hôtel. Des locations de salles et des rencontres de Noël ont dû être annulées.»

Gros impacts financiers à court terme

Malgré tous les coûts additionnels que la ville doit absorber à court terme, le maire Towndale assure que la Ville veut aider cette population migrante et lui offrir les services dont elle a besoin.

N’empêche, il dit que Cornwall n’a tout simplement pas le budget pour cet imprévu. «Les services de santé sont préoccupés, car ils n’ont pas le budget pour avoir plus de personnes à traiter, souligne-t-il. Le fédéral nous a dit au début qu’il allait nous rembourser en un temps, à un moment imprévu. Nous nous sommes finalement entendus pour un remboursement au fur et à mesure, mais nous n’avons pas plus de détails. La moitié des ressources humaines de la ville sont maintenant concentrées sur ce dossier. Nous avons dû faire revenir des gens à la retraite pour nous aider.»

Justin Towndale révèle que le manque de communication avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) est le problème qui le préoccupe le plus actuellement.

«On veut que IRCC communique avec les services et la communauté directement. Ce n’est pas la responsabilité de la municipalité de transférer leurs messages et de coordonner tous les services sur le terrain, nous ne sommes pas équipés pour ça.»

Le conseiller municipal Fred Ngoundjo ajoute que Cornwall «est une communauté chaleureuse et accueillante» et que ses résidents sont «très contents de les recevoir».

«Ceci dit, nous aimerions travailler de manière plus efficace avec les parties prenantes du projet, comme (IRCC). On aimerait créer une synergie pour que l’accueil soit optimal.»

Fred Ngoundjo a proposé une motion pour que le ministère de l’IRCC rencontre le conseil municipal, afin qu’il soit conscient des problèmes qui planent au-dessus de la ville et que les services soient mieux coordonnés.

Selon M. Ngoundjo, la situation évolue dans le bon sens entre les deux parties.

Positif pour le futur

Même si l’industrie du tourisme de la ville perd des plumes pour l’instant, le maire voit un avenir positif. Cette population migrante représente une main-d’œuvre importante et contribue à l’économie, estime-t-il.

«Il y a des avantages à ce que les gens viennent s’installer ici. Ils vont contribuer à l’économie. Certains ont déjà rejoint des entreprises. L’IRCC va travailler pour joindre les travailleurs à des entreprises qui ont besoin de leurs compétences. Pour l’instant, nous sommes serrés financièrement, mais on est gagnant à long terme.»

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Photos

La Ville de Cornwall perd des millions en tourisme en raison des migrants qui s’y installent.

Le maire de Cornwall, Justin Towndale (Charles Fontaine, Le Droit)

Fred Ngoundjo, conseiller municipal à Cornwall (Charles Fontaine, Le Droit)

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  • Date de création 13 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 13 mars, 2023
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