De l’originalité  dans votre tasse de thé !

Un homme s’est un jour demandé si les méduses étaient comestibles. Comme la prolifération des méduses est en croissance, cela permettrait de remédier au problème, s’était-il dit. Et puis un jour cet homme a transposé cette volonté de contribuer au développement durable dans la transformation des noyaux d’avocat en thé.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Jacob Sugarman, d’Ottawa, un écolo de 30 ans qui n’a pas d’expérience en affaires mais plutôt en construction, a lancé AVO Initiative au printemps 2020.

Avec l’aide de ses proches, il a récolté les noyaux d’avocats d’une poignée de restaurants du centre-ville et a entrepris de fabriquer du thé à partir de cette matière qui se retrouverait autrement à la poubelle ou au compost. À ces flocons d’avocat séché, sont ajoutées différentes saveurs fruitées. Sans quoi le thé aurait de la difficulté à conquérir la majorité des palettes.

«Au début, c’est amer et un peu dégoûtant. Il faut enlever l’amertume dans la peau. Seul, ça goûte comme un léger thé vert, sans caféine», explique-t-il.

Le natif de Dunrobin avertit dès le début de l’entrevue qu’il ne dévoilera pas la manière dont il transforme les noyaux d’avocats en thé. Comme il cherche à breveter son procédé, il désire garder sa recette secrète avant que son entreprise s’envole pour de bon.

Le fondateur se concentre pour le moment à une tâche : que l’entreprise soit connue et profitable. Son objectif est de pouvoir investir une partie des profits dans une organisation environnementale qui aide à la décarbonisation de l’énergie et à la régénération des sols.

Acheter un de ses sacs est en quelque sorte un vote environnemental.

Vocation environnementale

Revenons aux méduses. Lorsqu’il a découvert que les grandes populations de méduses dans l’océan sont liées à une perturbation de l’écosystème marin, Sugarman a voulu leur trouver une utilité dans le monde humain. «Comme elles sont comestibles, on pourrait les mélanger à la viande hachée, ou même l’utiliser comme fertilisant dans les sols», pensait-il. Il s’est finalement résigné à ce que ce projet ne puisse se réaliser. Cette recherche part d’une valeur environnementale ancrée en lui. Le but est de contribuer au développement durable d’une quelconque manière.

Lorsqu’il a vu par hasard, dans un hôpital, un étranger boire du thé d’une teinte ocre, il a été intrigué. «C’était du thé fait à base de noyaux d’avocat, je n’avais jamais vu ça avant. Tout s’est illuminé dans ma tête.»

Ce sera sa manière de contribuer à la durabilité d’une matière première.

«Le but de l’initiative est d’amasser de l’argent pour l’énergie renouvelable, explique-t-il. La technologie est disponible, mais il manque de financement. Le but est de décarboner toutes les industries pour qu’on arrête de polluer.»

Pour l’instant, il contribue à petite échelle au développement durable en donnant une nouvelle vie au noyau d’avocat de certains restaurants d’Ottawa, comme Corazon De Maiz, Green Rebel, Pure Kitchen et Ahora.

«Je ne pouvais pas y croire, s’exclame-t-il. Je leur ai offert de l’argent, mais ils voulaient me les donner. Ça s’engendre dans l’économie circulaire. Sans ces gens nous n’existons pas.»

«C’est une très bonne idée, nous sommes heureux de l’aider, dit l’un des gérants du restaurant mexicain Corazon de Maiz, Erick Igari. On utilise des avocats tous les jours, alors ce n’est pas une perte.»

Le restaurant a d’ailleurs vendu tous les sacs de thé que Sugarman leur avait donnés.

Un risque à prendre

Même si le thé aux feuilles d’avocats connaît une certaine popularité, il y a peu ou pas de thé fait à base de noyau de ce fruit sur le marché.

Lors de ses recherches, l’homme de 30 ans est tombé sur plusieurs articles disant que le noyau d’avocat serait toxique. Cependant, aucune recherche n’appuie ces propos. C’est donc avec une certaine crainte qu’il a goûté à ses premiers essais, sans danger. «Je bois ce thé depuis quatre ans et je suis en bon état», affirme-t-il.

Aucune étude ne démontre réellement les bienfaits du noyau de ce fruit et de la peau qui l’entoure, mais elle contiendrait beaucoup d’agents phytochimiques et pourrait lutter contre le diabète, l’hypoglycémie ainsi que le l’hypocholestérolémie.

Ses huit variétés de thé sans caféine ou presque sont le mélange d’une proportion différente d’avocats et de saveurs comme hibiscus et lavande ou mangue et cerise. Un sac peut atteindre jusqu’à 70 % de noyau d’avocat râpé.

Lorsqu’on goûte pour la première fois à ce thé à la teinte orangée, le goût surprend. En bouche, la saveur ajoutée ne prend pas une grande place. Elle sert plutôt à balancer l’amertume de l’avocat. On sent tout d’abord le gras de l’avocat, mélangé aux arômes fruités. Le petit goût amer rappelant la chair d’avocat collé à sa peau vient râper légèrement le palais en final.

Profit avant investissement

Les thés d’AVO Initiative sont vendus en ligne pour le moment. Le tout est présenté dans un emballage biodégradable. Jacob Sugarman se promène aussi dans les marchés locaux de la région. Ce projet qu’il mène depuis trois ans constitue un deuxième emploi à temps plein pour lui.

Jusqu’à maintenant, il est satisfait de la réception de la population face à ce nouveau produit.

«Je suis impressionné par le nombre de gens qui ont acheté notre thé. Quand j’ai commencé, j’étais très incertain. Avec le thé sans saveur, les avis étaient mitigés. En ajoutant plus de goût, les gens aimaient vraiment ça.»

«En tant qu’entrepreneur, quand tu as une idée, tu veux que les gens aiment ça, ajoute-t-il. J’avais peur de faillir alors j’étais très soulagé quand les gens revenaient pour acheter du thé.»

Si ses affaires prennent de l’ampleur, il croit pouvoir investir dans le développement durable d’ici deux ans. Il veut d’abord se concentrer dans une organisation locale comme la Coopérative d’énergie renouvelable d’Ottawa (OREC).

«Le but est d’avoir une équipe de recherche pour trouver dans quelle organisation investir, vise-t-il. Une grande partie de ce projet est d’éduquer le public sur les enjeux environnementaux.»

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Photos

Jacob Sugarman, fondateur d'AVO Initiative (Patrick Woodbury/Le Droit)

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  • Date de création 15 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 15 juin, 2023
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