Coups de coeurs estivaux: ces lieux de mémoire moins connus

Les gens sont familiers avec bien des lieux historiques en Acadie. Grand-Pré, le Fort Beauséjour, le Village historique acadien ou le Fortin du Petit-Sault ne sont que quelques exemples de lieux qui sont présentés dans les brochures touristiques. Plus ou moins dans l’ombre, il existe des lieux de mémoire qui racontent aussi des histoires importantes.

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Bobby Therrien

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle

 

L’historienne Nicole Lang s’est intéressée, il y a quelques années, à des lieux de mémoire qui nécessitent parfois aux visiteurs de sortir des sentiers battus. Dans ce cas-ci, ils ont plutôt un lien avec l’histoire ouvrière.

Dans l’ouvrage Labour Landmarks in New Brunswick / Lieux historiques ouvriers au Nouveau-Brunswick, Mme Lang et son collègue David Frank ont répertorié une cinquantaine d’endroits traitant de l’histoire ouvrière dans la province.

De manière générale, la recherche de Mme Lang et de ses collaborateurs a mené au constat que beaucoup de lieux de mémoire ont été érigés dans des cimetières, près des églises ou des édifices municipaux.

«Quand on pense au cimetière, on va penser qu’il s’agit d’un lieu où sont enterrés nos proches. (…) Dans certains d’entre eux, on peut trouver des choses qui nous en font apprendre davantage sur nos communautés.»

D’après Mme Lang, beaucoup de lieux de mémoire servent à commémorer une tragédie. On en retrouve quelques-uns au Nouveau-Brunswick.

Par exemple, dans la région de Saint-Quentin, il existe des monuments en l’honneur de travailleurs forestiers décédés. À Upsalquitch, situé entre Kedgwick et Campbellton, il y en a un autre près d’une ancienne voie ferrée qui commémore un accident de train ayant causé la mort de plusieurs cheminots. À Maltempec, il en existe un en mémoire de quatre enfants et leur mère décédés dans un grave incendie en 1924.

D’autres endroits moins fréquentés mettent aussi l’accent sur l’apport des femmes dans l’histoire. À Saint-Quentin, Nicole Lang fait mention d’un monument, tout près de l’hôpital Hôtel-Dieu Saint-Joseph, érigé en l’honneur des religieuses hospitalières de Saint-Joseph, car elles ont travaillé à la fondation du premier hôpital de la communauté en plus d’y travailler comme infirmières.

Même s’il a été difficile pour elle de mettre l’accent sur quelques endroits en particulier, Mme Lang a été en mesure de dresser une petite liste de lieux qui méritent d’être découverts ou même redécouverts en Acadie.

Fresque des Draveurs à Saint-Léonard

Dans un premier temps, Mme Lang invite les gens qui se sont de passage dans les environs de Saint-Léonard à découvrir la fresque peinte par l’artiste Clarence Bourgoin qui se trouve à l’entrée du site du Rendez-vous des artistes.

Celle-ci représente le travail des draveurs qui poussaient le bois sur les rivières à l’époque.

«L’industrie forestière est au cœur de l’histoire de Saint-Léonard. Cette œuvre d’art là est un rappel de l’histoire de la communauté.»

Cimetière de Saint-Basile

Bien qu’elle reconnaisse qu’une balade dans les cimetières n’est pas ce qui attire le plus les touristes, il y en a qui possèdent des trésors historiques bien cachés. Celui de Saint-Basile, à Edmundston, renferme un monument qui rend hommage aux fondateurs de la paroisse qui est considérée comme le berceau du Madawaska.

En marchant un peu plus loin, il y a une série de petites croix blanches avec le nom des familles fondatrices.

«Le cas de Saint-Basile est intéressant, car on en apprend beaucoup sur des personnes qui sont arrivées au 18e siècle.»

Mémorial des pêcheurs de Lamèque

Dans la Péninsule acadienne, il existe un monument, en plein cimetière de Lamèque, en mémoire de la tragédie maritime de 1900 qui a coûté la vie à 37 pêcheurs. Une vingtaine de victimes de ce drame étaient originaires de la grande région de Shippagan et composaient les équipages de quatre goélettes.

«C’est à la suite d’une conférence que j’ai donnée à Shippagan que des gens sont venus me parler de ce monument que je ne connaissais pas (…) Le monument est assez imposant et quand tu es devant, tu peux voir la mer derrière ce qui rend l’expérience particulière.»

Le Monument aux pêcheurs d’Escuminac

Pour Nicole Lang, ce monument est sans aucun doute l’un des plus impressionnants de l’histoire ouvrière au Nouveau-Brunswick et sans doute le plus connu. Il commémore l’un des pires désastres jamais survenus en milieu de travail dans l’histoire de la province.

Cette catastrophe a eu lieu en 1959, lorsque 35 pêcheurs ont disparu dans une violente tempête. Le monument, réalisé par le sculpteur Claude Roussel d’Edmundston, se trouve au quai d’Escuminac, situé à l’entrée de la baie de Miramichi.

Les figures représentées n’incarnent aucun individu particulier, mais représentent plutôt un groupe de pêcheurs munis de leur habit de travail et de leurs filets, prêts à affronter la mer pour pratiquer leur métier. Des plaques, sur lesquelles sont inscrits les noms des pêcheurs décédés lors de cette tragédie, font aussi partie du monument.

Monuments pour honorer les pompiers et policiers

Dans le Grand Moncton, des exemples de lieux de mémoire intéressants, selon Nicole Lang, sont les monuments en l’honneur des pompiers et des policiers. À Moncton, le monument en l’honneur des trois agents de la GRC tués en service en 2014 en est un. À Dieppe, le monument de la Brigade d’incendie souligne la contribution de tous ses pompiers décédés, tant professionnels que volontaires, qui ont exercé leurs fonctions dans la collectivité pendant cinq ans ou plus.

Pour sa part, Philippe Basque, historien au Village historique acadien, a lui aussi dressé une liste de certains monuments qui passent souvent sous le radar.

Monument à l’habitation Nicolas Denys et à la mission St-Charles à Petit-Shippagan

Géré par Parcs Canada, ce monument est connu jusqu’à un certain point, estime M. Basque. Il met en relief l’histoire de Nicolas Denys, jeune marchand de La Rochelle, qui s’est embarqué pour l’Acadie en 1632 et qui a passé les 40 années suivantes à tenter de faire croître la colonie.

«C’est tout de même un personnage important dans l’histoire, il a été gouverneur d’une partie de l’Acadie, il a eu de grandes seigneuries et des postes de traite de fourrure au Cap-Breton.»

Le monument a été installé en 1977.

«C’est un monument significatif, car ça représente probablement l’une des plus vieilles choses de l’histoire de la Nouvelle-France, dans le Nord-Est du moins.»

Monument d’Isidore Robichaud au cimetière d’Inkerman

C’est à la suite de travaux que des sépultures acadiennes, autochtones et irlandaises ont été découvertes et ensuite placées dans une fosse commune qui fait partie du cimetière d’Inkerman aujourd’hui. On peut y retrouver une grosse croix sur laquelle se trouve une plaque commémorative en l’honneur du pionnier Isidore Robichaud.

«Il est important puisqu’il est né dans le Grand Dérangement et il sera le premier Acadien à s’établir dans cette région», a mentionné M. Basque.

Statue du père LaFrance

Selon Philippe Basque, les Acadiens ne sont pas réputés pour ériger des statues en l’honneur de leurs personnages historiques. Celui du premier curé résident de Tracadie, l’abbé François-Xavier LaFrance est donc quelque chose de rare.

«On en trouve partout au Canada et ailleurs dans le monde, mais en Acadie, on n’est pas très statue. Il y en a quelques-unes, mais celle du père LaFrance est l’une des plus vieilles (érigée en 1962). Il est le prêtre fondateur de la paroisse de Tracadie et va arriver en 1842. C’est lui qui va notamment faire venir les lépreux, prisonniers d’une île déserte dans la baie de Miramichi, à Tracadie.»

«Il va aussi fonder l’un des premiers collèges acadiens qui va devenir le Collège Saint-Joseph puis l’Université de Moncton.»

Monument à Jean-Baptiste Robichaud à Pointe-Brûlée (Shippagan)

Né en 1754, Jean-Baptiste Robichaud, a vécu le Grand Dérangement et il va revenir s’établir quelques années plus tard en Gaspésie. Il va traverser la baie des Chaleurs et devenir l’un des fondateurs de Shippagan.

Comme il était propriétaire d’un moulin à moudre le grain, on retrouve, sur le grand monument de pierre en sa mémoire, une reproduction de la meule servant à écraser le grain.

«C’est assez loin de la grande route, alors si tu veux aller voir ce monument, il faut vraiment explorer.»

Monument du retour des Acadiens à Caraquet (Sainte-Anne du Bocage)

Même s’il rapporte à un moment important de l’histoire acadienne, le monument en tant que tel est facile à rater ce qui fait en sorte que plusieurs gens l’oublient, estime Philippe Basque.

«Quand tu passes l’arche à Sainte-Anne du Bocage, il est plus à gauche. Il faut prendre le temps de se stationner et de marcher dans ce secteur. Honnêtement, je le changerais de place.»

«Il explique la déportation et le fait que les Acadiens se sont réfugiés à Caraquet en 1754 ou en 1755. Alexis Landry, avec son groupe, s’est réfugié là. Il va se promener un peu et va y retourner en permanence presque 20 ans après.»

Prendre le temps d’explorer

Selon Nicole Lang, un lieu de mémoire se manifeste de façon très large et certains éléments peuvent passer inaperçus si les gens ne prennent pas le temps de découvrir le lieu qu’ils visitent, au-delà des sites historiques populaires.

«Ce qui est intéressant, lorsque l’on visite une communauté, c’est de prendre la peine d’aller se promener, de marcher dans la communauté et d’aller dans les cimetières, près des églises, le long des quais, car on y retrouve souvent des lieux de mémoire. Il y en a quand même beaucoup en Acadie», a indiqué Mme Lang.

Selon Philippe Basque, comme il n’existe pas beaucoup de promotion en lien avec les lieux de mémoire qu’il a énumérés, il faut vraiment que les visiteurs aient un intérêt à en apprendre davantage au sujet de l’histoire de l’Acadie.

«Il y a des endroits qui sont beaux et plus visibles ce qui fait qu’automatiquement, on va arrêter pour aller voir le monument. Il y a aussi des monuments qui datent de plusieurs années, alors les gens qui les ont mis en place sont soit morts ou les oublient. Il y en a d’autres qui demandent de sortir des sentiers battus.»

 

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Photos

Légende : Monument à Jean-Baptiste Robichaud

Crédit : - Gracieuseté

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 22 août, 2023
  • Dernière mise à jour 22 août, 2023
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