Contre les violences sexuelles, du théâtre interactif dans les écoles françaises

La compagnie Sheatre a fait le tour de cinq des six écoles francophones de la province pour présenter la pièce de théâtre Loin du cœur aux élèves de la 7e à la 12e année. Le spectacle participatif invite les jeunes à monter sur scène pour réfléchir aux questions de consentement et de violences sexuelles.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

 

 

 

Dans l’amphithéâtre, des murmures et des exclamations embarrassées parcourent les rangs des élèves de 7e et 8e années de l’École François-Buote, à Charlottetown. Regards gênés, mains sur les visages, une certaine fébrilité est palpable.

Les adolescents assistent à la pièce de théâtre Loin du cœur qui aborde les questions de sexisme, de consentement, de violences conjugales et sexuelles. La représentation est proposée pour la première fois en français par la compagnie artistique ontarienne Sheatre.

«C’est une répétition pour la réalité, les élèves revivent des situations communes qui arrivent tous les jours, mais, ici, c’est en sécurité avec des personnes-ressources dans la salle», explique Rebecca Parent, productrice et metteuse en scène.

Sur les planches, des comédiens professionnels incarnent quatre adolescents, deux filles et deux garçons, qui se préparent pour une soirée et discutent de sexe. À partir de là, les situations problématiques s’enchaînent jusqu’au viol d’une des jeunes filles.

Libérer la parole

Vient ensuite la seconde partie interactive : le théâtre-forum. Rebecca Parent prévient les adolescents qu’eux aussi devront jouer. Ils vont revoir chaque scène et devront crier «arrête» lorsqu’un comportement ou un mot les rend inconfortables.

Celui ou celle qui met un coup d’arrêt à l’histoire doit alors im-proviser sur scène avec les acteurs professionnels pour modifier le cours des événements.

«On n’est pas à la recherche de la bonne ou de la mauvaise réponse. On n’est pas là pour juger, on est là pour aider les jeunes à avoir des conversations sur ces sujets», souligne Rebecca Parent.

D’abord déstabilisée, la salle adhère et devient rapidement captivée. Des bras se lèvent pour suspendre un dialogue durant lequel les spectateurs entendent l’un des deux garçons dire «je me taperai ça» en parlant d’une jeune femme.

Quelques minutes plus tard, Ella Bouchard, en 7e année, monte sur scène pour affronter l’un des personnages jaloux qui violente psychologiquement et physiquement sa compagne. Cheveux noirs, regard noir, l’élève lui jette : «Arrête de crier, c’est du mental abuse, ce n’est pas de l’amour!»

Les applaudissements tombent, nourris, puis la discussion s’engage. Rebecca Parent joue l’intermédiaire. La metteuse en scène revient sur les notions de contrôle, de manipulation et de respect mutuel. Elle fait réagir les spectateurs, les oblige à chercher de nouveaux arguments.

«Les enfants de cet âge ne comprennent pas forcément les subtilités, mais ils ont surpassé mes attentes, se félicite Olivier Blais, l’un des comédiens. Ils étaient enthousiastes et prêts à participer, leurs idées s’alignaient avec les thèmes que l’on voulait aborder.»

Un sujet sensible

Une fois la représentation terminée, les élèves participent à des échanges en salle de classe. Dans les couloirs, ils sont nombreux à saluer une activité qui a permis d’aborder des sujets délicats, souvent mis sous le tapis.

«Leur objectif c’était de nous rendre très inconfortables, mais ça fait du bien. On a besoin d’être capables d’en parler pour être mieux préparés», partage Elizabeth Bylhouwer.

«C’est vraiment important d’en parler. Si on dit non, c’est non, c’est le respect du consentement! renchérit Ella Bouchard. Les agressions, ça arrive beaucoup et ça ne devrait pas!»

Un avis que partage également Maya Barrière : «On préfère ignorer le sujet, mais il ne faut pas avoir peur d’en parler pour savoir quoi faire si ça t’arrive, pour savoir donner ton consentement.»

Les adolescentes regrettent par ailleurs le manque de discussions sur le sujet avec les garçons.

«Pour la plupart, c’est correct, ils ne font pas exprès, il y a un environnement de discrimination contre les filles, on devrait avoir plus de pouvoirs», souligne Maya Barrière.

À leur côté, Adrien Campbell Olivier considère que la pièce de théâtre était «importante pour montrer ce que les jeunes personnes, les vieilles aussi, ne devraient pas faire aux personnes qu’elles aiment.»

«Il faut être toujours respectueux, gentils et ne jamais arrêter la conversation», ajoute-t-il.

Créée en 2006, existant également en anglais, Loin du cœur s’est déjà jouée en Ontario et en Saskatchewan, principalement dans les communautés rurales.

 

 

 

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Photos

 

Loin du cœur est une pièce de théâtre forum qui parle de sexisme, de consentement, de violences conjugales et sexuelles.  (Photo : Marine Ernoult)

 

Rebecca Parent est la productrice, metteuse en scène et facilitatrice de la pièce de théâtre-forum «Loin du cœur».  (Photo : Marine Ernoult)

 

Olivier Blais est l’un des quatre comédiens professionnels qui joue dans la pièce «Loin du cœur». Il s’est dit agréablement surpris par la maturité des élèves.  (Photo : Marine Ernoult)

 

De gauche à droite : Remi Adeyanju, Elizabeth Bylhouwer, Maya Barrière, Ella Bouchard, Sophie Doucette, Adrien Campbell Olivier et Olivier Arseneault.  (Photo : Marine Ernoult)

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  • Date de création 16 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 16 octobre, 2023
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