Comment le «Convoi de la liberté» a-t-il gagné du terrain à Ottawa?

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

Le Service de police d’Ottawa aurait pu réduire la zone d’occupation du «Convoi de la liberté» après le premier week-end, mais il a plutôt permis aux manifestants de s’installer plus profondément dans les rues résidentielles de la capitale fédérale.

Les forces policières se disaient avant l’arrivée du convoi qu’en s’assurant que les camionneurs se stationnent tous sur la rue Wellington, la sécurité des résidents du centre-ville ne serait pas compromise et qu’elles pourraient consacrer leurs ressources à une seule zone. Mais la réalité fût tout autre.

Aujourd’hui, l’inspecteur du Service de police d’Ottawa (SPO) Russell Lucas constate qu’en n’obligeant pas les camionneurs à se déplacer plus près du Parlement après la première fin de semaine de manifestation comme c’était initialement prévu, les policiers ont dû affronter «une inondation avec des sacs de sable».

L’inspecteur Lucas a déclaré à la Commission sur l’état d’urgence qu’il s’inquiétait qu’une attaque similaire à celle du 6 janvier au Capitole de Washington survienne à Ottawa, mais qu’il ne croyait pas que la présence des camionneurs devant la colline du Parlement posait un risque.

Lucas savait depuis le 26 janvier que certains des manifestants avaient l’intention de prendre la Colline d’assaut, mais que beaucoup de ces informations propagées dans les médias sociaux n’étaient pas nécessairement véridiques

Selon lui, lors du premier vendredi, le 28 janvier, les choses étaient plutôt «en ordre» et les camionneurs se dirigeaient vers les espaces que les autorités avaient désignés; soit la rue Wellington et la promenade Sir-John-A.-MacDonald.

Mais quand les camionneurs provenant de l’Ouest canadien sont arrivés, les choses ont commencé à dégénérer.

Selon le témoignage de l’inspecteur Lucas, ces camionneurs disaient ne pas avoir de place dans ces endroits désignés et se dirigeaient vers les rues résidentielles.

C’est à ce moment-là que les services policiers ont dû commencer à se concentrer sur la sécurité publique, plutôt que sur le contrôle de la circulation. 

Négociations

L’inspecteur du SPO dit que l’impact sur la communauté a toujours fait partie des considérations de la police, et qu’il était important d’essayer de détourner les camions-remorques des zones résidentielles.

«C’était impossible que personne ne soit affecté par la situation», a-t-il souligné.

Tout au long de l’occupation, bon nombre de résidents ont dénoncé l’attitude sympathisante des policiers à l’égard des manifestants. Bon nombre d’entre eux, par exemple, ont semblé faciliter le déplacement de bidon d’essence en plein centre-ville. D’autres se sont fait prendre en photo avec des manifestants. Selon l’inspecteur Lucas, il s’agissait là d’une stratégie délibérée pour tenter de maintenir la paix. Il concède néanmoins que cela pouvait donner l’impression que les policiers appuyaient le «Convoi de la liberté».

Il a notamment martelé que ces tactiques visaient à éviter les débordements.

Lorsque la possibilité de négocier avec les manifestants pour qu’ils se déplacent sur Wellington a été évoquée, une directive provenant de la chaîne de commandement de la police a rapidement fait avorter la démarche.

Lucas dit avoir été informé que cette directive venait du chef de police Peter Sloly.

Rappelons que lors de son témoignage devant la Commission sur l’état d’urgence, la semaine dernière, la cheffe adjointe de la police d’Ottawa Trish Ferguson a fait savoir que la possibilité de négocier avec les manifestants avait fait l'objet de désaccords entre elle et M. Sloly. 

Elle croyait qu’il fallait le faire contrairement à M. Sloly qui refusait de céder quoi que ce soit aux manifestants.

La version de M. Lucas donnée mardi corrobore d’ailleurs les dires de Mme Ferguson.

Finalement, ce ne sera que le 14 février, 18 jours après leur arrivée, que des camionneurs ont commencé à quitter les quartiers résidentiels et à se déplacer vers le Parlement, à la suite d’un accord entre la Ville d’Ottawa et des organisateurs du convoi. 

C’est aussi le 14 février que le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, pour mettre fin à l’occupation. 

Cette loi exceptionnelle adoptée en 1988, et qui n’avait jamais été utilisée auparavant, prévoit qu’une enquête publique se penche sur les circonstances ayant mené à son recours.

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  • Date de création 26 octobre, 2022
  • Dernière mise à jour 26 octobre, 2022
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