Comment définir le patrimoine acadien?

Selon la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, un patrimoine acadien est l’ensemble de «tout objet ou élément culturel, matériel ou immatériel, faisant partie de l’héritage commun du peuple acadien». Or, déterminer ce qui est ou n'est pas du patrimoine, ce n'est pas forcément une tâche facile. 

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Dossier spécial : Le patrimoine acadien - 1re partie

Au tournant de l’an 2000, la communauté internationale a élargi la définition du patrimoine pour inclure les biens culturels immatériels. C’est en 2003 que l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a mis sur pied une convention pour sauvegarder ce type de patrimoine, qui est «en perpétuel risque de disparition».

Depuis lors, une nouvelle littérature critique est née et la définition du patrimoine s’est élargie pour sortir des musées et des centres d’archives.

«Le patrimoine, c’est pas quelque chose qui est ontologique à des objets, des pratiques, des bâtiments. C’est une relation qui se construit entre des communautés et des éléments matériels ou immatériels de leur environnement, explique Laurent Dambre-Sauvage, chercheur postdoctoral au Centre de recherche sur la ruralité, à l’Université de Moncton.

Selon Matthias Duc, directeur du Centre acadien de l’Université Sainte-Anne, le patrimoine est à la fois culturel, sous forme de récits, de poésie, de folklore, etc., et sociologique, par les mots utilisés, la façon de parler et les dialectes, par exemple. Il regroupe l’héritage, la mémoire vivante et les manifestations culturelles d’hier, mais aussi d'aujourd'hui.

Dans le secteur muséal, la valeur patrimoniale est très importante pour décider si un artefact sera inclus dans une collection. Mais ce n’est pas n’importe quel objet qui reçoit l’étiquette.

Par exemple, au Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson de l’Université de Moncton, un travail littéraire d’un auteur francophone ne garantirait pas une place dans les archives, mais un livre de contes d’une compagnie qui a eu une influence positive sur l’économie d’une région serait pris en considération, nuance l’assistante archiviste du Centre, Erika Basque.

«Ça va dans l’évaluation, mais c’est assez vague, souligne-t-elle, pis c’est quelque chose qui évolue toujours.»

Ce qui est construit

Aucun objet n’est intrinsèquement patrimonial, mais il peut le devenir. Laurent Dambre-Sauvage illustre ce concept en utilisant un crayon. « [Il] n’est pas patrimonial en soi, mais si par exemple je développe un discours pour dire que ce crayon a appartenu à Winston Churchill, eh bien, d’un coup, ce discours fait que ce crayon a une valeur historique particulière», élabore le chercheur.

C’est un discours qui a longtemps été fabriqué par des experts, souvent des fonctionnaires, des historiens de l’art, des employés de l'État ou les leadeurs d’une nation, etc.

L’apport des études critiques, fait remarquer le chercheur, a permis de déconstruire le discours dominant «pour valoriser également le discours que portent les communautés sur leur propre patrimoine», et ce, en incluant la perspective des citoyens concernés.

«Ce sont les gens eux-mêmes qui vont accorder une certaine importance à des pratiques comme la râpure, certaines danses, le conte, renchérit Clint Bruce, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales et ancien directeur du Centre acadien de Sainte-Anne. Mais, je crois aussi que les chercheurs et chercheures peuvent jouer un rôle en aidant à valoriser ce qui a peut-être été dévalorisé et perdu de vue.»

Selon Dambre-Sauvage, le patrimoine acadien est particulier, car il est minoritaire. Il possède des éléments relatifs au vernaculaire, c’est-à-dire l’ensemble des caractéristiques d'une culture locale, populaire et nondominante. Souvent méprisé par la majorité, il faut constamment lutter contre la destruction pour la préserver.

Mais il rappelle que l’héritage et le patrimoine ne vont pas toujours de pair. «Le patrimoine, c’est pas un rapport qu’on a avec des choses du passé. C’est un rapport qu’on a avec des choses du passé, mais qu’on veut projeter dans l’avenir, dit-il. Ça parle plus au présent et à l’avenir.»

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  • Date de création 8 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 8 avril, 2024
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