Climat toxique à l’Université de l’Î.-P.-É. : un rapport «dévastateur»

À la suite d’un rapport cinglant dénonçant un environnement de travail malsain et toxique à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, plusieurs responsables de l’établissement postsecondaire ont quitté leurs fonctions. Ces départs restent insuffisants aux yeux du syndicat des professeurs.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

 

 

 

Le président du conseil d’administration de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Pat Sinnott, a démissionné une semaine après la publication d’un rapport critiquant sévèrement l’établissement.

Le rapport, rédigé par la firme d’avocats Rubin Thomlinson de Toronto, dénonce des cas de harcèlement sexuel, de misogynie, de racisme et d’intimation subis par des employés et des étudiants au cours des dix dernières années.

Ces comportements seraient le fait de professeurs, de membres du personnel et d’étudiants contre d’autres camarades de classe. Les avocats qualifient ces problèmes de «désastreux».

Le document conclut que l’université «n’a pas réussi à créer un environnement sécuritaire, respectueux et positif pour le travail et l’apprentissage de tous les membres de sa communauté».

29 ententes de confidentialité

«Si mon fils me demandait aujourd’hui si UPEI est un établissement qu’il devrait envisager, j’aurais du mal à le recommander», a déclaré le Premier ministre Dennis King lors d’une séance à l’Assemblée législative, jeudi 15 juin. La province investit plus de 50 millions de dollars par an dans l’Université de l’Î.-P.-É.

Margot Rejskind, directrice du syndicat des professeurs de l’Université de l’Î.-P.-É., qualifie, elle, le rapport d’«écœurant» : «Je n’ai pas été surprise, je connaissais déjà beaucoup des histoires. Mais, c’est difficile à lire, ça m’a fait l’effet d’un tsunami.»

Dans une lettre adressée au conseil d’administration de l’Université, le syndicat qualifie également le rapport de «dévastateur» : «[il] documente clairement une culture permanente d’intimidation et de harcèlement, de racisme et de misogynie, ainsi qu’une peur généralisée des représailles.»

Comment un tel environnement toxique a t-il pu perdurer si longtemps? Margot Rejskind met en cause la signature de 29 ententes de confidentialité.

Ces accords empêchent les victimes de harcèlement de rendre certaines informations publiques, en échange de concessions, comme des sommes d’argent.

Remplacer tous les membres du conseil d’administration

«Tout est secret, les victimes n’ont plus aucune façon de parler, se désole la responsable syndicale. L’université était prête à dépenser des sommes d’argent importantes pour protéger ceux qui étaient accusés d’abus, il y avait un vrai sentiment d’impunité.»

Les auteurs du rapport préconisent de remplacer tous les membres actuels du conseil d’administration à la fin de leur mandat, soit mai 2024.

Pat Sinnott, président du conseil depuis le 1er juin 2015, et Andrew Bartlett, un autre membre de longue date, ont d’ores et déjà démissionné. Ils étaient les deux seuls membres du conseil déjà présents de 2013 à 2015.

C’est à cette période que deux femmes ont fait part d’allégations de harcèlement sexuel contre l’ancien recteur de l’Université de l’Î.-P.-É., Alaa Abd-El-Aziz.

«C’est un bon premier pas, mais il reste beaucoup à faire, on ne sait pas exactement qui savait quoi au sein de l’administration», insiste Margot Rejskind.

Compétence de l’ombudsman élargie

«On doit nommer des dirigeants crédibles, capables de conduire l’Université sur la voie du changement», poursuit-elle. Il y a maintenant sept sièges vacants au conseil, composé de 26 individus.

Margot Rejskind évoque par ailleurs la mise en congé administratif de Jackie Podger, vice-présidente des finances et de l’administration de l’Université.

«Le rapport ne contient aucune allégation la concernant. On ne sait pas pourquoi elle a été mise de côté, c’est toujours aussi trouble, regrette-t-elle. On doit mieux comprendre ce qu’il s’est passé, on ne peut pas juste tourner la page.»

Dans la foulée de la parution du rapport, l’Assemblée législative de l’Î.-P.-É. a également adopté une loi, élargissant la compétence de l’ombudsman provincial aux établissements d’enseignement postsecondaires.

Autrement dit, le médiateur indépendant a dorénavant le pouvoir d’enquêter sur les décisions, les recommandations et les actes de l’Université de l’Î.-P.-É.

 

 

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Photos

 

Margot Rejskind est directrice du syndicat des professeurs de l’Université de l’Î.-P.-É.  (Photo : Gracieuseté)

 

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  • Date de création 27 juin, 2023
  • Dernière mise à jour 27 juin, 2023
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