Climat : les tempêtes ravagent aussi les esprits

Les tempêtes comme Fiona et Dorian altèrent aussi la santé mentale des Insulaires et le tissu social au sein des communautés. La préparation des autorités et des acteurs de terrain est essentielle pour éviter l’apparition de troubles psychologiques graves au sein de la population.

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Marine Ernoult

IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

 

 

 

Un an après le passage dévastateur de la tempête post-tropicale Fiona, l’Île-du-Prince-Édouard craignait d’affronter la tempête Lee, qui n’a finalement pas été désastreuse. Ces événements climatiques extrêmes ont des impacts bien réels sur le bien-être et la santé mentale des Insulaires.

«Quand les gens pensent à ces catastrophes naturelles, ils pensent d’abord aux effets sur l’environnement, l’économie et la santé physique», analyse Anne-Sophie Gousse-Lessard, professeure en psychologie sociale et environnementale à l’Université du Québec à Montréal.

«Bien que ce soit moins documenté, on dispose maintenant de preuves convaincantes qu’il y a des effets sur la santé mentale sur le long terme», poursuit-elle.

Selon les individus, les impacts psychologiques sont variables, de l’anxiété passagère à la dépression en passant par le syndrome de stress post-traumatique. Ce même syndrome qui affecte certaines victimes d’attentats ou de guerre.

«Ce trouble, très complexe à diagnostiquer, peut toucher des personnes qui ont eu peur pour leur vie et celles de leurs proches, qui ont subi des dégâts importants dans leur maison», explique Geneviève Belleville, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval.

Importance du soutien social

Les symptômes se traduisent généralement par des souvenirs répétitifs de l’épisode traumatique, une augmentation de l’anxiété, des troubles du sommeil, des cauchemars, de l’hyperactivité, ou encore une altération de l’humeur.

Certains insulaires peuvent carrément être victimes de stress pré-traumatique. «Si l’on vit des catastrophes à répétition, il y a un effet d’accumulation, rapporte Geneviève Belleville. On craint par anticipation les catastrophes qui peuvent nous tomber dessus avec le sentiment que les menaces se rapprochent dans le temps et dans l’espace.»

Anne-Sophie Gousse-Lessard évoque de son côté une hausse possible de la consommation d’alcool et de drogues suite à ces bouleversements climatiques.

«Dans le cocon familial, il peut aussi y avoir plus de violence conjugale et de maltraitance, des cas de séparation qui accentuent l’isolement», ajoute-t-elle.

Certains groupes sont particulièrement vulnérables. C’est notamment le cas des femmes, des enfants, des personnes âgées et des minorités ethniques. Les populations aux ressources limitées sont également affectées de façon disproportionnée.

«Les personnes pauvres, celles qui sont déjà marginalisées, sont plus fragiles. Au contraire, celles qui bénéficient d’un bon soutien social de la famille et des voisins, sont mieux protégées et se remettent souvent mieux», confirme Anne-Sophie Gousse-Lessard.

Accompagnement post catastrophe 

La chercheuse relève également des conséquences plus pernicieuses sur la communauté : «Après une catastrophe naturelle, on observe parfois un affaiblissement du tissu social, l’émergence de comportements violents si la nourriture vient à manquer par exemple.»

Pour limiter les impacts néfastes sur la santé mentale, les spécialistes insistent sur la nécessité d’un accompagnement post catastrophe.

«Dans les mois qui suivent, les autorités et les acteurs de terrain doivent essayer de recréer du lien, de renforcer l’entraide, de proposer des lieux où les personnes se sentent en sécurité et peuvent échanger», détaille Anne-Sophie Gousse-Lessard.

Avec la multiplication des évènements climatiques extrêmes liée au réchauffement climatique, la préparation est également essentielle. Geneviève Belleville parle de sensibilisation aux enjeux de santé mentale, de formations aux premiers soins psychologiques, de consolidation des tissus associatifs.

«Il s’agit de favoriser la résilience, de mieux préparer les communautés à faire face, note-t-elle. Des individus bien outillés peuvent aller mieux après une catastrophe, car ils ont su adapter leur mode de vie et redéfinir leurs valeurs.»

 

 

 

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Photos

 

Anne-Sophie Gousse-Lessard est professeure en psychologie sociale et environnementale à l’Université du Québec à Montréal. (Photo : Gracieuseté)

 

Geneviève Belleville est professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval.  (Photo : Gracieuseté)

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  • Date de création 19 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 19 septembre, 2023
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