ChatGPT s’immisce dans les salles de classe albertaines

Le robot conversationnel ChatGPT fait des vagues à l'échelle mondiale depuis son introduction sur le marché en novembre 2022. À New York, l’utilisation de ce logiciel a été proscrit sur tous les appareils et réseaux des écoles publiques. De leur côté, les établissements scolaires francophones albertains semblent pencher vers une approche plus inclusive, entre réflexion pédagogique et adaptation du milieu scolaire.

_____________________________

Gabrielle Audet-Michaud

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

Les inquiétudes face à ChatGPT sont multiples, allant de l’ordre du plagiat à la propagation de contenus non véridiques. Après tout, cet outil d’intelligence artificielle a la capacité de générer des réponses à toutes sortes de questions, de traduire des textes et même d’en rédiger. En quelques clics, les élèves qui s’en servent peuvent obtenir des réponses à leurs devoirs et produire des dissertations complètes sans avoir à mobiliser leurs connaissances personnelles ou à effectuer la moindre recherche.

Face à ces menaces, la communauté universitaire et les autorités scolaires du Canada peinent encore à trouver un consensus. D’un côté, l'Université de Montréal a choisi de proscrire l'utilisation de ChatGPT au sein de son institution pour prévenir le plagiat. En revanche, d’autres établissements cherchent plutôt à étudier comment le domaine de l’éducation peut s’adapter à l’intelligence artificielle en l’intégrant de manière éthique dans les salles de classe.

En Alberta, les deux plus grands conseils scolaires francophones en sont précisément à cette étape d’analyse afin d’adopter la meilleure approche possible face à ce nouvel outil technologique. Au FrancoSud, aucune directive officielle n’a encore été émise concernant ChatGPT, note le coordonnateur des communications, Antoine Bégin. «Nous sommes encore à analyser la situation avec nos directions d'école et notre équipe pédagogique», explique-t-il.

Bannir n’est pas la bonne solution

La situation est similaire au sein du Centre-Nord (CSCN) qui prévoit de réunir un comité d’enseignants et de pédagogues pour réfléchir à la question cet automne. «On est encore en train d’apprivoiser tout cela. Notre comité pourrait probablement proposer différentes stratégies au niveau pédagogique pour faire face à ChatGPT», analyse le directeur général du CSCN, Robert Lessard.

Toutefois, il indique déjà ne pas avoir l'intention d’interdire l’usage du logiciel aux élèves. «Par expérience, on n'a jamais eu beaucoup de succès à restreindre les nouvelles technologies. Il faut apprendre à composer avec. Ça pourrait passer par encadrer son utilisation et adapter nos méthodes d’évaluation», ajoute-t-il.

Cette hypothèse est également soutenue par Ollivier Dyens, professeur au Département des littératures de langue française, de traduction et de création (DLTC) de l'Université McGill et fondateur du laboratoire d'innovation Building 21 à Montréal. Selon lui, les établissements scolaires auraient intérêt à s'adapter à l'intelligence artificielle comme le préconise le CSCN plutôt que de proscrire son utilisation.

«Le regroupement des meilleures universités de recherche en Angleterre a publié une déclaration officielle, il y a un mois, qui dit que l’on doit absolument enseigner l’intelligence artificielle aux élèves. Moi, je ne le bannirais absolument pas des écoles. On doit aider les étudiants à comprendre quels sont les avantages et les menaces de ChatGPT. Il faut les aider à développer leur jugement critique», évoque-t-il.

Ce jugement critique auquel fait référence le professeur est essentiel pour démêler le vrai du faux parmi les renseignements fournis par le robot conversationnel, dit-il. En effet, plusieurs erreurs factuelles ont tendance à se glisser dans les textes rédigés par ChatGPT.

D’ailleurs, le professeur du DLTC explique que l’objectif du logiciel n’est pas de générer des phrases qui sont véridiques, mais plutôt des phrases plausibles, ce qui demande de la prudence à ceux qui l'utilisent. «C’est un programme qui a été conçu pour interagir avec l’être humain. Si le programme amène [les étudiants] à un mauvais endroit avec de fausses informations, c’est leur responsabilité. C’est à eux de trouver où il y a des erreurs», évoque-t-il.

Robert Lessard est du même avis. À ses yeux, les établissements scolaires ont la responsabilité de cultiver l'esprit critique chez leurs élèves et de les guider dans une utilisation éthique de l’intelligence artificielle. «Tout comme on enseigne aux élèves à exercer leur jugement en évaluant la validité des sources qu'ils consultent, nous devrons également les sensibiliser à l'égard des informations fournies par ChatGPT», indique-t-il.

Le plagiat n’est pas nouveau

En ce qui concerne les préoccupations liées au plagiat, Ollivier Dyens cherche à tempérer les inquiétudes. Selon lui, le plagiat n’est pas vraiment un problème technologique, mais plutôt un enjeu humain qui existait bien avant l’avènement de l’intelligence artificielle. «Il n’y a pas grand-chose à faire avec les personnes qui veulent tricher, il y a toujours de nouveaux outils pour permettre aux gens malhonnêtes de tricher», explique-t-il.

Selon lui, la source du problème est en réalité beaucoup plus profonde et est ancrée au cœur même du système d'éducation. Comme les élèves ne comprennent pas toujours le contexte de leurs travaux, dit-il, ils ont parfois tendance à être désintéressés et à choisir la voie de la facilité.

«On n’explique pas toujours l’importance de chaque travail et parfois, pour les élèves, c’est emmerdant. Si on n’explique pas pourquoi on donne un essai de 1000 mots à écrire sur Nelson Mandela, c’est possible que des élèves soient tentés de copier. Mais cette réalité existait bien avant ChatGPT», souligne le professeur.

Compte tenu de la capacité du logiciel à servir d’outil rédactionnel, Robert Lessard envisage cependant la possibilité de diminuer la fréquence des devoirs sous forme de dissertations et de mettre davantage l’accent sur des formes d’évaluation interactive en classe telles que les présentations orales. Cette approche permettrait notamment de décourager certaines tentatives de plagiat.

«On va devoir trouver des [évaluations] qui demandent aux élèves d’interpréter le contexte et d'expérimenter par eux-mêmes pour qu’ils puissent démontrer l’étendu de leur compréhension d’une autre manière [que dans des rédactions écrites]», note-t-il.

Mais, tout comme Ollivier Dyens, le directeur général tend à croire que le plagiat continuera à causer des maux de tête aux enseignants, quels que soient les nouveaux outils technologiques. «Que ce soit ChatGPT, Google ou la feuille du voisin, ce sera toujours le même défi», conclut-il.

  • Nombre de fichiers 4
  • Date de création 9 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 8 septembre, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article