Chanter en français : une façon de voir le monde

Ils sont jeunes. Ils sont musiciens. Ils ont décidé de chanter en français même en milieu minoritaire. Par conviction. Et pour honorer leur héritage.

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André Magny
IJL – Réseau.Presse – L’Orléanais

Dans le cadre de son cahier spécial franco-ontarien, L’Orléanais est allé à la rencontre de trois artistes de la région d’Ottawa : Sophie d’Orléans, Michel Bénac du groupe LGS et Alex Millaire du duo Moonfruits. Bien que chacun et chacune ait leur style musical, les trois tiennent mordicus à inclure du français dans leur répertoire. Pourtant, ce ne serait pas plus payant de chanter en anglais?

À cette question quelque peu provocatrice, Michel Bénac se souvient de l’époque où il chantait beaucoup plus en anglais que maintenant. «Il n’y avait rien de francophone qui m’attirait quand j’étais plus jeune. Mes idoles, c’était Prince, Michael Jackson ou encore New Kids on the Block. Pourtant, lorsque je donnais un spectacle en anglais, le monde ne connectait pas. Parce que la culture n’était pas la même.»

Pour Michel Bénac, qui a grandi à Vanier, l’idée de chanter en français lui est venue comme «une question de survie artistique». Il rappelle que le fantôme du règlement 17 rôde encore. «La honte qui nous a été transmise de parler français», elle vient de loin.

Originaire de Sudbury, Alex Millaire, spécialiste de la musique traditionnelle avec sa conjointe et complice Kaitlin Milroy, fait lui aussi référence à ce règlement qu’il assimile à «un génocide culturel». Il se rappelle que sa grand-mère parlait français, mais qu’elle était incapable de l’écrire ou de le lire.

La musique en anglais est sans doute plus écoutée, mais ce n’est pas nécessairement plus payant. «Faire de la musique en anglais c'est aussi faire compétition avec les géants de l'industrie, comme les Ed Sheeran et Beyoncé. C'est difficile de se tailler une place dans ce marché, surtout en tant qu'artiste émergente», confie Sophie d’Orléans, qui vient notamment de sortir une toute nouvelle chanson Colibri. À moins de pénétrer le marché anglophone et américain grâce à une playlist sur une radio satellite comme l’explique Alex Millaire. Encore faut-il espérer tomber dans la stratosphère numérique sur un DJ qui saura apprécier le français et la musique qui viennent du canal Rideau! Celui qui s’occupe principalement de la musique au sein de Moonfruits mentionne également que les artistes francophones ne doivent pas oublier de se rabattre également sur l’appui financier venant du côté institutionnel pour aider les artistes en milieu minoritaire.

Transcender les barrières linguistiques

S’il est vrai que la musique est un langage universel et qu’elle rassemble divers horizons culturels, les artistes interrogés estiment, comme Sophie d’Orléans, que c’est son rôle «en tant qu'artiste franco-ontarienne de promouvoir ma langue maternelle. Chanter en français, c'est un choix conscient que je fais, dans le but d'exposer les gens à ma réalité, ma culture et les sonorités de ma langue.»

Offrir des spectacles bilingues comme le fait Alex et Kaitlin – qui est d’ailleurs passée par l’immersion comme le rappelle le papa de son jeune bambin! – permet selon M. Millaire «de briser l’isolement de la culture franco-ontarienne, de la faire butiner ailleurs.» C’est sans doute pour cela qu’il est à préparer une tournée dans diverses écoles de l’Ontario avec ses propres compositions, non sans le soutien initial des élèves-artistes de l’École secondaire publique De La Salle. «C’est eux qui vont "casser" mes compositions», de les transposer de la feuille de composition à la réalité sonore.

Quant à Michel Bénac, «c’est la fierté d’appartenir à une gang de fous comme nous autres», qui met de l’énergie dans sa musique quelque peu urbaine folk. Mais surtout, sa carrière en français, il la savoure «à chaque fois que je vois quelqu’un chanter [s]es chansons»… en français, bien sûr! D’ailleurs, après deux ans de pandémie, l’auteur-compositeur-interprète de On perd la tête espère que les gens seront nombreux à venir fêter dehors la francophonie ontarienne lors du Festival franco-ontarien qui se tiendra du 23 au 25 septembre au parc Major’s Hill à Ottawa.

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Bas de vignette : Sophie d’Orléans sera à l'Université d'Ottawa dans le cadre de la célébration de la journée franco-ontarienne le 23 septembre prochain pour un spectacle à l’extérieur qui débutera à 11 h sur la Terrasse Perez. Crédit : courtoisie de Sophie d’Orléans

Bas de vignette : Après la sortie toute récente de Salt, Moonfruits devrait sortir au début de 2024 un quatrième album, cette fois-ci en français, Réveil où il sera notamment question de gentrification, de ses villages qui disparaissent. Crédit : tiré du vidéoclip d’Andrew Robillard

Bas de vignette : Michel Bénac est d’avis que chanter en anglais dans des spectacles francophones, «ça ne passe plus». Crédit : Troy St-Louis

 

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  • Date de création 15 septembre, 2022
  • Dernière mise à jour 15 septembre, 2022
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