Captive des djihadistes : le récit d’une survie au milieu du désert

« Le goût de l’aventure m’enivrait l’âme et je me soûlais de liberté ». Cheveux au vent, tente sur le dos et le pouce en l’air, Édith Blais se sentait aventurière. Partie en Afrique pour y faire du bénévolat, elle y fut enlevée au Burkina Faso par des djihadistes du réseau Al-Qaïda. La mésaventure d’une vie, qui aurait pu se terminer tragiquement dans une étendue désertique au Mali, a abouti à un récit très enlevé, si l’on peut dire.

_______________________

Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

Jeunes gens idéalistes et épris d’absolu, Édith Blais et son compagnon italien de l’époque, Luca Tacchetto, voulaient donner un coup de main à un ami togolais qui souhaitait développer dans son pays un projet de permaculture fondé sur les principes de l’agroforesterie. Pour se rendre là-bas, les globe-trotteurs ont pris des chemins de traverse afin de voir du pays. Mais des baroudeurs doivent toujours faire face à des imprévus.

Un souci bien dérisoire avec leur visa, une impulsion de dernière minute, et tout a basculé le 17 décembre 2018. Ce jour-là, alors qu’ils faisaient route vers le Benin, ils ont été victimes d’une embuscade tendue par six hommes armés… et qui les attendaient ! Leur enlèvement ne devait rien au hasard : il avait été prémédité !

Les voici otages de terroristes pour qui la vie humaine ne vaut parfois pas grand-chose, sauf si elle peut leur rapporter des bénéfices substantiels. Ils sont embarqués dans une épopée sans épreuve d’immunité ni jeu de confort, auprès de laquelle l’émission « Survivor » présente l’aspect de vacances de luxe dans un hôtel 5 étoiles. Édith et Luca sont restés ensemble 77 jours avant d’être séparés par leurs ravisseurs. Le 4 mars 2019, Édith dût rejoindre trois femmes, otages comme elle, mais depuis plus longtemps.

« Si seulement j’avais de quoi écrire, je pourrais au moins m’évader dans un monde imaginaire », songea-t-elle. C’est à partir de ce moment-là que, durant sa captivité, Édith s’est mise à écrire des poèmes.

« Dans le campement des femmes, on réussissait toujours à trouver des bouts de carton, notamment quand on recevait de la nourriture ou des boîtes de thé. Il ne me manquait qu’un stylo. Une de mes compagnes d’infortune en avait un et me l’a gentiment prêté ».

Elle raconte qu’à un moment donné, elle a fait le ménage dans sa tête. Pour survivre, il faut lâcher prise. Comme le roseau de la fable de Jean de La Fontaine, elle a plié sous les bourrasques – dont une tempête de sable ! – sans se laisser déraciner comme le chêne. « Je suis la rivière, je suis le courant. »

Pour ne pas mourir, elle a appris la langue des preneurs d’otages et a fait mine de se convertir à l’islam. Puis Luca est revenu, et ils ont échaudé un plan pour s’enfuir en pleine nuit et retrouver la liberté au point du jour. En tout, leur captivité a duré 450 jours ! Ironiquement, la québécoise a quitté sa prison nomade en mars 2020 pour découvrir un monde où les gens s’enfermaient à triple tour chez eux pour cause de pandémie mondiale.

Édith Blais a pratiquement écrit un poème par jour. Bon nombre d’entre eux dorment à tout jamais dans les sables du Sahara, ou ont peut-être servi à allumer des feux de camp. Au terme de son aventure, elle n’a pu en sauver que 57, dont cet extrait : « Une main pénétra la lumière / Abreuvant une dame assoiffée / De la vie, digne d’une grande rivière / Qui parcourait un désert asséché. »

À son retour au Canada, elle a entrepris de raconter son expérience de vie. Publié aux Éditions de l’Homme, son récit autobiographique s’intitule « Le sablier ». Le mot évoque à la fois l’étendue désertique qui faillit l’engloutir, et une clepsydre dans laquelle s’écoulait, très lentement, un temps interminable. Quatre cent cinquante jours : 10 800 heures !

« Un café et des mots ». Tel était le nom donné aux causeries qui avaient lieu à 10h à la salle multifonctionnelle du Centre des arts et de la culture de Dieppe pendant le 32e Salon du livre. Édith Blais y a répondu aux questions de l’animateur Sébastien Lord-Émard, et a discuté avec le public, tous bouleversés par son témoignage poignant et sa formidable résilience. Avec son actuel partenaire de vie, elle veut désormais ouvrir un café bio dans lequel il y aurait une bibliothèque.

Un café et des mots.

 

-30-

 

Photo

Titre : Édith
Légende : Édith Blais a courbé l’échine sans se briser pour survivre au désert et aux terroristes.
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 26 octobre, 2022
  • Dernière mise à jour 26 octobre, 2022
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article