Budget fédéral: Trudeau veut épargner des milliards dans la fonction publique

ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

ANTOINE TRÉPANIER

Le Droit

OTTAWA -- Moins de déplacements d’affaires, réduction des services de consultation et déplacement des sommes inutilisées, le gouvernement fédéral veut réaliser des économies de 21 milliards de dollars dans la fonction publique sans affecter les services aux Canadiens. Il investit néanmoins un milliard de dollars sur deux ans dans le système de paye Phénix.

Sans se lancer dans de grandes compressions budgétaires comme l’avait fait le gouvernement Chrétien dans les années 1990, le gouvernement Trudeau prévoit réduire les dépenses au sein de la fonction publique de l’ordre de 15 milliards d’ici cinq ans et réorienter 6,4 milliards inutilisés vers d’autres programmes au cours des six prochaines années. 

Dans un premier temps, il pense épargner près de 7 milliards de dollars en faisant des économies sur les dépenses admissibles par les ministères et les organismes gouvernementaux. Les Forces armées canadiennes, qui ont bénéficié d’une hausse de leur budget en 2022, les transferts directs aux autres ordres de gouvernements et aux communautés autochtones sont exemptés de cette mesure.

Les sociétés de la Couronne devront éventuellement emboîter le pas, soutient Ottawa, ce qui constituerait des économies d’environ 1,3 milliard sur quatre ans à compter de l’an prochain.

La ministre des Finances Chrystia Freeland assure que ces compressions n’auront pas d’impact sur l’offre de services. 

«En voyant des compressions de [15] milliards de dollars dans les services publics sans avoir de détails de comment ils feront ces coupures, c’est très très inquiétant », a déclaré le président national de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC). 

Selon M. Aylward, il est «impossible» de faire des compressions dans la fonction publique sans que ça ait des impacts sur les services. 

«Ils ne peuvent réaliser ces coupures et dire en même temps qu’il n’y aura pas de pertes d’emplois. Il y aura des pertes d’emplois et il y aura un impact sur les services aux Canadiens», a pesté M. Aylward. 

Chaque ministère aura la responsabilité d’identifier des dépenses jugées inutiles et les couper. On ignore si l’élimination de postes ou encore des gels d’embauches seront en vigueur. Il pourrait s’agir d’économie par attrition, par exemple.

Or, pour le titulaire de la chaire de recherche en fiscalité à l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout, il est «sans doute possible» de réduire ces dépenses sans que cela affecte les employés actuels et les services puisque les montants identifiés par Ottawa ne sont pas majeurs. 

«Sans réduire le personnel, je ne sais pas comment ils vont faire, mais il y a des départs à la retraite, de nouveaux employés qui coûtent moins cher que les anciens et il y a peut-être moyen d’améliorer les façons de faire dans un contexte de recrutement», a-t-il déclaré. 

Dans un deuxième temps, le gouvernement de Justin Trudeau veut avoir «recentrer» les dépenses et ainsi économiser 7,1 milliards d’ici 2026-2027. Par «recentrer», Ottawa entend ainsi diminuer le recours aux services de consultants et en services professionnels du privé, comme McKinsey par exemple, de l’ordre de 15% en 2023-2024.

En entrevue au Droit, la présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), Jennifer Carr, a qualifié de «grande victoire» cette décision du fédéral.

«Ça va économiser tellement d’argent et ça va permettre d’avoir de meilleurs services et produits qui sont ouverts et transparents pour les contribuables», a-t-elle dit. 

Outre les services professionnels, le fédéral veut réduire considérablement les voyages effectués par les fonctionnaires de l’État. Cette mesure particulière a déjà commencé à être mise en oeuvre dans les derniers mois par certains ministères, comme Patrimoine canadien.

Un contexte pas facile

Ces mesures surviennent alors que le gouvernement est en pleine négociation pour renouveler la convention collective d’environ 156 000 fonctionnaires de l’État membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada. Ces derniers menacent de déclencher une grève si le fédéral ne leur offre pas des hausses salariales annuelles moyennes de 4,5% sur trois ans.

«Il y a un processus de négociations en cours. On a certaines estimations de cela. On verra quand les négociations se concluront et si elles se terminent différemment de nos estimations, alors il faudrait les ajouter de façon graduelle au budget», selon un haut fonctionnaire du gouvernement.

Un autre milliard pour Phénix

Par ailleurs, le gouvernement fédéral n’a pas accompli son objectif qu’il s’était fixé dans le budget 2021, soit celui d’éliminer les arriérés liés au système de paie Phénix. Encore aujourd’hui, on compte des milliers de dossiers non réglés, sept ans après la mise en oeuvre de ce système qui vit de perpétuels ratés.

L'an dernier, le budget présenté par la ministre Freeland ne faisait pas mention de ce système, au grand dam des syndicats de la fonction publique.

En 2021, le gouvernement avait dépensé 23 millions pour éliminer les arriérés et indiquait que le même montant serait dépensé pour la même raison, l’année suivante.

Ottawa annonce maintenant vouloir «renouveler les ressources du système de paye» et estime que ça lui coûtera plus de 500 millions par année au cours des deux prochaines années.

Ce milliard de dollars comprend la résolution des arriérés, mais aussi le fonctionnement quotidien du système de paye.

Le budget fédéral prévoit par ailleurs un fonds pour «améliorer l’administration de la paye du gouvernement». Ce sont 52 millions qui devraient être dépensés en 2023-2024 pour la création d’un nouveau système de paye qui tarde toujours à voir le jour.

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  • Date de création 29 mars, 2023
  • Dernière mise à jour 29 mars, 2023
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