Bientôt un système de soins de santé à l'américaine au Nouveau-Brunswick ?

Le système de santé au Nouveau-Brunswick ressemble à un grand corps malade. Entre la mainmise du gouvernement provincial sur les régies de santé, la nouvelle action en justice d’Égalité santé en français, et les fermetures de services dues au manque de personnel, la crise qui secoue le système risque d’être le sujet le plus brûlant de la rentrée.

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Damien Dauphin

IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

 

 

Le Dr. Hubert Dupuis l’a déclaré dernièrement : ce n’est pas le moment de tomber malade au Nouveau-Brunswick. Ou plutôt, gravement malade. Si l’on a un petit bobo, un rhume ou un état grippal, mieux vaut prendre son mal en patience et s’en remettre aux bons vieux remèdes de grand-mère. Tel est le message que, en d’autres termes, le réseau Horizon a rendu public vendredi 26 août au matin. La régie anglophone a exhorté le public à ne pas se rendre à l’urgence de l’hôpital de Moncton pour des soins jugés non urgents, et ce pour toute la fin de semaine.

La racine du mal est la pénurie importante de personnel présent pour traiter les patients. Entre ceux qui prennent quelques vacances bien méritées pour recharger leurs batteries, et leurs collègues qui doivent rester à la maison pour cause de Covid-19, la pression sur les effectifs disponibles est énorme.

Les établissements concernés doivent « conserver leurs ressources pour prendre soin des personnes qui ont besoin de soins médicaux critiques, y compris celles qui présentent des blessures graves, qui subissent une crise cardiaque ou un AVC ou qui ont de la difficulté à respirer », peut-on lire dans le communiqué d’Horizon.

Alors que des dizaines de milliers de Néo-Brunswickois sont sans médecin de famille attitré, faire appel au discernement de la population pour ne pas encombrer inutilement les services d’urgence peut représenter un défi.

Quelques jours avant ce nouvel avatar de la saga médicale du Nouveau-Brunswick, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, est venu faire un tour dans la région pour discuter des services de santé avec ses homologues des Maritimes. Dans un communiqué conjoint, les quatre chefs de gouvernement provinciaux ont fait porter au gouvernement fédéral la responsabilité du problème. En cause, selon leur analyse : le sous-financement chronique des soins de santé.

Inspiré par l’exemple de son alter ego ontarien, Blaine Higgs n’a pas écarté l’idée, rapidement reprise par son ministre de la Santé, Bruce Fitch, de donner davantage de place au secteur privé dans l’offre de soins. Cette perspective en a fait réagir plus d’un, dont la Coalition des personnes handicapées du Nouveau-Brunswick (CPHNB).

L’américanisation du système de santé

« Le fondement de Medicare est l'égalité d'accès aux soins de santé pour tous ; pas seulement les riches », clame la CPHNB en pointant du doigts le risque d’une médecine à deux vitesses, réservée à une « élite » qui formerait 1% de la population de la province. Le groupe est d’avis que les Néo-Brunswickois en situation de handicap seraient pénalisés par la privatisation des soins de santé. Selon les chiffres avancés par la Coalition, ces personnes fragilisées représentent 26,7% de la population du N.-B.

L’exemple donné par le premier ministre de l’Ontario n’est pas à suivre, selon eux. « Doug Ford aspire à l’américanisation de notre système de santé », écrivent-ils.

Pour la coalition, la formule magique n’existe tout simplement pas. Le déficit en personnel est criant, et le transfert de compétences à des entités privées ne réglera pas le problème.

« Où trouverons-nous le personnel pour faire fonctionner les cliniques privées ? Il n’existe aucun "magasin magique de médecins et infirmières". La seule option est de les retirer de notre système public actuel. Cela n'entraînera en aucun cas une réduction globale de la liste d'attente totale. Cela ne fera que "truquer" les chiffres et déplacer les problèmes », estime la CPHNB.

« C’est un peu comme déshabiller Paul pour habiller Pierre », croit pour sa part Simon Ouellette, représentant syndical aux communications, pour les Maritimes, du Syndicat canadien de la fonction publique. Le SCFP représente plus de 165 000 travailleurs de la santé au Canada, dont 10 000 dans notre province.

Intégrer les travailleurs étrangers

« Avec un système privé parallèle, on transfert seulement les employés d’un côté à l’autre. M. Higgs déplacerait le problème dans la cour du voisin. La privatisation n’est pas la solution à la crise qu’on vit en ce moment : c’est un écran de fumée », déclare M. Ouellette.

Afin de tempérer les inquiétudes du public, Blaine Higgs et Bruce Fitch ont déclaré que les prestations effectuées par le secteur privé seraient financées par le gouvernement. L’argument n’a pas convaincu Simon Ouellette.

« Ce qu’il faut faire, c’est améliorer les conditions de travail et enlever les barrières au recrutement. On a des gens qui arrivent de l’international et qui conduisent des taxis parce qu’ils ne peuvent travailler dans nos hôpitaux parce qu’on ne reconnaît pas leurs acquis. C’est inacceptable », a-t-il commenté.

Le syndicaliste sera-t-il entendu ? Dans leur déclaration conjointe, Blaine Higgs et ses trois homologues s’engagent à travailler ensemble, ainsi qu’avec d’autres organismes de réglementation, afin de faciliter l’accès à l’emploi des professionnels de la santé formés à l’étranger.

 

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Photo

 

Titre : CHU

Légende : Contrairement au réseau de santé Horizon, Vitalité n’a pas demandé aux patients d’éviter autant que possible l’urgence du CHU-Dumont en fin de semaine.

Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

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  • Date de création 31 août, 2022
  • Dernière mise à jour 31 août, 2022
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