Bactérie mangeuse de chair : réagir vite

Partout dans le monde cette année, une hausse des cas de maladie mangeuse de chair a été observée. Une maladie dont le nom ne laisse présager rien de bon. Mais qui fait pourtant d’ordinaire bien peu de bruit. 

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Hugo Beaucamp

IJL – Réseau.Presse – La Liberté

Les deux noms qu’elle porte sont inquiétants. Fasciite nécrosante, ou encore « bactérie mangeuse de chair », cette maladie n’est pas particulièrement prolifique. Entre trois et sept personnes sur un million sont généralement infectées chaque année. C’est ce qui est appelé une infection rare.

Au Canada, il y a entre 90 et 200 cas par an, et, d’après le gouvernement du Manitoba, entre 20 et 30 % des personnes infectées en meurent. Cette année, la maladie a beaucoup fait parler d’elle. Pour comprendre la pertinence des données récoltées cette année, il faut d’abord comprendre les origines de la fasciite nécrosante.

Le Dr Philippe Lagacé-Wiens est spécialiste en microbiologie médicale, diagnostic et développement des maladies infectieuses à l’Hôpital Saint-Boniface. Il explique justement d’où vient cette infection : « Nous avons certainement observé une hausse des cas de streptocoques invasifs de tout genre, et la maladie mangeuse de chair en fait partie. Aussi appelées streptocoques du groupe A, ce sont des bactéries à l’origine d’une large gamme de maladies, la plus commune étant la pharyngite. »

Le médecin précise qu’elles peuvent aussi causer des infections cutanées. Si, de manière générale, les maladies qui découlent d’une infection aux streptocoques du groupe A sont relativement bénignes, elles peuvent parfois donner lieu à des maladies invasives plus graves comme une pneumonie, ou encore la maladie mangeuse de chair.

« La maladie rentre dans les tissus beaucoup plus en profondeur autour du muscle, explique Philippe Lagacé-Wiens. C’est une infection qui est très agressive, qui se propage très rapidement dans les tissus de l’individu et qui est fréquemment mortelle sans intervention rapide. » Car la fasciite nécrosante peut causer la mort particulièrement vite, en seulement 12 ou 14 heures parfois. « C’est une maladie extrêmement dangereuse. »

Les symptômes qui accompagnent cette maladie expliquent le funeste sobriquet de « mangeuse de chair » qui lui est attribué. « Généralement, ce que les gens rapportent, c’est une petite blessure mineure, parfois indistinguable. Ensuite, cette bactérie-là, qui se trouve souvent dans la gorge ou la bouche, se retrouve sur cette blessure et établit une infection.

« Elle va ensuite liquéfier les muscles et les structures profondes de la peau, les manger et les digérer. Les symptômes sont donc souvent des rougeurs, une douleur exceptionnellement intense, je dirais même disproportionnée par rapport à la blessure que l’on observe. » Souvent, les patients sont très malades, quasiment en état de choc. Le Dr Philippe Lagacé-Wiens ajoute : « On relève de la fièvre, une pression sanguine très basse. Une septicémie peut aussi devenir un problème. »

Sans traitement, le taux de mortalité est particulièrement élevé et le traitement nécessaire est agressif : des antibiotiques, et parfois même une intervention chirurgicale. « Il faut parfois retirer de gros morceaux de chair infectée et il faut aller assez profondément. En général, les tissus déjà digérés par la bactérie ne sont plus viables et ils doivent être amputés.

« Une fois les patients sauvés, il faut faire des greffes de peau. Mais les muscles et les tissus profonds, eux, sont irremplaçables, alors les patients perdent une multitude de fonctions dans la zone infectée. » Même s’il ne s’agit pas d’une nouvelle maladie, il n’existe pas de vaccin à l’heure actuelle.

La maladie est donc très dangereuse, c’est pourquoi il est important de comprendre comment la bactérie se contracte. Un point sur lequel le spécialiste donne son éclairage. « La bactérie ne peut pas passer si la peau est intacte, il faut une blessure à vif. Elle ne passe pas par les voies respiratoires par exemple, il faut qu’elle rentre dans la peau.

« Cependant, cela est valable pour la maladie mangeuse de chair, mais pas pour d’autres maladies qui proviennent d’un streptocoque A. La pharyngite, par exemple, qui est la même espèce de bactérie, peut se transmettre via la salive. »

Alors comment se fait-il que les cas soient en hausse? Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, les mathématiques simples. S’il existe une augmentation des cas de streptocoques de groupe A responsables de la bactérie mangeuse de chair, logiquement, les cas de fasciite nécrosante ont augmenté eux aussi. Et pour cause : sur la période d’août 2022 à février 2023, 347 cas de streptocoques A ont été recensés, contre 223 sur la même période avant la pandémie.

Le spécialiste en microbiologie va plus loin. « On sait que les infections de streptocoques augmentent après les infections virales. » Or la saison de la grippe, cette année s’est montrée expressément virulente. « C’est aussi probablement une question de souche de streptocoques. Certaines sont plus disposées à causer la maladie mangeuse de chair. Il est possible qu’une nouvelle souche plus dangereuse ait pris le pas sur les autres. »

Le meilleur moyen d’éviter les complications, d’après le docteur, c’est de se faire soigner rapidement lors d’une infection au streptocoque. « Il faut traiter les infections mineures de façon agressive pour réduire les risques de transmission ou de progression vers une maladie beaucoup plus sérieuse. »

En cas d’inquiétudes ou de doutes, il ne faut donc pas hésiter à consulter. En cas de symptômes correspondants à la maladie mangeuse de chair, il faut se rendre à l’hôpital le plus proche immédiatement.

 

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Photos : 

Le Dr Philippe Lagacé-Wiens est spécialiste en microbiologie médicale, diagnostic et développement des maladies infectieuses. + Photo : Marta Guerrero

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  • Date de création 19 mai, 2023
  • Dernière mise à jour 19 mai, 2023
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