Apprendre en français, du début jusqu’à la fin

Depuis 2023, Étienne Vuillaume est responsable du projet d’éducation postsecondaire et de formation continue en français à Terre-Neuve-et-Labrador, établi par la Fédération des Francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL). Sa mission? Établir un continuum éducatif francophone dans la province qui va au-delà du système primaire et secondaire.

«Un continuum éducatif en langue française dans un environnement majoritairement anglophone est essentiel si l’on veut promouvoir la diversité linguistique, préserver la culture francophone, offrir des possibilités d'éducation, et favoriser l'intégration sociale de toute la population de la province, sans exception», affirme le responsable, ajoutant que la Loi sur les langues officielles a été récemment modifiée pour favoriser l'épanouissement culturel et économique des communautés francophones en contexte minoritaire.

L’offre postsecondaire actuelle

«Comme ailleurs au pays, il est fondamental que l’ensemble des habitants de Terre-Neuve et du Labrador aient accès à la possibilité d’apprendre dans les deux langues officielles du Canada; et ce, quel que soit l’âge auquel on apprend, et quelque soit l’environnement dans lequel on se trouve», dit-il.

Dans la province, les seuls programmes de langue française postsecondaires sont proposés par le Département des langues, littératures et cultures vivantes de l’Université Memorial (MUN) au niveau baccalauréat et maîtrise. Ces programmes sont principalement ciblés aux étudiants dont la langue maternelle n'est pas le français, mais ils permettent aux locuteurs natifs de les suivre. Cependant, avec certaines restrictions: «Veuillez également noter que, conformément au règlement 15.13.2, les locuteurs natifs du français et les étudiants dont la maîtrise du français est proche de la langue maternelle ne recevront normalement pas de crédits pour les cours suivis en première année dans leur langue maternelle et ne seront pas autorisés à demander des crédits au niveau de la première année» [traduction libre], peut-on lire sur le site Web de MUN.

Le College of the North Atlantic n'offre que des cours de français de base.

Un travail de concertation

Avec le Conseil scolaire francophone provincial (CSFP), le Centre de la petite enfance et famille (CPEF) Les P’tits Cerfs-Volants, Horizon TNL, Franco-Jeunes de Terre-Neuve et du Labrador, et Canadian Parents for French NL et les associations régionales francophones, ainsi que l’Université Memorial et le College of the North Atlantic, la FFTNL fait partie d’une Table de concertation qui travaillait sur un plan d’affaires pour ce continuum.

La Division des programmes et services du ministère de l’Éducation, la Division de l'alphabétisation et des services institutionnels du ministère de l’Éducation et le Bureau des services en français du ministère du Gouvernement numérique et de Service ont également participé à la planification, précise le responsable du projet.

«C’est cette dynamique [de partenariat], combinée à mon sens de l’engagement, qui m’a motivé à prendre en charge ce dossier», ajoute-t-il.

Après une année de travail, le 29 février dernier, la FFTNL a finalement remis ce plan d'affaires qui couvre les années 2024-2029 à la ministre de l’Éducation, Chrysta-Lynn Howell, et à la ministre du Gouvernement numérique et de Service TNL et ministre responsable des Affaires francophones, Sarah Stoodley.

Monsieur Vuillaume précise que ce plan «contient une analyse des besoins, une analyse du marché, une identification des populations-cibles, et les enjeux relatifs à chacun des aspects des deux volets que sont l’éducation postsecondaire d’une part et la formation continue d’autre part». Selon l’étude, plus de 20 000 personnes dans la province pourraient bénéficier de tels services.

«Nous leur avons expliqué qu’il s’agit maintenant pour le gouvernement provincial de s’engager d’une part financièrement pour soutenir nos recommandations, et d’autre part sur un aspect sur lequel il a du pouvoir: celui de la gouvernance légitime», ajoute-t-il. «L’histoire de la francophonie à Terre-Neuve-et-Labrador mais aussi de l’éducation postsecondaire publique, montre que l’éducation postsecondaire et de la formation continue en français ne

sera durable, responsable, et dynamique qu’avec une gouvernance légitimée par le gouvernement provincial. Ils en ont pris note.» Le plan d’affaires a été remis quelques jours avant sa participation au Sommet national sur l'apprentissage pour la francophonie canadienne. Organisé à Ottawa du 4 au 6 mars dernier par le Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences, sous le patronage de la Commission canadienne pour l'UNESCO, cette rencontre était une occasion rêvée pour le responsable du projet de réseauter avec d’autres gens et organismes ayant des objectifs similaires et de découvrir de nouvelles façons de relever des défis.

Qu’est-ce qu’il a découvert grâce à ces échanges? «D’un océan à l’autre, les enjeux des minorités francophones se recoupent: difficulté à accéder à une pluralité de formations, la faible vision politique des gouvernements en matière d’éducation aux adultes, le financement insuffisant des établissements postsecondaires publics pour agir de manière structurante afin de répondre aux besoins des communautés francophones du pays», explique le responsable du projet. «À Terre-Neuve et au Labrador, nous avons en plus le défi d’être de petites communautés très dispersées», ajoute-t-il.

Selena Mell, directrice de l’Éducation du CSFP, qui a également assisté au Sommet, souligne que les collaborations éducatives et communautaires sont essentielles à la réussite pédagogique continue. «Nous devons abandonner le travail en isolation et reconnaître l'importance d'une approche collaborative, comprenant que l'apprentissage tout au long de la vie, de la petite enfance à l'âge adulte, est tout aussi vital pour l'enrichissement de la langue et de la culture. Dans un contexte minoritaire, l'aspect communautaire revêt une importance particulière et des efforts collectifs pour fournir un soutien, favoriser les opportunités et faciliter la croissance.»

Monsieur Vuillaume confirme que cette collaboration communautaire est une des points centraux du plan d’affaires: «La création d’espace de partage communautaire-éducation postsecondaire et de formation continue en français n’est pas simplement abordée au passage dans ce plan d’affaires. Cette question est l’un des trois grands axes stratégiques sur lesquels il est urgent d’agir», dit-il.

«Davantage d’espaces d’échanges et de rencontres, enracinés avec les milieux éducatifs, collégiaux, universitaires et professionnels et pas uniquement axés sur le communautaire, serait d’énormes atouts pour notre francophonie provinciale», résume ce dernier.

La prochaine étape Depuis le mois de mars, la Table de concertation collabore avec l’Université Memorial et le College of the North Atlantic, pour mener une étude de faisabilité afin de créer des programmes en langue française.

«Il est maintenant venu le moment de creuser en profondeur les capacités des deux établissements publics de la province [pour] développer leur offre sur ces deux aspects», explique monsieur Vuillaume. «Nous aurons les résultats concrets en juin prochain», confie-t-il.

Le projet d’éducation postsecondaire et de formation continue en français a été financé au niveau provincial, par le Programme des langues officielles dans l'enseignement, et au niveau fédéral, par le programme Développement des communautés de langue officielle, volet Vie communautaire, du Fonds stratégique. Selon les états financiers de la FFTNL pour l'exercice terminant fin mars 2023, le gouvernement provincial a contribué à hauteur d'environ 40 600$, et le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada a investi 93 900$.

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Photo: MicrosoftTeams-image (5)

Photo: Courtoisie

Caption: La FFTNL a remis son plan d’affaires pour son projet d’éducation postsecondaire et de formation continue en français à Terre-Neuve-et-Labrador au gouvernement provincial le 29 février dernier. Dans la photo avec les représentants du gouvernement se trouvent Gaël Corbineau, directeur général de la FFTNL, Tony Cornect, président de la FFTNL, et Etienne Vuillaume, coordonnateur du projet.

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  • Date de création 7 avril, 2024
  • Dernière mise à jour 9 avril, 2024
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