Apiculture : les effets de « mai sans tondeuse » sur l’élevage d’abeilles 

Dernièrement, Le Courrier s’est penché sur les bienfaits du mouvement citoyen mai sans tondeuse (No Mow May) sur l’environnement. Pour les éleveurs d’abeilles de la province, le mois de mai est un moment charnière de l’année, affirme Duncan Wetzel, président de l’Association des apiculteurs de la Nouvelle-Écosse.  

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Jean-Philippe Giroux

IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Le Courrier est allé à la rencontre du président de l’Association afin de connaitre davantage sur le travail des apiculteurs et mieux comprendre la contribution des fleurs comme les pissenlits dans le travail des pollinisateurs.

JP : De quelle manière la tonte de la pelouse pendant la saison pollinique a-t-elle un impact négatif sur le travail des pollinisateurs et, par la suite, sur le travail des apiculteurs ? 

D : Je répondrai à cette question de manière un peu plus directe... Après un long hiver passé dans une ruche, à nicher dans le sol, les abeilles ont besoin de récolter du nectar et du pollen. Le nectar est leur source de glucides et le pollen leur source de protéines. Certaines abeilles, par exemple les abeilles mellifères, stockent de la nourriture tout l'hiver pour se nourrir. Au printemps, ces réserves sont presque vides.  Si la colonie n'a pas accès à une source fraîche, elle mourra de faim et la colonie solitaire mourra.

La pelouse non tondue fait deux choses : elle fournit des sources de nourriture indispensables aux abeilles naissantes et aux colonies qui se rétablissent et elle permet aux abeilles naissantes de quitter leur lieu de nidification pour trouver de la nourriture instantanée, puisqu'elles n'ont pas de réserves dans lesquelles puiser.

JP : Certaines personnes choisissent de tondre leur pelouse pour des raisons personnelles. Mais pour ceux qui sont sceptiques quant aux avantages de mai sans tondeuse, que leur diriez-vous pour les faire changer d'avis ? Quelle différence un seul mois de croissance peut-il faire pour aider les pollinisateurs ?

D : Dans un quartier où les pelouses sont très bien entretenues et où il n'y a pas de croissance naturelle, cette zone est un désert alimentaire pour les abeilles. Certaines abeilles suivent des trajectoires de vol, tandis que d'autres restent dans des zones de nidification plus petites et y reviennent pour pondre leurs œufs.  Dans ce quartier, il n'y a donc pas d'abeilles, pas de pollinisation et, d'une manière générale, les jardins sont pauvres.

L'automne et l'hiver derniers ont été chauds et doux, si vous vous en souvenez, ce qui signifie que mes abeilles volaient activement et consommaient leurs réserves. Les mois froids les ralentissent et permettent aux réserves de durer plus longtemps. J'ai donc perdu 5 colonies à cause de cette longue période douce sans que les abeilles puissent se nourrir.

Ce printemps a également été étrange. Certaines zones sont encore brunes et mortes, mais les tussilages et les pissenlits surgissent et offrent une source de nourriture instantanée. Une bouchée sur trois provient d'un aliment qui a été touché par un pollinisateur. C'est ce que je dis aux gens pour qu'ils changent d'avis.  Si vous aimez le café, les fruits, les amandes et bien d'autres choses encore, remerciez un pollinisateur.

JP : Outre le fait de laisser pousser l'herbe, quelles sont les autres choses que les citoyens peuvent faire pour aider les abeilles et les autres pollinisateurs ? 

Laissez quelques feuilles au sol autour des arbustes et des buissons. Les abeilles y feront leur nid. Laissez un peu de terre exposée pour que les abeilles coupeuses de feuilles puissent y déposer leurs sacs d'œufs. Offrez des nichoirs aux bourdons, aux abeilles maçonnes et aux abeilles charpentières. Ne pulvérisez pas de pesticides. Toutes les abeilles ne piquent pas non plus. La plupart sont dépourvues de dard, alors apprenez-en un peu plus sur elles.

JP : Jusqu’à présent, l'année 2023 est-elle une bonne saison pour les apiculteurs ? Quels sont les défis à relever depuis le printemps ?

Le défi de cette année, ce sont les répercussions de l'automne dernier. Nous n'aurons pas ces chiffres avant la fin de l'année, mais le Canada dans son ensemble a une moyenne de 45,5 % de pertes d'abeilles pendant l'hiver. La Nouvelle-Écosse affiche un bien meilleur pourcentage avec 15,3 % de pertes au cours de l'hiver 2021-2022.

Les raisons en sont variées et complexes, mais en général, les apiculteurs de la Nouvelle-Écosse font un excellent travail de préparation et de gestion des abeilles. En outre, le ministère de l'Agriculture de la Nouvelle-Écosse a adopté une loi sur l'importation qui interdit d'importer des abeilles sans permis provincial. Nous avons donc un profil de maladie moins élevé que dans d'autres provinces.

JP : Vous avez mentionné que vous êtes très occupé, travaillant 7 jours par semaine. À quel moment cette saison commence-t-elle à se calmer ?

Je suis un petit exploitant commercial, donc je ne travaille pas aussi efficacement que d'autres exploitations qui ont plus d'équipement et de personnel. Je commence en mars et je suis à plein régime jusqu'en juin. Ensuite, il y a une petite pause jusqu'à ce que je retire les abeilles de la pollinisation.

J'effectue de nombreux contrôles sanitaires et je gère les ruches de production de miel. Les mois de juillet et août ont tendance à être plus faciles, avant la fin du mois d'août et en septembre, lorsque l’on récolte le miel. En même temps, il faut gérer les abeilles en prévision de l'hiver. Puis, entre la mi-novembre et la fin novembre, nous les emballons pour l'hiver, croisons les doigts et espérons qu'elles tiendront jusqu'au mois de mars de l'année suivante.

Pendant l'hiver, il faut vendre le miel sur les marchés, les foires de Noël et, au début de l'année, établir des contrats pour la saison de pollinisation de l'année suivante qui recommence !

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  • Date de création 26 mai, 2023
  • Dernière mise à jour 26 mai, 2023
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