Aînés en danger : un comité sonne l'alarme et propose des solutions

Enfermées et coupées du monde : les deux dernières années ont été particulièrement cruelles pour le troisième âge. Toutefois, la pandémie n’a fait qu’aggraver une situation préexistante. Ce n’est pas d’hier que les personnes âgées vieillissent dans l’indifférence et l’indignité. L’association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick (AFANB) tire la sonnette d’alarme et interpelle le gouvernement.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

Le 15 juin est la Journée mondiale de la maltraitance envers les aînés. A cette occasion, le comité d’action sur la bienveillance envers les aînés, créé par l’AFANB, a dévoilé un rapport accablant sur la situation qui prévaut dans la province. Le document présente les conditions déplorables dans lesquelles vivent les personnes âgées, surtout celles qui ont été placées en foyers de soins spéciaux.

Malbouffe et malnutrition, négligence, abus psychologiques voire physiques, pratiques douteuses, la liste des carences du système et des infractions constatées est longue comme un jour sans pain. Confrontés au risque bien réel de représailles, des résidents préfèrent se taire et subir en silence. On pourrait se croire en Sicile, écrasé par la chape de plomb de la mafia, mais nous sommes bien au Nouveau-Brunswick.

« J’espère ne jamais mettre les pieds dans un foyer. Je vais rester chez moi jusqu’à la dernière minute, mais qui sait ce qui peut arriver ? On ne peut pas prédire demain. Il y aura toujours des aînés qui auront besoin de services plus élevés, c’est pour eux qu’il faut améliorer le système. Et le point de vouloir plus de soutien à domicile, c’est d’éviter le placement dans un foyer » a confié Norma Dubé, ancienne sous-ministre provinciale, dont la maman de 91 ans est dans un foyer de soins.

Mme Dubé a notamment cité en exemple le Danemark. Le rapport du comité, dont elle est la présidente, vante les mérites de l’approche mise en œuvre dans le royaume scandinave, où l’accent est porté sur les soins à domicile institutionnalisés et entrés dans les pratiques courantes.

En corolaire, le comité recommande la suppression progressive des foyers privés, zones de non-droit qui ne sont pas assujetties aux critères normatifs plus rigoureux qui encadrent les foyers subventionnés par l’État. À la place, le comité croit qu’il serait plus pertinent de prendre appui sur la réforme de la gouvernance locale pour créer un nouveau modèle de foyers communautaires sans but lucratif. Ceux-ci dépendraient des municipalités.

Enfin, la cohabitation intergénérationnelle est l’une des pistes de solutions évoquées. Dans la province, les logements intergénérationnels sont rares. Force est de constater que ce modèle de cohabitation, qui formait le cadre de vie des générations passées, n’a plus cours dans la société occidentale contemporaine. Pourtant, on le voit refleurir graduellement sur le continent, sous forme de microsociétés.

« C’est un gros projet de société. Ça peut être aussi une partie de la solution pour les sans-abris, ainsi que pour les étudiants qui s’appauvrissent avec leurs études. On le voit dernièrement avec les réfugiés ukrainiens, on l’a vu aussi durant la pandémie, avec les ‘bulles’. Dans ce contexte, on verra peut-être les choses changer », espère Norma Dubé.

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Photos

Titre : Norma
Légende : Ancienne sous-ministre provinciale, Norma Dubé est la présidente du comité.
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien
Titre : Lélianne
Légende : Lélianne LeBlanc était là pour encourager les gens à s’éveiller à la réalité.
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien
Titre : Ainés
Légende : (photo pour la une du journal)
Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien

Les 6 priorités recommandées
Revoir les normes pour qu’elles soient applicables à tous les types de foyers de soins, publics comme privés, est la première des recommandations à court terme émises par le comité d’action sur la bienveillance envers les personnes aînées. Ce dernier demande que soit également établi un processus de communication uniforme entre les prestataires de services et les familles, et exige une formation adéquate tant pour les propriétaires d’établissements que pour le personnel, souvent sous-qualifié et confronté à une pénurie de main d’œuvre. Vient ensuite la recommandation de veiller à la bonne alimentation des résidents, en s’assurant que les repas répondent aux normes nutritionnelles et soient préparés par des cuisiniers professionnels.
Sur le moyen terme, le comité demande au gouvernement de mettre l’accent sur les soins à domicile, afin de permettre aux personnes âgées de vieillir tranquillement chez elle plutôt qu’au sein d’une institution. Enfin, la dernière recommandation, et non la moindre, concerne la suspension progressive des foyers privés, auxquels on pourrait idéalement substituer un modèle communautaire à but non lucratif, géré par les municipalités elles-mêmes. - DD

Réaction du gouvernement et de l’opposition officielle
Alors que le comité avait émis un communiqué de presse sous embargo avant la tenue de sa conférence, le gouvernement y a répondu le 14 juin en soirée. Le ministère du Développement social reconnaît l’existence de la maltraitance envers les personnes âgées. Évoquant une « législation désuète », il annonce une série de consultations des intervenants concernés, au cours des prochains mois, dans le cadre de la mise en œuvre du plan de santé dévoilé l’an dernier.
Faisons écho à certaines revendications exprimées par le comité de l’AFANB, Bruce Fitch déclare que « nous avons besoin d'un système durable qui ne se concentre pas uniquement sur les soins dans les établissements, mais qui tire également parti des services communautaires et des soins à domicile pour appuyer les personnes âgées afin qu’elles soient autonomes le plus longtemps possible. Les investissements devraient être effectués en amont plutôt que de façon réactive. »
Présent lors de la conférence de presse de l’AFANB, le chef de l’opposition officielle, Roger Melanson, a rebondi sur cette proposition. S’agissant d’investir davantage dans les soins à domicile et en communauté, il tend la perche au gouvernement. « Depuis deux ans, on a accumulé un surplus budgétaire d’environ un milliard de dollars au Nouveau-Brunswick. Voilà une des enveloppes où l’on pourrait investir. C’est un problème sérieux, il est temps de passer à l’action ! » - DD

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  • Date de création 22 juin, 2022
  • Dernière mise à jour 22 juin, 2022
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