À pédales pour changer les perceptions de Hawkesbury

Rouler à vélo pour porter un message. Voilà l’objectif de Yanick Brunette et Guillaume Larivière-Durocher. Les deux hommes natifs de Hawkesbury souhaitent renverser l’opinion populaire face aux résidents de cette ville, la même qui héberge la plus grande population vulnérable de la région Prescott-Russell.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

«Les chiffres font peur», lance Yanick Brunette en début d’entrevue.

L’étudiant en science de la nutrition et des aliments à l’Université d’Ottawa (Ud’O) a été pris de court lorsqu’il a consulté les données des populations vulnérables de sa région en vue de rédiger un rapport universitaire.

L’agglomération de Hawkesbury était la région la plus pauvre au Canada en date du recensement de 2016.

Toujours selon les données de Statistique Canada, la ville est toujours au bas de l’échelle provinciale par rapport au revenu médian du ménage après impôts, qui s’élève à 49 200$.

La proportion d’individus vivant sous le seuil de la pauvreté est également deux fois plus élevée que la moyenne provinciale.

Finalement, le taux d’enfants âgés de 0 à 5 ans vivant dans un foyer dont le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté est presque trois fois supérieur à la proportion de l’Ontario.

La population ne peut ignorer la présence de populations vulnérables dans son patelin, que ce soit des enfants, des personnes sans diplôme d’études secondaires, des individus à faibles revenus ou des femmes monoparentales, soutiennent MM. Brunette et Larivière-Durocher.

Les deux amis d’enfance rêvent de voir une plus grande empathie envers ces personnes, au détriment du mépris.

«Ce n’est pas eux [les personnes vulnérables] le problème, mais le problème est présent, discerne M. Brunette. La différence est importante.»

C’est donc pour venir en aide aux personnes appauvries de la région que les deux camarades ont roulé plusieurs centaines de kilomètres à vélo.

Un défi devenu campagne

Les compagnons d’armes se sont lancé le défi de pédaler de Québec à Hawkesbury en quatre jours, simplement pour le plaisir de relever un défi.

Au cours de leurs préparations, leur aventure a gagné de plus en plus d’intérêt dans leur entourage.

C’est ainsi qu’est venue l’idée de jumeler leur périple à une campagne de financement.

Les 4000$ amassés jusqu’à maintenant ont permis de financer un programme venant en aide aux enfants et aux femmes enceintes de l’organisme Groupe Action, basé à Hawkesbury.

L’organisme à but non lucratif a notamment utilisé les fonds pour aider une mère dans le besoin, auparavant non admissible à leurs services en raison de la pleine capacité de l’organisme.

Changer l’opinion populaire

Dans le cadre de sa recherche universitaire à l’Ud’O, M. Brunette s’intéresse aux besoins vitaux des enfants et des femmes enceintes dans le besoin à Hawkesbury.

De son côté, M. Larivière-Durocher est psychothérapeute et conseiller en toxicomanie à l’Hôpital général de Hawkesbury.

Ainsi, les deux sont confrontés à la réalité des personnes en situation de pauvreté.

Ce n’est pas le cas de la majorité des habitants de la ville, remarquent-ils.

Le voyage à vélo, ajoutent-ils, n’est donc qu’un vecteur pour changer l’opinion populaire face aux personnes vulnérables.

«Notre région est vraiment plus en difficulté que la moyenne de la province, relève M. Brunette. On veut que les gens soient au courant. Les gens pensent souvent que ces personnes n’apportent rien dans la communauté. Ce n’est pas seulement une question de volonté, il y a des enjeux plus complexes. Les organismes font du bon travail, mais ils doivent recevoir l’appui de la communauté pour affronter le problème.»

Le jugement survient rapidement face aux personnes vulnérables, remarque M. Larivière-Durocher.

«Quand les gens n’ont pas de capital financier, ils sont pris dans cette situation. Ce n’est pas qu’ils ne font pas d’effort pour s’en sortir, c’est qu’ils n’ont pas accès aux ressources. J’espère que notre campagne va générer un mouvement vers l’action communautaire.»

Pistes de solutions

Comme gestes à poser pour améliorer la cohabitation avec les personnes vulnérables, les cyclistes suggèrent d’atténuer le jugement face à leur situation et d’être plus ouvert d’esprit.

«Le niveau d’éducation n’est pas le seul moyen d’évaluer les gens, soutient M. Brunette. Les petites entreprises pourraient embaucher des gens vulnérables pour effectuer certaines tâches. Le soutien financier du gouvernement n’est pas suffisant pour vivre.»

Son collègue espère que la population mieux nantie s’implique davantage dans des activités et des clubs sociaux pour être en contact avec les personnes plus vulnérables.

«C’est important de créer des liens et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls. Il y a plein d’organismes qui recherchent des bénévoles.»

Fin amère

Pour revenir à l’aventure à vélo des deux trentenaires, ils ont échoué à rouler les 550 km prévus. Un chemin très raboteux les a obligés à transporter leur vélo sur leurs épaules durant 20 km. 

Après trois chutes et un large retard sur leur itinéraire de départ, ils ont pris la décision amère de mettre fin à leur aventure.

Ayant les ressources financières à leur disposition, ils ont pu sortir du pétrin, contrairement à ceux qui vivent dans la rue, indiquent-ils.

«J’y pense chaque jour que j’aurais aimé terminer, avoue M. Brunette. On a dû arrêter, mais, au moins, nous avons des gens sur lesquels nous pouvons compter. Certaines personnes vivent toujours en état de vulnérabilité.»

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Photos

Guillaume Larivière-Durocher et Yanick Brunette, natifs de Hawkesbury, souhaitent renverser l’opinion populaire face aux résidents de cette ville. (Courtoisie)

Yanick Brunette et Guillaume Larivière-Durocher (Courtoisie)

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  • Date de création 23 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 23 octobre, 2023
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