À l'intersection de PANDC et LGBTQ

Tout au long de l’année et notamment pendant le Mois de l’histoire des Noires, Raven Khadeja sensibilise les Terre-Neuviens et les Labradoriens au racisme. Après avoir donné une présentation début février au Velvet Club & Lounge, un bar queer bien connu du centre-ville de St. John's, la militante a parlé au Gaboteur de l'intersectionnalité des personnes racisées et queer.

___________

Liz Fagan
IJL - Réseau.Presse - Le Gaboteur

Marsha P. Johnson a été une des premières militantes noires et queer de nos jours. Femme trans, elle est surtout connue pour son rôle dans le mouvement de libération des personnes queer et trans et a été au premier rang de presque toutes les manifestations pour les droits de l’humain à New York et à New Jersey à partir des années 1970, comme les émeutes de Stonewall.

Cette radieuse activiste, qui s'est même retrouvée devant l'appareil photo de Andy Warhol en 1974, a été assassinée en 1992 à l'âge de 45 ans. Son meurtrier reste inconnu à ce jour.

On pense généralement que le manque d'efforts de la police pour retrouver son meurtrier était dû au fait qu'elle était une femme noire et transgenre, explique Raven Khadeja lors d'une présentation à Velvet Club & Lounge au début du mois.

Dans le cadre du Mois de l'histoire des Noires, la militante fait écho de l'injustice envers les personnes noires et queer.

«On ne s'est pas occupé d'elle,» prononce Raven solennellement, «Bien que nous ayons tous des problèmes à désapprendre, personne n'a le droit de décider quelles vies noires comptent. Toutes les vies noires comptent. Personne n'est jetable.»

Raven Khadeja vit à Terre-Neuve depuis cinq ans après avoir choisi l’Université Memorial pour son deuxième diplôme en Éducation, son premier étant l’histoire. Originaire de Trinidad et Tobago, Raven est une des fondatrices de Black Lives Matter-NL (BLM-NL), créé en juin 2020. La semaine suivant l'événement au Velvet, elle a accepté de creuser davantage la question de l'intersectionnalité avec Le Gaboteur.

«Trop souvent, nous entendons: “Vous n'avez même pas besoin de BLM ici. Qu'est-ce que le racisme de toute façon?” C'est justement pour cela que nous avons besoin d'éducation», résume-t-elle. Elle cite le Dr Syrus Marcus Ware, activiste et professeur canadien: «Si nous ne sommes pas capables de résoudre les conflits, la communauté se brise très facilement».

L’importance de l’intersectionnalité

L’intersectionnalité est un concept sociologique qui désignela situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société. Proposé par l’afro-féministe Kimberlé Williams Crenshaw en 1989, ce terme est souvent utilisé pour décrire l’intersection entre le sexisme et le racisme, entre le racisme et le classicisme, ou bien l’homophobie et la transphobie.

C’est important pour Raven de souligner le chemin qu’il reste à faire entre les groupes noires et queer: reconnaître la misogynie, l’homophobie et la transphobie qui existent d’un côté, ainsi que le racisme et l’anti-noirité de l’autre. En tant qu’activiste queer elle-même, ce progrès est essentiel.

«Comment aborder l'Hydre?» se demande-t-elle. «On coupe une tête mais une autre quinzaine apparaît.»

L'activiste encourage les gens à avoir des conversations difficiles et à poser des questions comme: «Qui devrait être au centre de cette discussion?» ou «Qui est représenté, ou sous-représenté?».

«En tant que Noirs, réfléchissons à notre propre politique de responsabilité; qui considérons-nous précieux?

Sur la base de leur ressemblance avec nous? Nous parlons d’une certaine tranche d'imposition pour être considérés comme réellement précieux, non seulement dans les espaces blancs, mais aussi dans les espaces noirs.»

En parlant de l’intersection de l’ethnicité et la sexualité, elle évoque l'épidémie de sida, où le traitement des patients blancs et noirs ne ressemblait pas du tout. Le monde a vu des négligences médicales, un mépris pour la vie des Noirs, et même la croyance que les Noirs sont porteurs de maladies.

Raven compare cet exemple aux agressions constantes contre les femmes noires et les femmes trans qui sont constamment assassinées et oubliées. «Toutes les vies noires comptent, chacune», affirme-t-elle.

L'épanouissement des Noirs à travers l’éducation

Raven prioritise l'éducation dans ses discours étant elle-même éducatrice. Selon elle, la lutte de BLM-NL continue, mais la lutte évolue. «C'est plus qu'un combat contre le racisme, c'est un combat contre l'anti-noirité».

L’éducatrice n’oublie jamais son but, et y a consacré son activisme.

«À quoi ressemblerait l'épanouissement des Noirs? Que faisons-nous pour nous assurer que tout le monde puisse avoir les mêmes opportunités?»

Raven détient une approche réaliste du soutien en ligne. Compte tenu du fait que l'activisme peut souvent être à la mode pour certains, elle ne prend pas ce qu’elle trouve en ligne trop au sérieux. «Que vous aimiez BLM ou vous le détestiez, les tendances vont et viennent. On ne peut donc pas personnaliser cette adoration.»

L'éducation, dans ce cas, demande plus que la lecture, qui ce soit des postes sur les réseaux sociaux ou de la littérature des écrivains et chercheurs noirs, mais une compréhension de la structure sociale. Ce faisant, c’est évident comment les personnes de couleur sont (sous) représentées, traitées, et quelles sont les meilleures façons de procéder pour mettre en œuvre le changement.

«Tous les jours, nous voyons des personnes de couleur effectuer des tâches subalternes, et rarement en tant que cadres ou universitaires», affirme Raven, «qu'est-ce que cela vous dit?», demande-t-elle.

L'éducatrice ajoute qu'il existe une exclusion qui se produit à Terre-Neuve- et-Labrador. «C'est une façon aplatie de penser: les gens supposent qu'une personne racisée est un immigrant, mais tous les immigrants ne sont pas racisés. C'est une façon aplatie de penser à la race et à la classe.»

Pour Raven Khadeja, ce serait rendre un mauvais service de négliger la responsabilité des institutions et de se concentrer uniquement sur les préoccupations individuelles. Pour comprendre la complexité et la nuance du racisme et de l'anti-noirisme, nous devons reconnaître l'oppression systémique à grande échelle, ainsi que la discrimination quotidienne, y compris les micro-agressions.

Selon Le Petit Robert, une micro-agression se défini par «[...] un simple geste, ou une remarque, perçu(e) comme une insulte ou maltraitance en raison du groupe ethnique, du sexe, etc. même si l’insulte peut être non-intentionnelle et qui, combinée à d’autres gestes ou remarques similaires au fil du temps, créent un tort émotionnel.»

Par exemple, «Vous êtes belle pour une Noire», ou «Mais vous parlez si bien! Wow.»

À quoi ressemble l'activisme?

«L'activisme prend de nombreuses formes,» affirme l'activiste. «Parfois, il exige que vous organisiez une énorme manifestation, parfois il exige que vous vous engagiez dans la construction d'une communauté. Si nous devons revenir en arrière et faire une protestation, nous le ferons absolument, mais nous devons aussi nous accorder la grâce. Si nous nous battons, et que nous ne remettons rien en place, avec quoi pouvons-nous nous battre?»

La cofondatrice de BLM-NL explique que son association investit - culturellement et financièrement - dans les gens à travers différents programmes dans la capitale et parfois around the bay.

Le groupe de bénévoles a vu un énorme succès avec les collections de fonds. En 2020, l’organisme a fait une collecte de sacs à dos pour les fournitures scolaires, avec 139 intervenants sur 2 ans. L’année suivante, l’association a organisé une collecte d'hiver où elle a offert des manteaux et d’autres vêtements pour les personnes affectées par la COVID-19.

«Noël dernier, nous avons versé des fonds à plus de 25 personnes, avec NL Eats, de l'argent ainsi que des cartes cadeaux pour acheter de la nourriture.

J'ai une consultation personnelle, Ravensong, et on a organisé un événement pour la solidarité noire et autochtone au [Echo Pond Environmental Education Centre]», explique-t-elle. «Nous avions eu un week-end entier d'enfants de toutes ethnicités, et nous avons parlé de l’inclusion culturelle, nous avons eu de belles discussions. Nous étions hébergés pour la nuit et il y avait de la nourriture. On s'est tellement amusés. C'était vraiment génial.»

-30-

BOITE

Comment s'impliquer

Pour vous joindre Black Lives Matter-NL, rendez-vous sur Instagram, où vous trouverez toutes sortes de ressources et de campagnes (@BlacklivesmatterNL).

Au niveau national, BLM-Canada organise une campagne de collecte à l'échelle du Canada, Black Inflation Support Fund. Cette levée de fonds d'aide aux Noirs en cas d'inflation est destinée à soutenir les familles et les individus noirs qui connaissent des difficultés financières en raison de l'augmentation du prix des denrées alimentaires, de l'inflation et d'autres défis.

Dans la capitale, le 19 février 2023, l'Association communautaire francophone de Saint-Jean collabore avec la Nigerian Canadian Association of Newfoundland et le St. John’s African Roots Festival pour présenter un événement au St. John’s Farmer's Market, «Black Excellence». Au rendez-vous, une séance avec les conférenciers Isaac Adejuwon du Nigéria et Deneice Wedderburn du Jamaïque.

-30-

 

Photo: Raven Khadeja Velvet

Photo: Courtoisie

Caption: Début février, Raven Khadeja s’est présenté au bar queer, Velvet Club & Lounge, pour une événement dans le cadre du Mois de l’histoire des Noires.

 

-30-

  • Nombre de fichiers 2
  • Date de création 17 février, 2023
  • Dernière mise à jour 17 mars, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article