À la recherche d’alliés pour faire reconnaitre l’épidémie de violence faite aux femmes

De plus en plus de villes nord-ontariennes adoptent des motions pour reconnaitre qu’elles font face à une épidémie de violence envers les femmes. Pour les organismes d’intervention, cet appui est essentiel pour contrer ce fléau grandissant, exacerbé successivement par la pandémie, l’inflation et la crise du logement.

_______________________

Julien Cayouette

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

Sault-Ste-Marie a voté à l’unanimité le 30 octobre pour reconnaitre l’épidémie; une semaine après le drame familial qui a couté la vie à deux adultes et trois enfants. Sudbury serait sur le point de présenter une motion. North Bay a cependant refusé d’appuyer une telle motion au début octobre, affirmant que ce n’était pas un problème municipal. Son service de police l’a cependant fait.

Le conseil municipal de Timmins a adopté une résolution en ce sens lors de sa réunion du 3 octobre. Un bon pas vers l’avant selon la directrice générale du centre Ellevive de Timmins, Chantal Mailloux. Elle est impatiente de savoir quelles actions seront proposées pour s’attaquer au problème. Travaille qui reviendra peut-être au comité de la violence basée sur le genre de la Ville.

La demande de déclaration d’une épidémie de violence faite aux femmes est la première des 86 recommandations du rapport d’un jury​ sur la mort de trois femmes aux mains du même homme dans le comté de Renfrew il y a quelques années. Cette recommandation a été faite au gouvernement de l’Ontario, mais celui-ci a refusé de la mettre en application.

La reconnaissance par les villes envoie un message à leurs résidents «pour les réveiller un peu», lance Mme Mailloux. Les villes se donnent aussi la responsabilité d’inclure ces données pour tenir compte du bienêtre de leurs résidents.

«On dit depuis toujours qu’il faut que les communautés et la société s’engagent dans la lutte.» Sans intervention, «ça va continuer», insiste la directrice générale du Centre Victoria pour femmes, Gaëtane Pharand. Ça permet aussi aux organismes de réclamer plus de fonds.

L’accumulation de ces déclarations municipales ajoute de la pression sur le gouvernement provincial, croient mesdames Pharand et Mailloux.

Pourquoi «épidémie»?

Le mot «épidémie» est habituellement plus associé à une maladie physique, et non psychologique. Mais le mot fait également référence à un phénomène qui touche de plus en plus de gens.

Les intervenantes croient qu’il est bien choisi. Gaëtane Pharand affirme «que ça crée une image».

«L’intensité augmente au cours des dernières années, on peut vraiment le voir, ajoute Chantal Mailloux. Les cas que l’on reçoit sont beaucoup plus complexes», entre autres en raison de l’intersectionnalité.

«Nous sommes rendus à [entre] 40 et 50 féminicides par années en Ontario depuis plusieurs années», affirme Gaëtane Pharand. Cinquante-huit ont été recensés en 2021.

Il faut par contre se rappeler que l’on fait référence à toutes les formes de violence, pas seulement les féminicides. L’épidémie inclut le harcèlement physique et psychologique, le viol et toutes les formes de violence. «Ce n’est pas toujours apparent à l’œil nu», nuance Chantal Mailloux.

Pour cette raison, tout le monde à un rôle à jouer dans la lutte afin de régler les problèmes systémiques et rapporter les situations problématiques. Chantal Mailloux fait référence au drame de Sault-Ste-Marie, où plusieurs personnes savaient que l’homme posait un risque et que rien n’a été fait pour lui venir en aide ou protéger davantage les victimes potentielles.

Les barrières de l’inflation et du logement

La pandémie de covid-19 aura apporté un point positif dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Plus de fonds avaient été mis à la disposition des organismes, qui ont pris l’habitude d’aider financièrement un peu plus souvent les femmes qui en ont besoin. Gaëtane Pharand affirme que le CVF a gardé cette pratique.

«On a reconnu que les femmes se privent constamment pour répondre aux besoins des enfants. Il y a des femmes qui ne mangent pas suffisamment et c’est maintenant aggravé par l’inflation.»

Chantal Mailloux fait le même constat. «Tout coute tellement cher. Il n’y a pas de logement et la liste d’attente est super longue pour le logement abordable, même pour la liste prioritaire.» Ceci complique encore plus la tâche des femmes qui prennent la décision de quitter leur conjoint pour leur sécurité et celle de leurs enfants.

«Quand une femme vient dans notre maison d’hébergement, on les aide à essayer de naviguer toutes ces choses-là. Il arrive qu’elles finissent par se dire que c’est overwhelming et, des fois, elles vont laisser de côté les choses négatives [de leur relation] et voir le positif et, peut-être, retourner. Ça devient vraiment difficile», raconte Mme Mailloux.

Après un passage à vide inquiétant au début de la pandémie, la maison d’hébergement gérée par Ellevive est constamment remplie à pleine capacité et «à certains moments à surcapacité» depuis au moins deux ans.

 

— 30 —

 

Gaëtane Pharand_2018.jpg

La directrice générale du Centre Victoria pour femmes, Gaëtane Pharand — Photo : Archives Le Voyageur

 

Chantal Mailloux.jpg

La directrice générale du centre Ellevive de Timmins, Chantal Mailloux — Photo : Archives Le Voyageur

  • Nombre de fichiers 3
  • Date de création 8 novembre, 2023
  • Dernière mise à jour 8 novembre, 2023
error: Contenu protégé, veuillez télécharger l\'article