À Charlottetown, le polystyrène n’est plus à la fête

Assiettes, couverts, gobelets, emballages en polystyrène… Ces produits en plastique à usage unique sont désormais bannis des festivals et évènements organisés à Charlottetown, la capitale de l’Île-du-Prince-Édouard.

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Marine Ernoult

Initiative de journalisme local - APF - Atlantique

Début février, la municipalité a décidé d’en faire une priorité en ajoutant l’interdiction à son Manuel des évènements durables. En réalité, la municipalité avait voté la suppression du fameux plastique n° 6 dès 2015. «Mais jusqu’alors, ça ne s’appliquait qu’aux camions de cuisine de rue, détaille Jessica Brown, agente de développement durable de la Ville. Ce n’était pas connu des gestionnaires de festivals et des vendeurs de nourriture qui y participent.»

Comprenez : aucune sanction n’était appliquée si la réglementation n’était pas respectée. «Nous ne sommes pas dans une démarche punitive, explique l’employée de la mairie. Nous voulons éduquer les gens, les encourager à réduire leurs déchets plastiques.»

Dorénavant, les six gros festivals de Charlottetown (et tout autre évènement organisé en ville) n’auront plus le choix et devront se plier à l’interdiction. Tout contrevenant est passible d’une amende comprise entre 100 et 5000 dollars. Voire, en cas de défaut de paiement, d’une peine pouvant aller jusqu’à trente jours de prison.

Jessica Brown se veut rassurante et rappelle que l’équipe logistique de la mairie, chargée de l’évènementiel, est là pour aider les organisateurs. La Ville peut également louer des stations mobiles de tri des déchets et de recharge des bouteilles d’eau.

Privilégier le réutilisable

Vers quelles alternatives peuvent se tourner les festivals? La mairie n’impose aucune solution. Cependant, Jessica Brown ne préconise pas l’utilisation de plastique biodégradable, qui se décompose avec le temps en microparticules et pénètre d’autant plus facilement dans la chaîne alimentaire. À ses yeux, «l’option la plus durable» reste le réutilisable. Avant d’admettre que ce n’est pas toujours possible avec la nourriture, «à cause des risques sanitaires».

Le Jack Frost Festival, qui a accueilli 15 000 personnes cet hiver, est la première manifestation de l’année à avoir supprimé tous les produits jetables en polystyrène. Les organisateurs ont joué la carte écoresponsable à fond : couverts et assiettes en bois, contenants alimentaires biodégradables ou réutilisables, verres en carton recyclables… même les 600 bâtonnets de guimauves à rôtir étaient en bambou compostable! Sans oublier les fontaines d’eau pour inciter les gens à apporter leur gourde et les poubelles de tri installées aux quatre coins de l’évènement.

«On a travaillé avec la mairie pour réduire notre empreinte écologique au maximum, affirme Marie-Pier Hamelin, responsable de l’organisation. Nous sommes dans une logique “laisser zéro trace”.» Les gestionnaires ont aussi misé sur la sensibilisation. Des bénévoles étaient présents pour expliquer l’intérêt et le fonctionnement du recyclage et du compostage.

Budget multiplié par trois

De son côté, le PEI Shellfish Festival a pris les devants en septembre 2019 avec une 24e édition plus verte. Les responsables ont imposé aux quatre vendeurs de nourriture d’avoir uniquement des contenants biodégradables, compostables ou recyclables.

En revanche, le polystyrène avait toujours ses entrées au bar. «Il n’existe aucune alternative rentable pour les verres et les gobelets, se défend Emma MacKenzie, l’organisatrice. Il aurait fallu reporter le prix sur les clients, qui ne sont pas prêts à payer plus.»

Pour les 25 ans de la manifestation, Emma MacKenzie assure que les vendeurs sont à la recherche d’une meilleure solution, mais se dit inquiète du surcoût engendré : «Leur budget risque d’être multiplié par trois». Avant d’ajouter : «Les gros festivals ont la capacité de le faire, ça sera peut-être financièrement plus difficile pour les petits».

Jessica Brown reconnaît volontiers que le surcoût est «un enjeu». Mais pour la responsable du développement durable de Charlottetown, la meilleure manière de réduire la facture, «c’est de diminuer le nombre de produits à usage unique».

Elle appelle les organisateurs de festival à prendre en compte le «réel gain du changement», autrement dit la réduction de la pollution plastique.

Les restaurants dans le viseur

À l’avenir, les festivals devront produire un bilan des actions mises en œuvre pour limiter leur impact sur l’environnement. En matière de déchet, aucun objectif chiffré n’est fixé ; il s’agit d’une simple incitation à baisser les quantités produites.

La Ville pense déjà à la prochaine étape : interdire le polystyrène dans les restaurants. «On ne sait pas si c’est dans notre juridiction, mais c’est définitivement sur notre radar», réagit Jessica Brown.

Pour l’heure, la municipalité a lancé la campagne Bring it Business. Les restaurateurs volontaires s’engagent notamment à éliminer le polystyrène, les couverts en plastique, à remplir les bouteilles d’eau des clients et, bien sûr, à utiliser des contenants compostables et recyclables.

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BP : Pour Jessica Brown, l’alternative la plus durable au polystyrène est le réutilisable. L’agente de développement durable de la ville de Charlottetown reconnaît que ce n’est pas toujours possible avec la nourriture «à cause des risques sanitaires». (Crédit : Marine Ernoult)

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  • Date de création 9 mars, 2020
  • Dernière mise à jour 9 mars, 2020
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