99 cents pour des tomates à l’année

Larry McIntosh entretient un jardin depuis toujours. Les légumes qu’il cultive l’été garnissent sa table toute l’année. Et comme il produit aussi de la viande, seulement le quart de son alimentation provient de l’épicerie. Aujourd’hui, avec les affres de l’inflation alimentaire visibles partout, l’agriculteur de Fournier dans l’Est ontarien, est plus content que jamais d’être autant autosuffisant.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse –Le Droit

Malgré la météo peu clémente pour les cultures cette année, notamment les pluies abondantes qui se sont abattues sur sa communauté à environ 80 km d’Ottawa, Larry McIntosh a réussi à faire pousser assez de légumes pour se nourrir jusqu’à la moitié de l’hiver.

Tomates, concombres, poivrons, maïs, patates, fèves, courges, tout y passe. Les surplus sont mis en conserve pour la cuisine des temps froids. Sauce à spaghetti, salsa, tarte aux pommes ne sont que quelques exemples de plats cuisinés avec ses récoltes qu’il congèlera ou conservera pour plus tard.

«Un paquet de semences à 99 cents me donne 24 plants de tomates, qui eux produisent 12 tomates chacun», explique-t-il. «C’est de loin plus économique qu’à l’épicerie. Je sais en plus que mon aliment est sans pesticide et le goût est de loin supérieur.»

Meilleur coût, meilleur goût

Depuis juillet 2019, le prix des tomates a augmenté de 24% au Canada, celui des pommes, de 23% et celui de la laitue romaine a plus que doublé, pour ne nommer que quelques exemples.

Quand M. McIntosh regarde l’inflation du prix des denrées, il se réjouit d’entretenir un jardin.

«Je n’ai pas à me préoccuper des épiceries et le goût est incomparable. C’est meilleur pour la santé aussi, vu que je sais d’où provient mon aliment.»

En plus des légumes, il achète quelques animaux comme des poules, des chèvres et des veaux pour obtenir de la viande. Il laisse les animaux pâturer quelques mois sur son terrain et il les abat pour en retirer la chair. À 6 dollars la poule, sa source de volaille est de loin plus économique qu’au supermarché. Le prix moyen d’un poulet entier au Canada étant de 6,14$ par kilogramme.

Le résident de la campagne est camionneur à temps plein depuis 40 ans. Il se promène entre Ottawa, Montréal, parfois Toronto. Son jardin n’a pas besoin de lui tous les jours.

«C’est très facile d’entretenir un jardin, affirme-t-il. Tu creuses un trou, tu plantes les semences, tu arroses de temps en temps et tu attends que ça pousse! Tes récoltes dépendent du travail que tu y mets. J’enlève les mauvaises herbes une fois par semaine et la pluie est suffisante pour arroser mes plants. Je dirais que je consacre une demi-heure par semaine à mon jardin.»

«Une thérapie»

Chantal Larose et son mari Jean St-Martin habitent en plein cœur du village de Fournier. Dans leur cour arrière d’un demi-acre, on retrouve une grande variété de légumes en plus des pommiers, des poiriers, des cerisiers, et même de vignes qui leur permettent de faire du vin maison.

Le jardin aménagé en 2020 s’agrandit année après année. Le but du couple est d’être quasi autosuffisant la retraite venue, donc d’ici 10 ans.

Elle est coordonnatrice des services de soutien à domicile et en milieu communautaire au service public. Lui est technicien en chauffage et en réfrigération. Avec leurs horaires chargés, ils n’arrivent pas à cultiver autant de légumes qui le souhaiteraient, pour être autonomes tout l’hiver.

«C’est sûr que c’est beaucoup de travail, mais c’est du plaisir donc on ne calcule pas le temps, voit Chantal Larose. C’est comme une thérapie.»

«Si tu regardes le temps que ça prend pour s’autosuffire, c’est l’équivalent d’un emploi à temps plein», estime son mari.

Elle évalue tout de même que l’équipement et les semences lui coûtent en moyenne 40 dollars par année. «Pour une tarte aux pommes maison, on paie environ le cinquième d’une tarte commerciale.»

«On apprend à manger en saison, ajoute Jean St-Martin. Tu ne peux pas manger ce que tu veux, quand tu veux.»

Le temps passé à travailler la terre est beaucoup plus important au début du processus qu’après plusieurs années. Le couple investit en moyenne une heure par semaine dans son jardin.

Ils suggèrent de se joindre à des groupes Facebook de jardiniers pour éviter certaines erreurs de débutants, de commencer la culture des plantes à l’intérieur durant l’hiver et de collaborer avec des fermiers pour obtenir du fumier.

L’augmentation du prix des aliments encourage les amoureux de la terre à agrandir leur jardin. «On aimerait éventuellement avoir des lapins et des poules, dit M. St-Martin. On cultive nos aliments pour notre santé, notre portefeuille et notre plaisir.»

Avantageux à long terme

Au Canada, seulement 3% de la population parvient à être autonome en matière de production alimentaire, principalement dans les régions rurales, rapporte le professeur en distribution et politique agroalimentaire à l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois.

Il admet que le jardinage peut représenter un investissement initial en matière de temps, d’argent et de ressources, mais que la culture de légumes est économiquement intéressante à long terme.

«Il est nécessaire de produire à une échelle raisonnable pour économiser, soutient l’expert en économie alimentaire. Cela signifie planifier soigneusement votre jardin, choisir les cultures appropriées et optimiser votre espace. De plus, la conservation des aliments récoltés peut également contribuer à maximiser les économies sur le long terme.»

Bien que Quinn Bonnett, un résident de Glen Robertson, non loin de Rigaud, ne compte pas ses dépenses pour son jardin et ses animaux tellement il aime ça, il remarque qu’il économise beaucoup, surtout pour les années à venir.

L’arboriculteur entretient une panoplie de légumes, des poules qui lui fournissent des œufs, et d’autres qu’il élève pour leur chair. Sur sa terre de quatre acres, il cultive également des arbres fruitiers, des vaches pour leur viande, ainsi que des chevaux, qui l’aident dans son métier.

Installé à cet endroit depuis deux ans, il cueillera ses premiers fruits que dans cinq ans. Il prévoit également fabriquer du fromage et du yogourt à partir du lait de sa vache laitière, simplement pour le plaisir.

«Il n’y a pas d’avantages financiers à faire son propre fromage, quand on compte le temps et les efforts nécessaires, tranche-t-il. Pour les légumes, j’économise énormément. Pour 50 dollars de semences de carottes achetées en gros, j’obtiens des centaines de kilogrammes de carottes.»

L’homme de 32 ans économise beaucoup en élevant des poulets. En début de saison, il se procure une cinquantaine de poussins à 1,50 dollar chacun qui nécessitent 200 dollars de nourriture au total pour leur vie. Il les abat 16 semaines plus tard et obtient 5,4 kg de viande par poulets. Grâce à ses trois congélateurs, il est nourri en viande blanche pour l’année suivante.

Suffit d’essayer

M. Bonnett, qui est originaire de Colombie-Britannique, remarque que l’Est ontarien est un endroit propice pour entretenir de grands jardins et élever des animaux. La région rurale force le contact entre voisins et plusieurs pratiquent le troc.

«Nous avons une bonne communauté ici, affirme-t-il. Les terrains sont moins chers qu’ailleurs et le sol est très bon pour cultiver.»

Tout amateur de nature et de nourriture devrait se lancer dans la culture d’un jardin, dit le jardinier qui est aussi massothérapeute. «Faire pousser des légumes, ça ne coûte quasiment rien. Il ne faut pas avoir peur d’essayer et de faire des erreurs. Par exemple, tous mes plants de tomates sont morts cette année à cause de la météo. Si la nourriture vous intéresse, il faut commencer son jardin maintenant, il ne peut que grossir.»

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Photos

Selon Larry McIntosh, qui entretient un jardin depuis toujours, un paquet de semences à 99 cents donne environ 24 plants de tomates qui produisent en moyenne 12 tomates chacun. (Etienne Ranger/Le Droit )

Larry McIntosh a réussi à faire pousser assez de légumes pour se nourrir jusqu’à la moitié de l’hiver. (Etienne Ranger)

Sur le terrain de Chantal Larose on retrouve une variété de légumes en plus des pommiers, des poiriers, des cerisiers, et même des vignes. (Etienne Ranger/Le Droit )

Au Canada, seulement 3% de la population parvient à être autonome en matière de production alimentaire. (Etienne Ranger/Le Droit )

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  • Date de création 5 septembre, 2023
  • Dernière mise à jour 5 septembre, 2023
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